
Samedi soir direction Garnier, pour assister à la première de Manon. Si je trouve bien des défauts à ce ballet, il n’en est pas moins de beaux moments de grâce.
Le premier acte se divise en deux scènes. La première mêle une foule de gens, mendiants, blanchisseuses, riches propriétaires, prostituées, soldats, courtisanes et autres chasseurs de rats. Parmi eux, un jeune soldat fougueux, Lescaut observe riches et mendiants. On découvre sa maîtresse, qu’il maltraite dès le début de cette histoire. Un homme intéresse particulièrement la foule, c’est Monsieur de G.M. Les mendiants, notamment leur chef, car la montre à gousset qui dépasse de sa veste est promesse de prospérité. Allister Madin incarne avec brio ce mendiant ma foi sympathique et bondissant. La maîtresse de Lescaut tente de séduire tout ce qui brille et Alice Renavand est convaincante. Jeux de bas de jambes, jeux de regard et sourire éblouissant, elle campe une courtisane séduisante, non sans recherche d’une certaine tendresse de la part de ces rudes hommes qui l’entourent. Stéphane Bullion se montre un Lescaut intéressé, malin, et tendre avec sa jeune soeur. Manon Lescaut est en route pour le couvent, quand elle s’arrête dans l’auberge pour y revoir son frère. Les regards sur elle, elle prend peu à peu conscience de sa beauté et de son pouvoir sur les hommes. Clairemarie Osta joue une Manon naïve dans ce premier acte, douce et délicate. Son travail de pointe reflète assez merveilleusement son caractère. Bien dans ses chaussons, et peu à peu, sans cesse en élévation. Deux hommes sont d’emblée attirés par Manon, Monsieur de G.M. et un autre riche notable, qui connaîtra une fin malheureuse, dans un coin de l’auberge Lescaut le faisant tuer par les mendiants pour une poignée d’or. Pendant les négociations entre Lescaut et Monsieur de G.M., dansé par Stéphane Phavorin, Manon cogne un jeune homme. Le coup de foudre est immédiat. Ce jeune c’est Des Grieux, un jeune étudiant. La variation de profil est une de mes préférées. La musicalité de Nicolas Le Riche n’a pas d’égal, chaque pied posé sur le sol, montre l’avancée de cet amour qui vient de naître dans son coeur. Les deux jeunes gens décident de fuir à Paris.
A son retour, Lescaut a promis sa sœur à Monsieur de G.M., il s’agit donc de la retrouver. Les deux amants se sont réfugiés dans la chambre de Des Grieux. Le pas de deux recèle des trésors chorégraphiques. Après avoir écrit une lettre à son père, Des Grieux déclare avec fougue son amour à Manon. Les portés s’enchaînent avec une telle aisance. J’aime les regards de l’un entre l’autre. Une véritable passion naît. Je suis émue aux larmes devant tant de grâce et de délicatesse. Manon vole, elle jubile de bonheur. Tous deux connaissent leur premier amour. Sur les visages des danseurs on peut lire une certaine innocence et la surprise sans cesse renouvelée de ce sentiment soudain et grandissant. Des Grieux va porter la lettre à son père, pour lui demander de l’argent, tandis que Manon vit ses derniers instants de bonheur. En effet, son frère arrive avec Monsieur de G.M., près tous deux à de mauvais arrangements. Monsieur de G.M. offre un manteau d’hermine à la jeune femme et des rivières de diamants. Cette perspective de richesse séduit Manon, qui prend un autre sourire devant cette richesse matérielle, oubliant aussi rapidement l’amour pur de Des Grieux. Le trio entre Lescaut, Monsieur de G.M. et Manon est malsain au possible. Stéphane Phavorin propose un Monsieur de G.M. très pervers et prêt à tout pour faire de Manon sa chose. La femme est réifiée durant tout le long du ballet.

L’acte II commence dans le salon de Madame, une dirigeante de maison close. Prostituées et courtisanes se distinguent par leurs vêtements. Lescaut arrive au milieu de cette foule, complètement ivre. Stéphane Bullion se montre très convaincant dans ce rôle de fêtard. Très drôle, j’apprécie beaucoup cette variation. Le pas de deux avec Alice Renavand vient achever le passage comique. Elle tombe en grand écart, bouscule Lescaut, insiste pour qu’il la porte, mais se fait renverser par son partenaire. Lui à la fois graveleux et mal en point finit sa variation par une tentative de baiser, mais finit par s’écrouler sur le sol. Divin ! S’ensuivent de nombreuses danses des prostituées, un peu fouillies à mon goût. Sabrina Mallem est éblouissante en chipie capricieuse. Les femmes sont de nouveau traitées comme des objets qu’on choisit en fonction de ses goûts. Il règne une misogynie assez poussée dans ce ballet. Manon arrive au bras de Monsieur de G.M., habillée pour l’hiver et parée comme un sapin de Noël. Elle est montrée comme une bête de foire, ce qui rend fou de malheur Des Grieux qui a été invité à cette sauterie par Lescaut. La variation de Manon dansée par Clairemarie Osta est un régal. Fine, élégante, elle change de visage en fonction du partenaire qu’elle regarde. Séduisante et séductrice, elle regarde avec tension Monsieur de G.M., qui ne la perçoit que comme un objet sexuel, tandis que les yeux se baissent, et la danse se montre plus douce, plus pudique devant Des Grieux. Nicolas Le Riche qui ne danse quasiment pas de cette scène, n’en est pas moins charismatique. Il ne perd jamais le fil de l’histoire et captive mon regard à de nombreux moments, parfois plus que les danses successives. Manon passe de bras en bras, d’hommes en hommes, de façon très malsaine, chacun pouvant profiter de l’odeur de sa peau. En récompense, Monsieur de G.M. lui accroche au poignet un bracelet, sorte de menotte dorée. Moment de calme, Des Grieux demande à Manon de le suivre, tandis que celle ci lui montre ses nouvelles richesses et acquisitions. Elle lui suggère de gagner au jeu et pour cela, elle l’aide à tricher. Après quelques tours, et beaucoup d’or amassés, Monsieur de G.M. s’aperçoit de la supercherie et se lance dans un duel à l’épée. Des Grieux blesse le riche noble et s’enfuit avec Manon.
Dans cette deuxième scène, Manon et Des Grieux montrent leur désaccord. Si Des Grieux n’attache aucune importance aux biens matériels, Manon en revanche a du mal à lâcher sa robe, son bracelet et autres pierres précieuses. La scène d’opposition est très forte et saisissante. Des Grieux ne demande pas à Manon de chosir, il veut que l’amour s’impose à elle comme une évidence. Il la contraint lui aussi par la force, ce qu’elle ne peut supporter, elle décide alors de céder. Monsieur de G.M. arrive pour arrêter les tricheurs, Lescaut étant déjà menotté et molesté. Monsieur de G.M. tue Lescaut, Manon court pleurer son frère.

© Blog à Petits Pas
Le troisième acte se passe en Louisiane où on été exilés les deux amants. La danse des jeunes femmes est emmenée par une Letizia Galloni resplendissante. Quand le bateau arrive, ce sont d’anciennes prostituées qui en descendent bien faibles et désespérées par ce voyage. Quand Manon et Des Grieux descendent du bateau, la jeune femme est éreintée et presque déjà dépossédée de son corps. Le geôlier ne s’y trompe pas, et voit le joli minois de l’ancienne séductrice. Après une altercation il l’emmène de force chez lui. Il la viole et lui accroche au poignet, de nouveau un bijou. La jeune femme ne répond plus de rien, elle est humiliée au sol. Scène choquante, Manon est presque laissée pour morte devant le bureau du geôlier. Des Grieux entre et le tue, puis emmène Manon en fuite dans les marécage de Louisiane. L’aventure est trop harassante pour la jeune femme, qui cauchemarde pendant ses nuits de sa vie passée. Tous viennent la hanter, se rappeler à sa mémoire, comme une sorte de procès. Dans un dernier espoir, Des Grieux fait danser Manon, elle court hantée par ce passé, par ces douleurs, elle se réfugie dans les bras de son amant. Il tente de nouveau de l’élever, de la faire sentir belle et forte. Son corps ne répond plus, Des Grieux la pose au sol, et pleure son désespoir. Le Riche et Osta m’ont complètement fait vibrer, leur osmose est sans égale, leur charisme et l’émotion qu’ils font passer vous bouleverse. On met quelques instants avant de revenir à soi, car ils parviennent à vous plonger dans leur histoire de Manon.
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Jules Massenet |
Musique |
Martin Yates |
Arrangements et orchestration |
Kenneth Macmillan |
Chorégraphie et mise en scène |
Nicholas Georgiadis |
Décors et costumes |
Hans-Äke Sjöquist |
Lumières |
- Distribution du 21 avril 2012
Manon |
Clairemarie Osta |
DesGrieux |
Nicolas Le Riche |
Lescaut |
Stéphane Bullion |
La Maîtresse de Lescaut |
Alice Renavand |
Monsieur de G. M. |
Stéphane Phavorin |
Madame |
Viviane Descouture |