Nicolas Le Riche

LAAC de Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta au TCE

Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta étoiles retraitées de l’Opéra de Paris, commencent une nouvelle aventure au Théâtre des Champs Elysées. Dès la rentrée, ils seront en résidence au TCE et vont animer L’Atelier d’Art Chorégraphique, un nouveau projet en plus de la danse et la chorégraphie, la transmission.

 

odyssee_Nicolas-Le-Riche_Clairemarie-Osta

Pour ce nouveau projet, les deux danseurs ont décidé de créer un espace ouvert aux enfants dès 8 ans, aux amateurs, mais aussi à ceux qui se destinent à une carrière professionnelle. Leur envie de transmettre prendra la forme de cours dispensés au Théâtre des Champs Elysées dans le studio Coupole.

Le LAAC commencera dès le 15 septembre, mais il vous sera possible d’essayer les ateliers le mercredi 1er juillet. En plus de ces deux artistes prestigieux, les artistes de la saison Transcendance et d’autres partenaires seront conviés pour mener des ateliers. Ainsi l’association Les maîtres à Danser ou la fondation Cynthia Harvey feront aussi partie de l’aventure. Une création publique clôturera l’année.

Découvrez le site internet lelaac.fr et inscrivez-vous dès le 15 juin pour la journée du 1er juillet (Le matin : adultes niveau moyen/avancé et  l’après-midi pour les enfants).

Alors envie de danser avec deux étoiles ?

photo

 

Saison 15/16 au Théâtre des Champs-Elysées

Mercredi 8 avril, le TCE présente sa nouvelle saison. Une saison riche, avec des invités prestigieux et toujours des spectacles d’une grande qualité. C’est dès demain que vous pourrez vous y abonner. Le théâtre fait partie de ceux où l’abonnement réserve non seulement les meilleures places mais aussi des réductions avantageuses. Ainsi pour la danse, l’opéra et l’orchestre, vous pouvez bénéficier d’une réduction de 30% sur vos places dans la catégorie de votre choix. Regardez la saison et laissez-vous tenter.

Abonnements saison 15/16 TCE

 

Bien entendu je commence par la danse, même si ce n’est pas le coeur de la programmation. Cela étant dit, la danse tient une grande place au sein du théâtre. Elle a toujours été présente et le T.C.E. a toujours su faire preuve d’audace. L’exemple du Sacre du Printemps reste le meilleur.

  • Life in progress, Sylvie Guillem du 17 au 20 septembre 2015 

11081126_356333921228264_4841556483716633547_n

 

Sylvie Guillem a choisi le Théâtre des Champs-Elysées pour faire ses adieux au public français. L’étoile atypique, unique, si singulière, va présenter un programme avec quatre pièces : une nouvelle création (un solo) d’Akram Khan, Duo de William Forsythe, une pièce de 1996 qu’elle dansera avec deux danseurs de The Forsythe Company, Brigel Gjoka et Riley Watts, une création de Russel Maliphant qu’elle dansera avec Emanula Montanari (Ballet de La Scala) et la pièce de circonstance, Bye de Mats Ek, un solo de 2011. Quatre dates pour voir ce mythe faire sa révérence. A ne pas manquer.

Relire ma chronique sur 6 000 miles away, clic

  • Mirror and Music, Saburo Teshigawara du 6 au 8 novembre 2015 

Vu pour la première fois à Chaillot, j’avais été fascinée par l’univers de ce chorégraphe. Le T.C.E. continue de lui faire confiance après le somptueux Solaris. Teshigarawa est un prodige qui signe chorégraphie, scénographie, choix musicaux, et costumes. Si l’art cinétique vous touche, il ne faut pas manquer cette pièce.

MirrorMusic001_1713f4

 

Relire ma chronique, clic

« Mon premier travail n’est pas de fixer ces corps dans une structure chorégraphique mais de les guider et de laisser le mouvement jaillir » aime à expliquer le chorégraphe japonais. Ce qui le motive est de trouver un sens
au mouvement, développer un vocabulaire qui lui est propre et l’offrir à ses interprètes pour qu’ils s’en emparent à leur tour. Sous ses airs silencieux, Saburo Teshigawara est un artiste du don, de l’échange. Mais c’est aussi un homme-orchestre qui aime à s’immerger dans les tous les domaines de ses spectacles. Chorégraphe avant tout, il se fait aussi volontiers metteur en scène, homme de lumières et de costumes et même librettiste comme ce fut le cas pour l’aventure de la création de l’opéra Solaris de son compatriote Dai Fujikura. Toujours et sans cesse, cette volonté d’explorer la danse comme un champ vierge ouvert à tous les possibles.

  • From black to blue, Mats Ek du 6 au 10 janvier 2016 

Un beau programme, lui aussi produit par Transcendanses. Trois pièces, avec la venue du Semperoper Ballet de Dresde qu’on a vu cette saison, éblouissant le Festival d’Automne (clic). On verra donc  She was black (1994) avec les danseurs du Semperoper Ballet Dresden, Solo for two (1996) dansé par Dorothée Delabie et Oscar Salomonsson et Hâche (2015) dansé par Ana Laguna et Yvan Auzely.

g_tv10laguna01

Extrait vidéo, clic

  •  Para ll-èles, Nicolas Le Riche / Clairemarie Osta du 11 au 13 mars 2016 

« Il ne peut y avoir aucun espace entièrement vide » (Descartes)
Au travers d’un voyage allégorique, Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta nous parlent des liens qui nous unissent dans l’espace qui nous sépare. Para-ll-èles est ainsi une poésie dansée à deux, seul(s)… ensemble.

Nicolas Le Riche poursuit son aventure hors Opéra de Paris. La saison passée, il avait présenté un soirée Carte Blanche au TCE, le voilà qui revient en duo avec sa femme, l’étoile Clairemarie Osta pour une nouvelle création, sur une musique de Nils Peter Molvaer. A découvrir.

Nicolas Le riche le 9 juillet

 

  • Déesses et Démones, Blanca Li / Marie-Agnès Gillot du 22 décembre 2015 au 3 janvier 2016.

Il y a quelques mois, on les voyait toutes deux bras dessus, bras dessous, bien entourées par Jean-Paul Gautier, à l’occasion d’une soirée caritative. De cette rencontre est né un projet, où vont se mêler les univers de ces deux femmes, qui ont chacune une place particulière dans leur art.

 

eye-gaultier131

 

Déesses et Démones, ou la rencontre de deux étoiles de la danse pour une création « mythologique ». Comme au temps des dieux grecs, elles s’allient et s’affrontent, se transforment en démones ou en divinités bienfaisantes pour changer le destin des humains, semant autour d’elles force, joie et énergie. Ces deux femmes qui dansent sont-elles les deux faces de la même médaille ? Elles manient le chaud et le froid, elles sont le chaos et l’harmonie. Ces deux forces de la nature, virtuoses et sensibles, déesses et démones sont à la fois semblables et dissemblables.

Pour Blanca Li, la chorégraphe inclassable, et Marie-Agnès Gillot, la danseuse étoile atypique du Ballet de l’Opéra de Paris, il s’agit d’une opportunité exceptionnelle d’explorer ensemble leurs personnalités intimes. Malgré leurs parcours différents, elles se retrouvent ici en jumelles, tant dans l’harmonie que dans la violence. Elles affirment leurs différences et leurs ressemblances. Différentes et égales à la fois, avec une gestique très lyrique et puissante, elles évoquent la force des figures mythologiques et totémiques.

  • Irina Kolesnikova, Saint-Pétersbourg Ballet Théâtre du 25 au 28 février 2016

Voilà une compagnie habituée au T.C.E chez qui elle élit domicile tous les ans. La compagnie vient avec Le Lac des cygnes, Don Quichotte et Casse-Noisette. La star de la compagnie, Irina Kolenikova est la raison pour laquelle on se déplace voir la compagnie. Pour ce qui est du corps de ballet on repassera.

Irina Kolesnikova

Relire ma chronique, clic

  • Orphée, Studio 3 du 15 au 17 juin 2016 

Après avoir revisité la vie de Maria Callas la saison dernière et plus récemment le parcours de la grande chorégraphe américaine Martha Graham, la compagnie de danse brésilienne Studio 3 explore le mythe d’Orphée. Les enfers prennent ici les formes du chaos urbain et des ombres nocturnes de la grande métropole de São Paolo. Mythe antique ou réalité moderne ? Fondamentalement universel quoi qu’il en soit.

52553Studio-3-Cia-de-danca-Theatre-des-Champs-Elysees

 

Voilà pour la saison Danse. On notera l’absence du traditionnel Gala des étoiles du XXIe siècle. La précédente édition avait pourtant été une belle soirée.

OPERA MIS EN SCENE

Haendel, Theodora, mise en scène de Stephen Langridge, du 10 au 20 octobre 2015
Bellini, Norma, mise en scène de Stéphane Braunschweig, du 8 au 20 décembre 2015 (4 dates)
Mozart, Mithridate, mise en scène de Clément Hervieu-Léger du 11 au 20 février 2016 (5 dates)
Ravel, L’Enfant et les sortilèges, mise en scène de Gaël Darchen 19 et 30 mars 2016
Wagner Tristan et Isolde, mise en scène de Pierre Audi du 12 au 24 mai 2016 (5 dates)
Rossini, L’Italienne à Alger mise en scène de Christian Schiaretti, 8 et 10 juin 2016

OPERA EN CONCERT ORATORIO

Weber Le Freischütz
Mozart L’Enlèvement au sérail
Strauss Ariane à Naxos
Puccini Messa di Gloria
Rossini Zelmire
Haendel Partenope
Haendel Rinaldo
Haydn Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix
Bach Passion selon Saint Jean
Lully Persée
Massenet Werther
Bellini La Somnambule
Bach Magnificat
Scarlatti Oratorio pour la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ
Donizetti Lucia di Lammermoor
Spontini Olympie
Pergolèse Stabat Mater 

Les textes en italique sont extraits de la brochure de la saison du T.C.E.

Soirée Nicolas Le Riche

Tant attendue depuis un an, la soirée Nicolas Le Riche a rempli toutes ses promesses. Spectacle bien rythmé, le danseur s’est fait plaisir et a mis une fois de plus tout le monde d’accord sur son talent. Le sourire aux lèvres de l’étoile, la fête et les émotions étaient au rendez-vous. Humour, musique, amitiés, souvenirs, toute l’histoire de Nicolas Le Riche et de l’Opéra Garnier a été racontée dans cette soirée.

Nicolas Le Riche par IkAubert

L’excitation était à son comble et la salle frissonnait déjà. Bien entourée par deux vieux messieurs, l’un discret, l’autre bavard, la vue sur la scène était imprenable. De ma loge on voit les coulisses ; danseurs, machinistes, habilleuses, accessoiristes, tous sont là dans un silence religieux pour voir l’étoile danser. Les ministres s’installent au balcon, les journalistes au premier rang de l’orchestre. Le rideau s’ouvre et dans le fond on aperçoit la silhouette du danseur qui jaillit du rideau de fond de scène. Matthieu Chedid s’avance, guitare à la main. L’homme qui danse s’avance, il rejoint les notes et semble parfois improviser avec beaucoup de grâce sur les accords graves et métalliques de la guitare. La balade nous berce, c’est un moment d’émotion qui semble une promesse pour la suite « Des années que je n’ai pas vu un show comme ça… ». Je regarde beaucoup les mains et les chaussons de Nicola sLe riche pendant ce passage. Les chaussons sont comme patinés, ils l’emmènent vers une autre aventure. « Où aller ? Où?  » répète doucement M. C’est sûr ce soir Nicolas Le Riche savait où nous emmener.

L’orchestre a pris ses quartiers dans la fosse et pour ne pas y passer des paragraphes entiers, on peut dire sans mauvais jeu de mots qu’il était la fausse note de la soirée. Les fausses notes, en particulier dans Le jeune homme et la mort et dans le Boléro, ont fait crisser les dents de plus d’un spectateur.

Les Forains de Roland Petit, un des rares ballets qui ne parle pas de la relation d’un homme et d’une femme mais du statut de l’artiste, ouvre la fête. On commence l’histoire de Nicolas Le Riche avec celui que l’on peut appeler son maître et avec les élèves de l’école de danse. Au milieu d’eux, Nicolas Le Riche parait très juvénile, comme si son âme d’enfant prenait le dessus sur le corps. La troupe de forains s’installe, ils trinquent, le petit théâtre se monte. Bientôt on pourra danser. Nicolas Le Riche retrouve ici son souvenir d’enfance, où il a rencontré pour la première fois Roland Petit. Puis les danseurs se figent, le regard vers le public, le danseur s’avance et nous présente la suite du spectacle « Le jeune Francesco qui va interpréter la variation du tambour du bal des cadets ». Le jeune homme s’avance sous le regard réjoui de ses camarades. Il ne manque pas de talent et malgré le stress, il garde sa posture de jeune premier. Les élèves de l’école s’enfuient avec l’étoile poursuivi par Abderam (Stéphane Bullion) et Raymonda (Dorothée Gilbert). Les sarrasins entrent et dansent avec un bel enthousiasme. C’est dans doute moi qui le suis moins, n’ayant jamais trop apprécié ce ballet. C’est un divertissement plaisant qui permet, comme le dit Nicolas Le Riche « de fédérer et de célébrer la Compagnie ».

La soirée se poursuit avec L’après-midi d’un faune, de Nijinski. On ne saurait oublier Le Riche dans ce rôle aux côté d’Emilie Cozette notamment. Ce soir c’est son ami Jérémie Bélingard qui dansait avec Eve Grinsztajn. Absent depuis un moment de la scène de Garnier, Jérémie Bélingard n’en a pas pour autant perdu de sa sensualité et il campe un faune peu flegmatique, tendu par l’odeur et la vue de la superbe nymphe. Le tableau s’anime, se remplit des nymphes, dont les pas sont minutieusement réglés. Là encore, un autre moment de l’histoire de la danse, de l’histoire de Nicolas Le Riche, qui admire « l’incomparable génie créateur » de Nijinsky. Un joli faune, bien dansé et joliment interprété. Voilà qu’il est temps d’aller faire des mondanités à la rotonde des abonnés.

 

Nicolas Le Riche

 

Quelques coupes de champagnes, quelques discussions où les superlatifs fusent, chacun essaie d’exprimer ce qu’il vit ce soir. Pas encore au bout des surprises, la rotonde met peu de temps à se vider, car mieux que les bulles de champagne, il y a les bulles de rêve que nous offre l’étoile ce soir. Il faut dire que la suite du programme fut sans doute, pour ma part, la plus émouvante de la soirée. Comment parler du jeune homme quand on a vu Nicolas Le Riche le danser tant de fois. Choisi par Roland Petit, ce cadeau fait au danseur est un cadeau en retour pour le public. Ce soir, Nicola sLe Riche était magique. De ma loge j’entendais son souffle mais jamais ses pieds toucher le sol. Si l’orchestre n’avait pas écorché la partition, l’instant aurait été divin. Heureusement, le regard absorbé par les deux interprètes, ma main posé sur le rebord de la loge, presque tremblante sous le coup de l’émotion, je n’en ai pas perdu une miette et c’est sans doute, le plus beau Jeune homme et la mort que j’ai vu. Eleonora Abbagnato est sans doute la mort la plus sensuelle qui m’ait été donnée à voir. Féminine jusqu’au bout des pointes, magnétique, son regard posé dans celui de Nicolas Le Riche produisait une tension si électrique que la salle retenait son souffle. Pendant les saluts, on sentait Eleonora Abbagnato absorbée par son émotion, presque encore habitée par ce qu’il venait de se passer. Le parterre se met debout, et l’ovation commence déjà.

Le jeune homme et la mort était si fort, qu’il fallait bien s’en remettre avec un entracte. Les yeux mouillés, je retrouve amis et balletomanes anonymes. Je bavarde avec des gens qui voyaient Le jeune homme et la mort pour la première fois et qui sont sous le choc de la pièce. L’effervescence du public est en pleine ascension. Pas un grincheux à l’horizon pour venir gâcher la fête.

Nicolas Le Riche & Sylvie Guillem

Appartement de Mats Ek marquait le retour d’une grande diva de la danse, partenaire privilégiée de Nicolas Le Riche, Sylvie Guillem. Leur duo sur la chorégraphie de Mats Ek était parfaite. Guillem est juste, tout le temps, sa danse est sans concession et on a l’impression que Mats Ek danse dans ses veines. En toute simplicité, le couple danse, sur cette scène que Sylvie Guillem a choisi de quitter il y a 25 ans. Aux saluts, le couple rit aux éclats, presque surpris d’être là, ensemble, de partager avec le public, cette grande joie d’être sur scène. Un moment aussi rare qu’inoubliable.

Guillaume Gallienne, ami du danseur, sociétaire de la Comédie-Française entre sur scène et déclame un texte écrit pour l’étoile. Je ne résiste pas et je vous le retranscris.

« Avant que d’enchaîner avec Caligula
Laissez-moi vous parlez un peu de Nicolas.
Si riche de talent, que c’est son patronyme,
Et si tous ses aïeux sont restés anonymes,
Et j’en profite ici pour saluer ses vieux
Qui sans soute ont tous deux des larmes plein les yeux,
C’est pour que brille mieux cette étoile si rare,
Dont nous fêtons ce soir un tout nouveau départ,
Que nous lui souhaitons aussi beau, aussi dense,
Que celui qui lui fit se lancer dans la danse,
Il y a déjà 34 ans de cela.
Sa richesse pour moi se situe au delà de son nom, c’est certain, et même de son charme,
Elle provient surtout de son art qui désarme,
Tellement il paraît naturel, comme un don du seigneur,
et que lui dans un fol abandon dépasse chaque soir, humblement, avec grâce,
Pour nous faire voler dans ces airs qu’il embrasse.
Avez-vous remarqué la finesse des doigts ?
Et sa délicatesse, alternée quelque fois, par une unique rage, une sauvagerie terrible
Puis d’un coup, avec espièglerie, il s’adoucit.
Soudain, nous voyons cet enfant, qu’il est souvent encore à 42 ans.
Il bondit comme un tigre et vole comme un ange,
Il atterrit en chat et tel une mésange, virevolte à nouveau sans même se soucier
De savoir si nous autres avons pu respirer.
J’ai vécu grâce à lui mes plus belles apnées.
Et n’oublierai jamais ces acmés insensés, que dans tous ses ballets il a su nous donner.
Mais ce n’est pas fini…tout ça va continuer…
Ce ne sont pas des adieux non ce n’est qu’un passage
Ton génie Nicolas est plus grand que ton âge.
Et que si cet endroit te déclare trop vieux, pour continuer ici tes grands sauts périlleux
Et bien tu les feras ailleurs, sur d’autres scènes,
Tu auras pour créer le soutien des mécènes
Ou celui de l’Etat ! Ce serait pas mal ça !
Que tu puisses transmettre !
Enfin ce n’est pas tout ça, mais j’entends en coulisses, un cheval qui trépigne,
Et n’ayant pu trouver de belle rime en -igne
Avant que ce canasson me dise allez ouste
Je m’en vais pour conclure citer Marcel Proust
Il dit, pour définir un autre immense artiste,
Ce qu’à mon tour je puis dire pour ce soliste – qui est mon ami,
En toute simplicité, il l’appelle novateur à perpétuité. »

Mathieu Ganio et Audric Bézard livre un joli tableau de Caligula. On regrettera seulement de n’avoir pas vu vraiment danser Mathieu Ganio dont les lignes peuvent rappeler celles de Nicolas Le riche plus jeune. Ce n’est donc pas pour rien que le chorégraphe a choisi cet autre grand danseur pour interpréter le rôle de l’empereur romain.

Nicolas Le Riche & Friends

 

Les machinistes installent le décor du Boléro à vue, pour le plus grand bonheur du public. Réglages des lumières pour les bras du début du ballet. Les chaises rouges s’alignent, la table est au centre. Il y plane comme un fantôme au-dessus, qui va prendre chair dans quelques instants. Le Boléro commence, les mains s’animent, le regard fixé au fond de la salle. Les corps sur les chaises commencent à bouger. Tout s’enchaîne vite trop vite, on voudra ralentir le rythme de la caisse claire. Les danseurs sont déjà tous debout, prêts autour de la table, comme un sacre autour d’un dieu dansant. Il sourit à tous ces danseurs autour de lui, qui ont admirablement dansé ce soir. C’est cette histoire qu’il nous a raconté ce soir, celle du petit garçon de l’école, du danseur et de ses maîtres, des oeuvres qui l’ont marqué, de sa place dans la danse aujourd’hui, sans doute, comme idole. Il s’est imposé comme le plus grand danseur de sa génération et ce soir il a encore montré tout son talent. L’ovation que le public lui rend est intense et très longue (le minutage diverge selon les sources et, à dire vrai, je n’ai pas du tout regardé ma montre). Ce fut un moment d’une joie intense, faite de partage entre le public, les artistes et le danseur.

Nicolas Le Riche a ensuite été fait commandeur des arts et des lettres. Il a fait un discours très touchant où il a retracé cette fois-ci avec des mots son parcours dans cette maison ; en commençant par l’examen de santé, puis le premier cours, le couloir des cent mètres, les premiers pas sur scène. Discours qu’il termine sur ces mots : « J’espère que l’honneur qui m’est fait ce soir est un signe pour l’avenir « . 

Plus de photos sur ma page Facebook, clic
La soirée à voir et à revoir sans modération sur ARTE concert, clic

Les citations sont extraites du programme.

Soirée Birgit Cullberg / Agnès de Mille

L’Opéra de Paris présente sa deuxième soirée mixte avec un programme 100% féminin. Féminin par ses chorégraphes, Birgit Cullberg, la Suédoise, et Agnès de Mille, l’Américaine ; féminin par ses héroïnes – Lizzie Borden et Mlle Julie ; féminin dans son aspect politique, de ce que ces pièces disent de la difficulté d’acquérir sa liberté quand on est femme. Du 21 février au 13 mars, deux ballets des années 50, Fall River Legend, et Mlle Julie, sont à voir au Palais Garnier. Retour sur la première de cette série, le 21 février.

Fall River Legend, d’Agnès de Mille, avec Alice Renavand, Vincent Chaillet, Stéphanie Romberg, Laurence Laffon, Christophe Duquenne, Léonore Baulac et Sébastien Bertaud.

Alice Renavand Agathe Poupeney

Cette pièce est inspirée d’un fait réel, l’affaire judiciaire de Lizzie Borden. La jeune femme a été accusée du double meurtre à la hache de ses parents. La pièce d’Agnès de Mille nous plonge donc dans cet univers immédiatement. Les premières notes de la partition sont stridentes et le drame se dessine déjà. La pièce s’ouvre sur procès où le porte parole rend compte des faits. Sébastien Bertaud donne de la voix pour énoncer très distinctement « Les jurés se sont rendus…. ». On a tout de suite l’impression d’être dans un film américain. Alice Renavand joue le rôle de l’Accusée. A son procès, elle est soutenue par le Pasteur incarné par Vincent Chaillet. Le personnage va être replongé dans son enfance. L’Accusée jeune, jouée par Léonore Baulac, est une petite brune aux jupons blancs. On reconnait à peine la jeune femme sous ces traits de fillette, mais la pétillance de sa danse transparait. L’Accusée revit la scène avec son double enfant. C’est bien construit. Renavand campe une jeune femme déjà assez en colère ou dans une certaine inquiétude. Elle est à ce moment comme une voix off qui vient apporter l’émotion d’une scène qui serait filmée de façon très objective. La rage contre cette belle-mère, qui remplace une mère douce et aimante – Agnès de Mille continue d’apporter au mythe de la marâtre – se lit aisément dans la chorégraphie et dans le langage de l’Accusée : les chevilles tournent, la main va au ventre ou au plexus, les contractions du ventre se répètent.

La danse est très lisible, avec des expressions du visage très marquées. La trame narrative est ainsi très bien construite. Le rire à gorge déployée de l’Accusée quand ces parents prennent peur la voyant la hache à la main, les regards marqués, les gestes très dessinés, à la manière d’un film muet, tout cela contribue à une narration formidable. On suit l’intrigue avec un certain suspense. Alice Renavand porte le personnage avec une grande force, sans jamais perdre ses belles qualités techniques, comme on peut le voir dans le duo avec sa mère, après le meurtre. On la fait passer pour folle. Elle est une femme en dehors du monde, dont l’enfance s’est terminée trop brutalement. Elle ne connaît rien du monde, on l’empêche de vivre l’amour, elle est une femme recluse qui veut gagner un peu de liberté. De cette envie de liberté naît une rage, un désir fou, où Tathanos prend le dessus sur Eros. La mort comme une libération à une existence qui n’en a pas ? Une façon de rejoindre une mère tant aimée ? Ce sentiment de colère qui naît chez le personnage de l’Accusée, prend forme dans une danse circulaire où le groupe de villageois tournent et dansent autour d’une femme qui ne fait pas partie de cette ronde.

La chorégraphie m’a fait penser aux comédies musicales américaines – West Side Story évidemment. L’église américaine avec son pasteur – dansé par Vincent Chaillet au port de tête noble –  et les danses de groupe, notamment la prière, m’ont plongé dans une Amérique que l’on voit dans les vieux films. Rien d’étonnant quand on sait qu’Agnès de Mille était d’une famille de cinéastes. Les toiles peintes montrent des ciels de couleur qui reflètent l’âme du personnage principal. On pense aux grand studios d’Hollywood, où tout est complètement articifiel, y compris les ciels. La musique et son côté jazzy m’ont fait pensé à Berstein, à Gershwin, à ces musiques qui savent nous raconter quelque chose avec une mélodie rebondissante. Les pas s’y calent en contretemps, les hanches se décalent parfois, avec une belle subtilité.

On sort de la pièce comme à la fin de film à suspense. Agnès de Mille a fait le choix de faire condamner son héroïne à la mort, alors que Lizzie Borden avait été acquitté. Vidée, Alice Renavand a porté ce personnage avec brio pendant 50 minutes et la robe blanche tachée de sang, elle livre au public une dernière émotion, la sienne cette fois.

saluts alice Renavand Fall River Legend IKAUBERT

Mlle Julie, de Birgit Cullberg, avec Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche, Amélie Lamoureux, Alessio Carbone, Michaël Denard, Aurélien Houette, Takeru Coste, Charlotte Ranson, Andrey Klemm, Jean-Christophe Guerri, Richard Wilk.

anne-deniau-2941

 » Un valet est un valet
– Et une putain est une putain »

Strindberg, Mlle Julie, 1888.

Mlle Julie, est à l’origine, une pièce de théâtre naturaliste de l’auteur suédois August Strindberg. Elle raconte comment, un soir de la Saint Jean, Mlle Julie, jeune aristocrate va séduire son valet Jean, jusqu’à passer la nuit avec lui, au dépend de Krisitin, cuisinière et fiancée de Jean. Julie regrettera son geste et se suicidera à l’aube. L’adaptation de Birgit Cullberg ajoute quelques personnages et rompt avec l’unité de lieu. Tout d’abord, Julie apparaît revenant de la chasse, devant son père et un jeune prétendant, interprété par Alessio Carbone. Des villageois deviennent des personnages à part entière, dont la personnalité définit la danse. Quatre scènes au lieu d’un lieu, Cullberg montre ensuite ce qui est caché, à savoir la fête de la Saint Jean. Elle nous fait enfin partager les questionnements coupables de Mlle Julie dans une danse au milieu de ses aïeux qui la mènent au suicide.

En regardant la pièce, on pense à de nombreux autres ballets. Ceux de Mats Ek évidemment, notamment Giselle, avec le langage chorégraphique des paysans, et la danse de Kristin quand elle est seule dans la cuisine. La maison de Bernarda est aussi en résonance dans la pièce, avec les trois vieilles du village à la fête de la Saint Jean. Un autre chorégraphe contemporain de l’époque de ce ballet apparaît comme un fantôme, c’est Roland Petit. Carmen n’est pas loin, on le voit dans les costumes, dans les scènes de séduction, où les hanches s’ouvrent érotiquement.

Ce ballet est bien construit. La trame narrative est, là aussi, très lisible. Les personnages sont aussi complexes que dans la pièce. Mlle Julie apparaît très hautaine, froide, autoritaire. Aurélie Dupont campe à merveille cette noblesse, dans une tenue de cavalière très seyante. Dominatrice, de par son rang et sa personnalité, elle ne ménage pas son fiancé, qui la fuit, ne supportant pas le combat homme-femme qu’elle lui impose. Mlle Julie c’est une femme seule. Cette solitude va la pousser à aller danser avec ses serviteurs à la fête de la Saint Jean. Son serviteur, Jean, incarné par le sublime Nicolas Le Riche, est un serviteur obéissant. Jambes serrées, tête baissée, les bras le long du corps, respectant son rang de domestique. Il est attaché à ce dernier, aux principes de classe. On le voit bien dans la scène où il se moque de Julie devant Kristin. Il se joue de cette femme qui est sortie de son rang. Aurélie Dupont montre une femme fragile à la carapace faussement solide. Elle passe par de nombreux états.

« C’est toujours avec de belles paroles qu’on attrape les femmes »

La scène centrale du ballet est à mon sens celle de la séduction après la fête de la Saint Jean. Le désir est la domination de l’autre sont les deux éléments centraux qui vont faire basculer Julie dans une situation irréversible. Elle se laisse séduire par le beau jeune homme, tout en essayant de conserver son rang. D’une Julie froide, Aurélie Dupont montre un tout autre visage dans cette scène. Elle est outrageusement sensuelle, provocante, presque vulgaire. Jean en profite, tant qu’il peut, revenant parfois à la raison. Nicolas Le Riche est brillant, tellement, que parfois, il en écrase le jeu de sa partenaire. Sauts vertigineux, jeu impeccable, arabesques majestueuses, sa danse est superbe. On n’a d’yeux que pour lui. La domination de l’homme prend le dessus, et Julie est prise au piège. Le jeu de maître/valet est allé trop loin, il ne reste que la mort comme solution.

« Tu me reproches d’être grossier ? Jamais je n’ai vu une des nôtres se conduire comme tu t’es conduite cette nuit. « 

 Le ballet m’a beaucoup plu, d’autant que c’est une pièce que j’apprécie et dont j’ai vu de nombreuses versions. J’ai trouvé cette version chorégraphiée très juste, très proche de l’écriture de Strindberg. La tension dramatique monte bien, les danseurs sont merveilleux. Une belle soirée.

Saluts Mlle Julie Aurélie Dupont Nicolas Le Riche  © IKAubert

Réveillon dans le parc

Depuis plusieurs années, je passe mon réveillon de la Saint-Sylvestre à l’Opéra. Me voilà donc dans l’entrée, au pied du grand escalier paré de ses plus belles décorations. L’émerveillement est déjà là, les spectateurs ne se pressent pas, les appareils photos sont de sortie et il n’y a pas que les touristes qui immortalisent ce dernier jour de 2013.

Garnier en habits de fête

Je m’assieds dans ma loge, je regarde le public qui s’est mis sur son 31. Grandes robes, fourrures, bijoux clinquants, tout cela c’est bien trop pour moi mais j’aime les regarder, observer cette vieille dame, sur qui le maquillage ne peut plus rien et pourtant, on est à l’Opéra c’est soir de fête, alors cela vaut bien un peu de poudre aux yeux. Le noir est pour moi couleur de lumière, alors j’ai juste enfilé ma plus jolie petite robe noire, des escarpins assortis et j’ai ouvert grand les yeux quand le rideau s’est levé.

Les jardiniers taillent la carte où les jeux amoureux vont se dérouler. Les gestes sont précis, rapides. Comme des chirurgiens de l’amour, ils ne laissent aucun geste au hasard. Nos quatre héros sont très précis, la musique électronique les porte, leur donne une certaine énergie que j’apprécie tout particulièrement. Leurs mouvements, sophistiqués,  écho aux chemins que vont parcourir les sentiments des acteurs de ce jeu amoureux.

Le Parc Agathe Poupeney

Un homme entre dans l’ombre, son chapeau sur la tête. Il marche. Il est rejoint par d’autres. Les femmes entrent. Regards. On se scrute, on s’observe discrètement. Les époques changent mais les codes ne changent pas, peut être est ce le message de Preljocaj dans ce ballet. On se dit des secrets (il paraît que celui ci change tous les soirs), on montre quelques bas de jambe, comme on dévoilerait un peu de son intimité. Les jeux d’approche, sont de petits moments délicieux, que l’on savoure comme des gourmandises. On sait bien ce qui se passe quand on ne joue plus, et quand les chaises musicales n’amusent plus, il est peut être temps d’avouer que ce regard qu’on a eu, que ce sentiment était loin de l’indifférence. Ce premier regard entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont est fort ; il semble être le tout premier. Rencontre de deux âmes, sur la musique de Mozart, qui sait justement si bien en parler. Premier pas de deux. Les deux sexes dansent la même partition, les mouvements s’imitent et se répètent. Ils entrent chacun dans l’univers de l’autre. Ce ballet est un discours sur les sens, qui se mettent en éveil, au contact de celui vers qui on s’épanche.

« Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Roi et la Reine se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. »
Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves.

 Les jardiniers reparaissent pour continuer leur travail. Ils tracent par le mouvement, un quadrillage, alternent leurs places, déploient une énergie plus forte. Sous les arbres, les jeux vont se montrer plus malicieux. Les femmes s’évanouissent avec beaucoup d’érotisme. Le même peut être qui fait entrer les hommes lascivement au sol, tels des fauves. C’est le moment de montrer son désir. Les couples s’embrassent et s’embrasent. Les corps débordent de sensualité. Ma voisine en serait presque choquée. Pourtant les mouvements, identiques chez tous les couples, regroupent tout ce qu’il se fait de mieux en amour. De belles courbes, une tendresse non dissimulée, les yeux à demi ouverts, chacun entre dans la découverte du corps de l’autre, en tâtonnant à peine. Après la conquête, la résistance, il ne faudrait point montrer trop de transport vers cette nouvelle passion. C’est avec encore plus de transport que pour ma part, je suis touchée par ce nouveau pas de deux entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont. J’aime cette farouche affection avec laquelle il la porte, et ce timide coup de tête, avec lequel elle repousse des gestes déjà bien trop intimes.

« Je voudrais vous pouvoir cacher des sentiments qui sont assurément les plus emportés du monde. […] Que cet état est insupportable et qu’il me laisse peu espérer de repos et de joie ! Que de troubles, de fâcheuses réflexions, que de sensibles reproches et que de résolutions différentes, mais que de transports et que d’amour ! S’il est des moments où je souhaite de ne vous voir plus, il est des heures où je meurs d’envie de vous voir. »Mlle Desjardins, Lettres et billets galants.

La nuit, les jardiniers taillent même les rêves. Transforment-ils le sentiment amoureux? L’inconscient se multiplie par quatre et fait cheminer l’esprit endormi de la belle amoureuse. Qu’en restera-t-il au réveil ?
Je reste plus en retrait pendant les quelques tableaux qui suivent. Je n’en aime pas les costumes que je trouve vulgaires. Les femmes se lamentent, tandis que les hommes ont de l’ardeur… Cela me laisse perplexe. On arrive à la pamoison, mais là encore, je suis en reste. Même ma danse n’est pas aussi finement dessinée que dans les autres tableaux. Moment d’évasion, où l’on peut penser à autre chose puisque le ballet en est moins captivant.

Le Parc Aurélie Dupont: Nicolas Le Riche: Agathe Poupeney

L’abandon… Aux premières notes, on tremble déjà. Aurélie Dupont fixe Nicolas Le Riche. Le regard a changé, il a traversé tout un tas de sentiments. Sur la carte, les amoureux sont passés par de nombreux lieux-dits. S’abandonner à l’autre, lui laisser tous les chemins de son corps. On plonge dans l’intimité des corps et des âmes. Il y a une alchimie entre ces deux êtres, qui envahit toute la salle. La musique porte les baisers et les envolés dans les cœurs des spectateurs. On regarde, on écoute, on n’a pas le temps de penser que le langage de ces deux corps nous touchent dans ce qu’il y a de plus profond de nous mêmes. On s’abandonne nous aussi à la poésie des mouvements, et les souvenirs remontent et viennent se superposer aux images de la scène.

« Le cœur d’une femme se donne sa secousse à lui-même ; il part sur un mot qu’on dit, sur un mot qu’on ne dit pas. »Marivaux, La surprise de l’amour

Beaucoup d’émotions dans cette belle soirée, l’émotion aussi de voir deux immenses artistes, danser ensemble, sur la scène de Garnier, peut être pour la dernière fois. Le champagne en apothéose, non vraiment les réveillons à Garnier, sont ce qu’il y a de plus réjouissant.

Salut 2 Dupont Le Riche