Muriel Zusperreguy

Play ?

Play, jouer en français dans le texte. Jouer à quoi ? Jouer à la balle, jouer au spationaute, jouer sur scène, jouer aux animaux, jouer au chef d’orchestre, jouer à être amoureux, jouer à se déguiser, jouer sa vie, jouer à être un adulte, jouer, juste pour jouer. Le jeu de séduction, le jeu de l’oie, le jeu de la vie. Qui joue ? Ça veut dire quoi jouer ? Peut-on jouer quand on est un adulte ? Et si le jeu n’était qu’un divertissement, donc un leurre ? Il ne faudrait donc pas arrêter de jouer ?

Beaucoup de questions, peu de réponses. Ou toutes faites. Alexander Ekman m’a déçu plus que plu. Ce Play m’a laissée assez indifférente, avec beaucoup de frustrations. Le premier sentiment, vient de la « non-surprise » de la création. De ne pas être à la première était sans doute une erreur, voilà donc quinze jours que mon instagram est rempli d’images de Play. Il faut dire que la pièce est fortement « instagramesque ». Plus qu’un chorégraphe Ekman est un créateur d’images. C’est joli, ça fonctionne, ça fait de belles photos. Mais le plateau très (trop ?) grand est finalement peu exploité, et quand les danseurs vont se nicher dans les coins profond du côté cour, on ne voit plus rien. A croire que les chorégraphes et metteurs en scène en oublient la salle en fer à cheval (est-ce que ce n’est pas une contrainte intéressante ?). Les images d’Ekman sont très belles : on retiendra particulièrement Aurélien Houette en immense robe blanche, le joli duo Vincent Chaillet/Sylvia Saint-Martin, le défilé de rennes, et la pluie de balles vertes formant peu à peu une piscine à balles dans la fosse d’orchestre. Les danseurs commencent ce diaporama avec une succession de jeux, habillés comme de jeunes bambins en culottes courtes. Regarder des gens jouer, cela me laisse assez indifférente. Je ne ris pas à voir les danseurs plonger dans la piscine (à vous dire vrai cela me provoque la même frustration que lorsque que je vais à Ikéa et que je passe dans l’espace enfant…). Ce jeu, enfantin, c’est ce qu’Ekman appelle le mode « on ». Au milieu de cette foule de joueurs, il y a the « off lady », incarnée par Caroline Osmont. Tailleur gris, chignon tiré, petites lunettes et escarpins. Elle est la maitresse, l’adulte, celle qui range, qui gronde, celle qui ne joue pas.

Passé ce mode « on » on passe en « off ». Les danseurs sont donc tous en tailleur gris, avec cheveux grisonnants et lunettes. Ils miment des gestes de travail, qu’ils répètent inlassablement. Heureusement, on s’accroche à la musique, qui est vraiment merveilleuse tout au long de la pièce. Puis Ekman nous livre un discours surtitré le long de la fosse (sérieusement ? et la visibilité ?) dont on se serait bien passé. Il nous explique à quel point nous courrons après un succès hypothétique et que lorsque nous y parvenons, nous ne savons pas en jouir. Il continue avec un discours sur la nécessité qui serait une illusion, y compris dans la danse et la musique…Là j’ai atteint le summum de l’agacement (je vous passe mes pensées intérieures qui ressemblaient à « mec sérieux va lire Spinoza… ou Meillassoux, peut être que tu trouveras une définition de la nécessité qui a du sens et par la même occasion celle de la contingence… Je m’excuse auprès de Félix qui a subi toute la démonstration avec beaucoup de patience et de sourire. J’ai des amis formidables !). Avait-on vraiment besoin d’un discours ?! On n’est pas non plus à la FIAC on n’a pas besoin du déroulé du processus de création. Dans la tension qui naissait du haut de ma colonne vertébrale jusqu’au coccyx, l’apaisement est arrivé avec la séance qui me semble vraiment être le beau moment du ballet. La danse sur les cubes m’a rappelé le très beau Cacti. Redoutablement efficace, cette contrainte du cube pousse la créativité d’Ekman et on se réveille enfin un peu. Le mode off se termine avec un public un peu endormi.

Après les saluts, le dernier chant ouvre la place pour transformer Garnier en espace de jeu. Enfin Garnier, c’est vite dit. Le parterre en somme. De gros ballons sont lancés, les danseurs lancent des balles jaunes dans le public, les danseurs jouent au ruban sur scène… Vous vouliez jouer ? On vous donne deux minutes de divertissement. On vous fait jouer. Enfin on vous lance la baballe. En rentrant de Play on a envie d’ouvrir Pascal pour se rappeler ce qu’est le divertissement.

Kaguyahime, première avec Alice Renavand

Le ballet de Kylian inspiré du conte Japonais de la princesse Kaguyahimé m’avait fait une forte impression quand il avait été présenté à Bastille il y a trois ans. A Garnier, le ballet a pris une âme plus particulière, car il se déploie avec beaucoup plus de beauté dans ce lieu. Après avoir vu la séance de travail, retour sur la première du spectacle.

Kaguyahimé photographie d'Agathe Poupeney

Ce qui fut génial à Garnier, c’est le son des tambours qui résonnait dans toute la salle. Dès le début, les bâtons de pluie, les fracas métalliques, on se plonge dans la dualité du monde terrestre et du monde lunaire de la princesse. C’est le ballet des balançoires, qui laisse entrevoir au fond sur une plate-forme un ombre de lumière. Alice Renavand est d’emblée lumineuse. Le halo blanc s’agrandit, les cinq hommes traversent la scène au ralenti. Le ballet joue avec les contrastes de suspension et d’accélération, entre le monde des hommes et celui de la Lune, le monde occidental et le monde japonais, entre la danse et la musique. La musique siffle pour annoncer l’arrivée sur terre. Les danseurs sont tous sur-investis par cette chorégraphie qui semble les transporter. Vincent Chaillet est puissant et généreux dans sa danse. Il montre de nouveaux de belles qualités avec des arabesques et un dos solide qui emmène le reste du corps. Adrien Couvez est impressionnant par sa façon d’entrer dans le sol et dans l’air. Il déploie une énergie incroyable. Yvon Demol et Alessio Carbone sont eux aussi très engagés dans leurs solos (j’aurai bien aimé revoir Jérémie Bélingard vu en séance de travail qui était lui aussi très beau dans ce répertoire), Aurélien Houette maîtrise à la perfection le sujet, c’est un reptile dansant, il rampe dans l’air, et se saisit de Kaguyahimé impassible.

Les marches sont l’autre force de ce ballet. Elles sont très marquées dans le sol. Chez Kylian, ce sont souvent les pas les plus simples qui sont déclinés à l’infini avec une intelligence dans la construction du ballet. Et si Kaguyahimé n’est pas son ballet le plus déroutant en terme de chorégraphie, il est remarquablement construit.

Allister Madin dans Kaguyahimé de Jiri Kylian photographie de Julien Benhamou

Les passages avec les villageoises accélèrent le rythme. Laurène Lévy est radieuse, c’est un vrai plaisir de voir cette ballerine s’épanouir dans ces langages contemporains (dans Forsythe, elle avait déjà un charisme incroyable). L’affrontement entre villageois et citadins vous prend au vif, vous colle au fond du siège. C’est frénétique. L’espace semble immense, on a du mal à tout voir, cela bouge, les musiciens s’affrontent eux aussi, blancs contre noirs, tout cela pète comme de l’orage, quand le rideau noir s’abaisse, comme si Kaguyahimé en avait assez vu de ce monde terrestre. Solo lent, Alice Renavand est étonnante. Elle oscille entre sensualité et froideur lunaire. Chaque pas est exécuté avec beaucoup de matière. Elle perce l’espace avec son corps, comme la lumière dans l’obscurité. Les cambrures montrent comme une souffrance de cet être lumineux face à la noirceur de la guerre. Tout s’éteint en elle. Seul le Kodo résonne, comme une petite voix intérieure. L’ondulation du rideau noir est le souffle de la princesse qui va disparaître à la rencontre du prince Mikado.

Ébloui par sa beauté, il l’invite à venir à son palais et tente de la capturer. Malgré ses plaintes, marquées par de grands étirements qui se contractent ensuite, Il tente de la retenir. L’éblouissement de la pleine Lune qui arrive, réalisée avec les miroirs, est fabuleuse. Les scénographies de Kylian sont soignées, prennent sens à chaque instant, et il n’y a pas de décor « accessoire » comme on peut le voir chez tant d’autres chorégraphes.
Mikado ne voit donc pas Kaguyahimé partir, qui remonte sur sa Lune, avec sa lenteur.

Vincent Chaillet dans Kaguyahimé de Jiri Kylian photo de Julien Benhamou

Très belle soirée, mon impression première s’est vérifiée, un ballet c’est toujours mieux à Garnier, c’est comme un bijou dans l’écrin. Avec cette musique puissante, on a voyagé à travers ce conte d’orient. Alice Renavand y est divine.
Petit plus de ma soirée, j’avais emmené un ami d’enfance qui n’avait jamais mis les pieds à Garnier. C’est toujours fascinant de voir l’émerveillement dans les yeux de quelqu’un. Des fois on aimerait retrouver cette première émotion.

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  • Distribution du 1er février 2013
Kaguyahime Alice Renavand
Mikado Hervé Moreau
Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Laurène Lévy, Charlotte Ranson, Caroline Robert
Yvon Demol, Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Adrien Couvez, Aurélien Houette
Maki Ishii Musique
Jirí Kylián Chorégraphie
Michael Simon Décors et lumières
Ferial Simon, Joke Visser Costumes

L’histoire de Manon Dupont/Hoffalt/Bélingard/Zusperreguy

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Deuxième soir de représentation, je fais la queue pour les pass jeunes avec La souris et Palpatine. La chance nous sourit donc, puisque nous obtenons trois pass jeunes, les vacances scolaires ont du bon.

Direction donc le premier rang du balcon pour revoir cette distribution que j’avais eu la chance de voir en répétition. Dans l’ensemble, je trouve que le ballet a de vraies longueurs et si il y a certains passages qui me plongent dans un émoi particulier, d’autres m’ennuient beaucoup.

J’ai trouvé cette distribution très équilibrée. Aurélie Dupont est une Manon séduisante et séductrice qui a conscience de son pouvoir sur les hommes. C’est pleine d’assurance qu’elle se jette dans les bras de Des Grieux. Technique bluffante, on sent une bonne complicité entre les deux partenaires et surtout beaucoup de plaisir à danser ce ballet, à se découvrir dans ces rôles tragiques que dans Bayadère. Dupont vit cette histoire avec une joie lisible sur son visage et qui transparaît dans sa danse. Le pas de deux du premier acte est très fluide. Quant à Josua Hoffalt, il est ce jeune homme fougueux, innocent et naïf que l’amour va mener à faire les pires choses. Sa danse fluide va se rigidifier à mesure qu’il connaît et qu’il aime Manon. Le jeu, la tricherie, le meurtre vont transformer ce personnage. Comment un amour si pur, si innocent, peut mener à tant de vices ? La femme semble clairement montrée du doigt, à travers le personnage de Manon, et les prostituées de façon plus générale.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Jérémie Bélingard est hilarant dans le rôle de Lescaut. Il joue l’ivresse à fond, en prenant les déséquilibres avec brio, et défiant les lois de la gravité. J’aime son ébriété festive et le duo avec Muriel Zusperreguy fonctionne bien. Elle joue une maîtresse bienveillance, tout en restant rayonnante et séductrice. Hormis ce pas de deux et la variation de Manon, le reste m’a beaucoup ennuyée. Je trouve qu’il se passe trop de choses sur scène, j’ai envie de tout voir et forcément je n’y arrive pas. Sur France Musique, Clairemarie Osta disait à juste titre qu’il se passait mille histoires sur scène, que chaque personnage avait sa propre histoire. Il est vrai qu’on peut se laisser emmener dans le fond du tableau et regarder le jeu de séduction entre tel et tel personnage mais parfois, j’ai du mal à trouver la visibilité. D’autre part, je n’accroche pas du tout avec la scénographie, ni avec les costumes. De l’ocre, encore de l’ocre, oups du jaune. Si la finition des costumes est impressionnante, comme toujours à l’Opéra de Paris, on est loin de La Dame aux camélias. Au concours, les sujets dansaient la variation de Manon avec une robe de velours noire, très sensuelle, le velours bougeant à chaque mouvement de jambe avec délicatesse. Là, je trouve que la robe de Manon fait un peu kitch, voire cheap. Le décor fait de chute de tissus ocres et abîmés rappellent évidemment la condition dont Manon a le plus peur. La peur, la honte, devenir pauvre en une nuit, comme elle devient riche en quelques minutes avec un manteau et un collier, tout cela hante Manon, et le décor reflète cela, il n’empêche que je trouve ça très laid. Je ne parle même pas de l’acte trois où les lianes avec le plein feu vert, plus la fumée… si allez, j’en parle. Alors voilà, nous avons notre Manon qui dépérit au sol, dans les bras de Des Grieux et tous ses souvenirs apparaissent derrière elle. La frivolité, son frère coureur de jupons, le jeu, le meurtre, puis arrive le pas de deux final, qui est une chorégraphie merveilleuse et qui m’émeut énormément. Mais franchement, ces lumières vertes…Je trouve que cela manque de raffinement, puisqu’après tout c’est le peu de choses qui reste à la jeune Manon.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Pour revenir à la misogynie, elle est présente tout au long du ballet. Aurélien Houette interprète un Monsieur de G.M. violent, conscient de sa puissance, de son argent. Il considère Manon presque comme une bête de foire, qu’on montre, qu’on utilise sexuellement, qu’on attache avec de l’hermine, des rivières de diamants, des bracelets clinquants. Monsieur de G.M. ne se laisse pas duper par les manigances de Lescaut ou de Manon. Il impose son pouvoir sur Manon, tout comme son frère d’une certaine façon, ainsi que le geôlier. Tout ceci est assez bien chorégraphié et rend le propos sur les femmes abject. Si l’amour pur donnent des pas de deux d’une beauté éblouissante entre Manon et Des Grieux, la soumission de Manon aux hommes, portée d’homme en homme, donne à voir un spectacle qui met mal à l’aise, qui dérange. Est-ce la volonté du chorégraphe ? Je n’en suis pas si sûre…

Une belle soirée, avec des longueurs donc, mais avec un beau travail d’interprétation. Prochaine distribution Ciaravola/Ganio !

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L’histoire de Manon sur le site de l’Opéra de Paris

  • Distribution du 23 avril 2012, 19h30
Manon Aurélie Dupont
DesGrieux Josua Hoffalt
Lescaut Jérémie Bélingard
La Maîtresse de Lescaut Muriel Zusperreguy
Monsieur de G. M. Aurélien Houette
Madame Viviane Descoutures

Séance de travail des Enfants du Paradis

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© JMC

Que j’ai eu peur que cette répétition soit annulée ! Les machinistes ont posé un préavis de grèves et je craignais que le public ne soit pas convié à voir la répétition, comme ce fut le cas pour le Lac des cygnes. Heureusement l’Opéra a accepté de nous accueillir en petit comité pour assister à une répétition sans décor et sans lumière. Je retrouve la bande des balletomanes habituelles, et nous bavardons pendant que Brigitte rappelle qu’il n’y aura pas de décors ni lumières. Amélie me nargue avec Pina Bausch, Fab est aussi épuisée que moi, l’ambiance est bonne.

Sur scène les artistes ont l’air détendus et malgré l’absence de décors, ils vont nous offrir un joli spectacle.

Les Enfants du Paradis sans les décors, j’ai au début du mal à reconstruire virtuellement la première scène. Sans les estrades sur lesquelles se placent les artistes de rue, il est
difficile d’avoir un tout cohérent.

 

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© JMC

 

Les danseurs et quelques machinistes non-grévistes doivent déplacer quelques éléments du décor, le lit de Baptiste, les cordes à linges pour lesquelles Takeru Coste passe de l’Arlequin à un arbre, les bancs. Mathieu Ganio s’amuse beaucoup sur le plateau à jouer de la pantomime. Il fait rire le public avec son air de Pierrot malheureux. Je le trouve d’ailleurs remarquable dans ce rôle. C’est un danseur qui a pris beaucoup de maturité cette année et dont les rôles se sont beaucoup approfondis. Je pense à son Roméo en particulier, qui m’avait transportée. Le rôle a été crée sur lui et je trouve qu’avec Ciaravola c’est un couple fabuleux. Elle est tellement Garance, elle se faufile dans la peau de cette femme tiraillée entre l’amour et l’argent. On ne peut bien sûr pas s’empêcher de penser à La dame aux Camélias, à ces rôles de femmes dont la vénalité les pousse au malheur. En face d’elle, Ganio en Baptiste est un parfait Pierrot. Visage d’ange, complètement innocent et étonné de cet amour pour cette femme qui ne s’en va pas à mesure que le temps passe, un pantomime bien exagérée comme il faut, un danse comme à son habitude impeccable, Ganio est taillé pour ce rôle. C’est mon couple préféré, c’est ceux qui sont les plus solides pour le ballet.

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© JMC

Difficile pourtant de se plonger dans le ballet dans les décors. Surtout pour le premier acte qui est très narratif et qui bouge beaucoup. Au niveau de la danse, c’est déjà impeccable, hâte de voir ce que ça va donner. Seul Benjamin Pech ne me convainc pas en Lancenaire, il nous fait du Coppélius remixé. Muriel Zusperreguy est superbe en Nathalie et Miteki Kudo est une Desdémone très raffinée. C’est d’ailleurs un grand privilège qui nous est offert ce soir car nous assistons à la scène d’Othello en petit comité.

Cette première répétition nous donne un avant goût assez agréable, c’est surtout un grand plaisir de revenir à Garnier après tant de temps passé sans spectacle de danse !

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© JMC

  • Distribution du 23 juin 2011

 

Baptiste Mathieu Ganio
Frederick Lemaitre Karl Paquette
Garance Isabelle Ciaravola
Nathalie Muriel Zusperreguy
Lacenaire Benjamin Pech
La Ballerine Nolwenn Daniel
Le Comte Christophe Duquenne
Madame Hermine Caroline Bance
Desdemone Miteki Kudo

 

Rain, pluie de lumière sous la coupole de Garnier

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

C’est avec une grande joie que je suis retournée voir Rain, d’Anne Teresa de Keersmaeker dans une autre distribution que la première fois. J’ai essayé d’emmener Pink Lady avec moi, celle-ci a préféré tenter un Pass pour les Noces de Figaro, qui s’est soldé par un échec (ahaha rire maléfique!). J’ai tout de même réussi à convaincre mon photographe et sa pétillante petite soeur, qui venait à Garnier pour la première fois. Attendant désespérément un Pass, en bonne deuxième je n’en ai pas eu et ai filé à 19h59 au première étage pour me replacer. Après une ouvreuse particulièrement mal aimable à qui j’aurai bien mis un coup de griffe de rongeur après sa phrase pincée « Ah non Mademoiselle, vous ne pouvez pas être debout dans le fond de la grande loge, certainement pas, et en plus vous avez une trrrès bonne place! (fond de l’amphi..) « , sa collègue plus jeune et plus sympa, m’a de suite replacée sans dispute.

Entre la séance de travail et cette représentation j’ai eu le temps de lire le programme et de beaucoup repenser à ce ballet. C’est avec un regard différent que j’ai abordé la pièce ce soir là. Une fois encore je suis emballée par la scénographie. Ces cordes sont un jeu de transparence qui me plaît, car un doute persiste. Pleut-il dehors ou les danseurs dansent-ils sous la pluie? J’avais parlé la première fois d’un enclos et cela m’est apparu encore plus comme une évidence. Cette image de l’enclos comme un lieu rassurant est renforcé par les lignes au sol. On ne le voit pas immédiatement, mais les lignes forment des rectangles dans lesquels peuvent aller les danseurs, comme une sorte de maison.

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© Laurent Philippe/Fedephoto.com

La chorégraphie est plus lisible cette fois-ci, je vois clairement la phrase chorégraphique qui se démultiplie. Je vois les courses et les marches qui sont des silences face au mouvement. Je vois l’engagement sur la scène de ces danseurs merveilleux. Vincent Chaillet n’a plus rien à prouver, mais il montre une fois encore une danse incroyablement libre, fluide et nuancée. Nicolas Paul semble lui aussi très à l’aise sur cette scène et ses qualités sont mises en valeur. Son charisme lui donne une place bien particulière parmi les danseurs. Quant à Daniel Stokes, j’avais découvert ses qualités dans Kaguyahime de Jiri Kylian, il se confirme être un excellent danseur contemporain. Sa personnalité s’affirme aussi plus dans ce ballet. Je trouve qu’il a de très beaux sauts.

La répétition qui s’opère tant dans la musique que dans la danse. Les notes de xylophones résonnent sur les corps des danseurs. Les courses et les marches se font en miroir par rapport aux musiciens qui changent eux aussi de places. C’est d’accord le seul parallèle qu’il existe dans cette pièce, car les danseurs sont toujours dans des constructions irrégulières. Trois qui dansent, un assis, deux qui courent, etc. La répétition est poussée à l’extrême, tout comme la lumière qui passe du jaune au rose en passant par un sable argenté, la danse se remplit de nuances, change de rythme. Ainsi de la même manière, les costumes varient du chair au fushia, on ose même les paillettes sur une chemise pour rappeler les touches argentées qui émanent des lumières. Dans cette répétition permanente, il y a des point d’orgues, qui permettent de lier tous les éléments. Léonore Baulac, par ailleurs merveilleuse dans ce contre-emploi, est le point central, qui lie tous les éléments. Ses courses sont différentes, son énergie semble être la même pendant tout le ballet, ce qui tient pour moi de la véritable performance.

La simplicité de ce ballet réside dans la complexité de sa construction. Le fait de retrouver toujours les mêmes éléments familiarise peu à peu le spectateur avec le langage d’ATDK. Passionnée de mathématiques et de constructions géométriques, obsédée par le nombre d’or, la chorégraphie a l’air tellement difficile dans sa construction que je reste béate d’admiration devant le travail accompli. Et pourtant, la simplicité du langage, la facilité d’exécution des danseurs, est profondément bouleversante. Une fois encore, l’émotion est entière, toute comme celle des danseurs sur scène. Ce soir, la salle applaudit longtemps, le sourire des danseurs et celui de la chorégraphe laisse apparaître une joie sincère et partagée.

A lire dans la presse : Libération, Le JDD, Le Monde, Le Nouvel Obs, Telerama, Marianne, La Croix. Le nouvel Obs deuxième.

A lire sur les autres blogs : Le clapotis clapotas de Palpatine, l’épisode unique
d’Amélie, l’avis de Fab, les mikados et billes de la souris, les photos de Syltren, l’avis de Joël.

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© JMC

  • Distribution du 28 mai 2011 20H00

Ludmila Pagliéro
Muriel Zusperreguy
Vincent Chaillet
Aurélia Bellet
Valentine Colasante
Miteki Kudo
Nicolas Paul
Daniel Stokes
Amélie Lamoureux
Léonore Baulac

 

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© JMC