Merce Cunningham

Cédric Andrieux, concept Jérôme Bel, suite de l’hommage à Cunningham

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Dans le cadre de l’hommage à Merce Cunningham en voilà un bien particulier. Cédric Andrieux a accepté de se frotter au concept de Jérôme Bel. Il y a 5 ans, Jérôme Bel, chorégraphe, avait crée pour Véronique Doisneau, sujet à l’Opéra de Paris partant à la retraite, une pièce (à représentation unique) dans laquelle l’intéressée parlait de son travail, ses goûts, ses regrets en alternant prise de parole et danse. J’avais adoré ce programme qui avait eu lieu le soir du spectacle des jeunes danseurs en 2004. Cela avait certes un peu plombé l’ambiance, mais il est bon d’entendre parfois des gens qui ont des parcours qui ne sont pas toujours idylliques.

Jérôme Bel renouvelle ce soir l’exercice avec Cédric Andrieux, danseur au ballet de Lyon. Le jeune arrive sur scène et nous parle de son parcours. D’abord le CNSM, où il eut le prix du conservatoire, ce à quoi il ne s’entendait pas, il nous montre donc la chorégraphie. Puis ses débuts à New York sont diificiles, mal payé, mal logé, un peu perdu. Enfin il entre à la Merce Cunningham Dance Compagny aprs y avoir pris un cours et s’être fait repérer par Merce. On croit donc à un grand espoir, et à un grand bonheur et en fait non. Le monde de la MCDC tel qu’il nous le décrit est austère et peu réjouissant. Il a souffert pendant 8 ans de ce travail répétitif. Toujours la même barre, être poussé au delà de ses
limites en permanence, souffrir dans tout son corps, mettre à chaque spectacle des gaines et des académiques.

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Même la création tel qu’il le raconte semble être une souffrance. Cunningham créait toujours de la même façon. D’abord les jambes, puis il ajoutait le buste et enfin les bras, le tout étant d’une extrême difficulté voire irréalisable.
Ce qui rend malheureux Cédric Andrieux, c’est le manque de confort dans cette écriture chorégraphique. C’est aussi le manque de contact avec Merce. Ce qui le rend heureux, c’est ce qu’il peut ressentir parfois sur scène ; le moment présent. La sensation qu’il n’y a rien avant et qu’il n’y aura rien après, que ce moment est présent, qu’on le voit se dérouler sous nos yeux. Ce qu’il le rend heureux, c’est aussi le fait qu’il n’y a rien à interpréter. Cédric Andrieux quitte la MCDC en juillet 2007. Deux jours après, il est embauché par le Ballet de Lyon. Là il y danse du Trisha Brown, du Jérôme Bel, du Forsythe, du Preljocaj, du Kylian. Il prend alors conscience de ce qu’il aime danser. il n’aime pas interpréter des rôles, il aime la danse de Trisha qui est organique et qui comme chez Cunningham ne requiert aucune interprétation.
Il finit sur le pourquoi comment de cette performance. Il nous dit qu’après cette réflexion sur son art et sur sa pratique, il sait enfin pourquoi il fait tel ou tel choix. Les choses ont du sens à présent. Il prend donc un virage dans sa carrière plus mâture et méditatif.

Article du Monde

Vidéo Véronique Doineau

 

Hommage à Merce Cunningham… son ultime création

Ce que j’aime ce sont les choses imprévues. Et aller voir la dernière création de Merce Cunninghman n’était pas dans mon emploi du temps. Quel bonheur donc d’aller voir Nearly 90°! Et je n’ai pas été déçue. Comment être déçue quand on va voir la pièce d’un maître, comme Merce Cunningham? Le théâtre de ville est plein, le spectacle va pouvoir commencer.
C’est étrange d’aller voir la dernière création de quelqu’un; on se demande toujours si ça va être bien, si c’est ce qu’il y a de plus abouti chez l’artiste. Or le regretté Cunningham ne l’asurement pas créée en pensant que c’était la dernière! Quel effroi de créer quelque chose en pensant que c’est la dernière fois, c’est un peu comme le dernier repas d’un condamné. La création est un mouvement qui ne s’arrête pas. Bien sûr on peut aussi voir cela dans l’autre sens; créer comme si c’était la dernière fois, pour produire et donner le meilleur de soi même. Quelque soit la perspective choisie, on ne sait pas quand ce sera vraiment la dernière fois.
J’ai donc essayé de ne pas penser c’est la dernière. D’abord parce que ce n’est pas la dernière fois que je verrai du Cunningham, et ensuite parce que cela aurait quelque chose de tragique, un peu comme enterrer Cunningham!

Près de deux heures de danse, tout Cunningham est là. La dissociation danse/musique, l’écriture aléatoire, le découpage de l’espace, l’occupation de l’espace et du vide. Les danseurs en académiques incarnent à la perfection cette danse. Ils se succèdent sur scène en faisant abstraction de la musique. La technique de cette compagnie est impeccable et laisse place à l’émotion. Contraction, arche, attitude, triplettes tout le vocabulaire de Cunningham se déploie sous tous les angles dans tous les sens. Dans les duos, les corps s’attirent et s’accordent au fur et à mesure. Dans les trios, les corps multiplient les formes et les structures, on croit voir des cordes qui se tendent et se détendent. Pas de décor ou presque, un fond qui change de couleur, en fonction des danseurs ou des nuances de la chorégraphie. Tout est empreint de spiritualité. La danse de Cunningham ne raconte rien, elle n’est que mouvements et variations sur un vocabulaire si riche qu’il semble infini.

Je finirai sur ma citation préférée de Cunningham et utilisée sur le programme du Théâtre de la ville
« You have to love dancing to stick to it. It gives you nothing back, no manuscripts to store away, no paintings to show on walls and maybe hang in museums, no poems to be printed and sold, nothing but that single fleeting moment when you feel alive. It is not for unsteady souls ».

Site de MCDC

chorégraphie Merce Cunningham
musique une composition réarrangée par John Paul Jones et Takehisa Kosugi
costumes Anna Finke
lumièresvChristine Shallenberg
musiciens liveTakehisa Kosugi et John King

avec
Brandon Collwes, Julie Cunningham, Dylan Crossman, Emma Desjardins, Jennifer Goggans, John Hinrichs, Daniel Madoff, Rashaun
Mitchell, Marcie Munnerlyn, Silas Riener, Jamie Scott, Melissa Toogood, Andrea Weber.