Mathilde Froustey

Séance de travail Balanchine

Retour à Garnier pour la première fois de la saison, cela ne pouvait pas se passer facilement ! Outre le défilé des Galeries Lafayettes qui occupait le quartier, mes lunettes sans qui je suis complètement dans le flou, avaient décidé de divorcer. Chouette, aller voir un spectacle sans lunettes…. Certes, il n’y a pas de sur-titres, et je connais les chorégraphies, mais quand même ! Bref, j’ai passé une soirée dans le flou ou les yeux collés à mes jumelles seul moyen pour moi de voir la danse ! Chers danseurs, hier dans mes yeux vous étiez tous doublés, ce qui avait un effet grandiloquent. Parlons plutôt des ballets que vous pourrez voir à partir de lundi prochain au Palais Garnier.

Le programme est composé de trois ballets, tous trois très différents.

Le premier est Sérénade. C’est un ballet qui a été créé en 1934. C’est une des premières créations « outre-atlantique », peu de temps avant la fondation du NYC Ballet. Pas d’argument dans cette petite pièce sur une musique de Tchaïkowsky. Balanchine a fait avec les moyens du bord. Premier jour de répétition, il y avait une vingtaine de filles, le surlendemain, plus que six. Qu’à cela ne tienne, il écrit la chorégraphie, le mouvement doit continuer. Une fille entre en pleurant dans le studio ? On conserve alors cette entrée. C’est cela qui fait la douceur de pièce. Elle regorge de petites pépites, d’intentions dissimulées ça et là. Balanchine n’a eu de cesse de modifier cette pièce, en ajoutant ou retirant des détails, des regards, parfois même des gestes entiers. On peut s’inventer une histoire alors qu’il n’y en a pas. Les longs tulles bleus renforcent cette idée romantique, peut être d’une passion entre un danseur et cette jolie blonde qui arrive au cours en retard. Il n’en est rien, mais rien ne vous empêche de laisser aller votre imagination.

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Dans mes jumelles, j’ai tout de même aperçu Eleonora Abbagnato, pour ma plus grande joie. Mathilde Froustey et Myriam Ould Braham ont aussi déjà offert du spectacle !

Le deuxième ballet proposé est de loin mon préféré. Il s’agit d’Agon, ballet de 1957. Sur une musique de Stravinsky, qui peut vous sembler sans mélodie, Balanchine construit une chorégraphie qui ne manque pas d’innovation. Ce « combat » est plus une « battle » entre la danse et la musique, car il ne faut jamais en perdre le rythme. La virtuosité technique exigée par Balanchine rappelle la complexité de la partition et il se construit un dialogue entre les deux qui m’emmène dans un imaginaire fabuleux. On peut dire qu’Agon fait partie des ballets en noir et blanc au même titre que Les 4 Tempéraments (que j’adore!), où les pas de deux succèdent aux pas de quatre, sans transition et pourtant on n’en perd pas pour autant le fil.

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Le dernier ballet est Le Fils Prodigue. Il a été écrit pour Serge Lifar, dans Les Ballets Russes de Diaghilev, en 1929. La version présentée date de 1957, Balanchine avait l’habitude de remanier ses ballets. L’argument est fort simple. Un fils veut plus de liberté, et quitte le foyer familial. Il se fait voler par ses deux compères, puis il rencontre un bande de lutins, qui le mettent dans les bras d’une femme envoutante et dominatrice qui finit de le ruiner. Il se retrouve seul et en guenilles. Il rentre alors chez son père, qui est heureux d’enfin le retrouver. La chorégraphie ressemble beaucoup à du Roland Petit et on ne peut pas s’empêcher de penser au Jeune Homme et la Mort. On est dans une écriture assez fine, résolument contemporaine avec un langage néoclassique. La musique de Prokofiev sert la narration, car elle l’accompagne et insiste sur les moments forts de la vie de ce jeune homme. En même temps, cette musique offre au chorégraphe des changements de rythme fabuleux pour monter une chorégraphie d’une grande modernité. Hier soir, Je n’ai pas quitté des yeux, des jumelles Agnès Letestu… Quelles jambes !

Extrait vidéo clic.

Les distributions sur le site de l’Opéra de Paris

Allez je m’en vais me racheter des yeux pour y voir quelque chose à la première de lundi !

Soirée mythologie grecque à Garnier

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Samedi soir, je retente l’expérience grecque proposée par l’Opéra. J’ai un sentiment double ; j’y vais à reculons et j’aimerais en même temps être conquise. Pire j’envie tous ces spectateurs qui ont trouvé la soirée bonne et Psyché merveilleux. Il y a du monde ce soir. Mon amie L*** a atterri à l’amphi tandis que Palpatine et Pink Lady font les ninjas au parterre. J’ai par contre raté JMC. Je m’installe à l’orchestre, complètement à jardin. Malgré la conversation via texto de ma voisine qui devait être en train de se réconcilier avec un amant jaloux (elle est d’ailleurs partie à l’entracte sans doute pour le rejoindre…), je suis complètement entrée dans Phèdre. J’ai d’ailleurs préféré cette deuxième distribution. Je trouve Letestu  très belle dans ce rôle. Elle s’impose sur la scène et son regard n’y est pas pour rien. Josua Hoffalt a quant à lui rien n’a envier à Karl Paquette. Avec Mathilde Froustey en Aricie,  ils forment un duo séducteur et complice. Sabrina Mallem est une Oenone inquiète pour sa maîtresse. D’ailleurs je suis convaincue par le choix des duos des distributions, MAG/Renavand et Letestu/Mallem. Letestu est
une Phèdre généreuse qui est douce avec une gestuelle liée et arrondie. Mallem a les mêmes qualités, ce qui fait la force et la complicité de ce duo. J’apprécie encore plus la chorégraphie de Lifar avec ces danseurs. Chaillet fait une entrée triomphante. Quel Thésée ! Son jeu est formidable Il s’amuse de ce rôle tragique. Le costume lui va bien et donne à ses lignes de la longueur et de la puissance. Je suis très émue par sa prestation.

Ce ballet est tout de même un ovni. Quand on pense que ce ballet a été écrit en 1950, on imagine le choc du public. Celui de ce soir était déjà bien coincé, restant hermétique à l’esthétique de cette pièce. Je la trouve très riche pour ma part. La chorégraphie est très complexe et on peut saluer le travail de Claude Bessy qui a permis de remonter ce trésor. Si les costumes peuvent surprendre, moi je les ai finalement trouvé beau. Les matières, les couleurs, rappellent aussi celles qu’on peut parfois apercevoir sur les statues grecques. La Grèce était un monde colorée, et non de marbre blanc, que Lifar a su parfaitement mettre en scène dans ce Phèdre.

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Pour Psyché, j’essaye vraiment de me concentrer sur la chorégraphie, sur l’histoire, sur la musique. Là aussi j’ai préféré cette distribution. Est-ce parce que Mathieu Ganio est effectivement synonyme d’Eros? Le rôle lui va super bien, il s’amuse lui aussi dans ce rôle. Avec Dorothée Gilbert, c’est vraiment un très beau partenariat. Leurs mouvements durent, ils essayent, autant que la chorégraphie le leur permet, de dessiner dans l’espace leur romance. Je suis toujours aussi atterrée par les costumes et les décors. Je trouve ça profondément laid, la danse toujours aussi vide de sens. C’est un sophisme chorégraphique. Je crois tout de même que le beau est quelque chose de difficile et que là, je n’ai pas du tout été touchée. L’élégance des deux interprètes, leur grâce malgré tout, et la musique ont sauvé mes 50 dernières minutes à Garnier. Vivement La source !

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© Blog à Petit Pas

Phèdre

TRAGÉDIE CHORÉGRAPHIQUE DE JEAN COCTEAU

Georges Auric Musique
Serge Lifar Chorégraphie
Jean Cocteau Rideau, décor et costumes

Psyché

Création

César Franck Musique
Alexei Ratmansky Chorégraphie
Karen Kilimnik Décors
Adeline André Costumes
Madjid Hakimi Lumières
Choeur de Radio France
Denis Comtet Chef de choeur

Voici un petit lien vers une vidéo qui montre des extraits de Phèdre, mais pas sur la musique de Georges Auric.

  • Distribution du 24 septembre 2011 20h00
Phedre Agnès Letestu
Thésée Vincent Chaillet
Oenone Sabrina Mallem
Hippolyte Josua Hoffalt
Aricie Mathilde Froustey

Psyché Dorothée Gilbert
Eros Mathieu Ganio
Vénus Alice Renavand
2 Soeurs Mélanie Hurel, Géraldine Wiart

 

Nouvelles de la semaine du 18 juillet

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Et voilà la saison s’est terminée à l’Opéra de 15 juillet dernier avec les adieux de José Martinez. Une soirée très forte en émotions dans la salle, un peu guindée dans le grand foyer pour la remise de la médaille de Commandeur des arts et des Lettres, ainsi que deux très beaux cadeaux, un siège d’Opéra à son nom et un costume Christian Lacroix offert par tous les danseurs, techniciens, machinistes et habilleuses (je dois en oublier), et très festive et dansante pour la dernière partie de soirée. La saison se finit en beauté, il faut maintenant assurer la relève, renouveler les danseurs, car José Martinez ouvre la voie du départ pour bien d’autres après lui… Osta, Letestu, Le Riche (ahhhhh), Dupont, Ciaravola..C’est un grand artiste qui nous quitte, un homme au cœur généreux. Je repense à cette soirée fabuleuse et j’ai encore des paillettes dans les yeux.

Il y a encore des choses à faire à Paris heureusement cette semaine ! Le Miami city ballet est là pour encore une semaine au Châtelet, il faut aller les voir, ça vaut vraiment le coup. Voilà le programme de la semaine.

Lundi 18 juillet
à 20h
Projection du film West Side Story
au Théâtre du Châtelet
en présence de GEORGE CHAKIRIS
Mardi 19 juillet
à 20h
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn
Afternoon of a Faun
 (Robbins-Debussy)
Liturgy (Wheeldon-Pärt)
Ballet Imperial (Balanchine-Tchaikovski)
Mercredi 20 juillet
à 20h
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski
Promethean Fire
 (Taylor-Bach
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn)
Jeudi 21 juillet
à 20h
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski)
In the Night (Robbins-Chopin)
In the Upper Room (Tharp-Glass)
Vendredi 22 juillet
à 12h
Cours en public
Vendredi 22 juillet
à 20h
Western Symphony (Balanchine-Kay
In the Night
 (Robbins-Chopin
In the Upper Room
 (Tharp-Glass)
Samedi 23 juillet
à 15h
Western Symphony (Balanchine-Kay
Afternoon of a Faun

(Robbins-Debussy
Liturgy
 (Wheeldon-Pärt
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn)
Samedi 23 juillet
à 20h
Square Dance
(Balanchine-Corelli/Vivaldi) 
Afternoon of a Faun

(Robbins-Debussy
Liturgy
 (Wheeldon-Pärt
Ballet Imperial
 (Balanchine-Tchaikovski)

 

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Sinon  le Festival Paris d’été a commencé depuis jeudi 14 et se termine le 09 août. Il y a une belle programmation et beaucoup de manifestations gratuites. De la danse avec :

  • Fanny de Chaillé le 23 juillet (gratuit)
  • La compagnie Trafic de Style/ Sébastien François Obstacle du 26 juillet au 02 août (gratuit).
  • Compagnie Toujours après minuit/ Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna El como quieres du 17 au 26 juillet (gratuit).
  • Compagnie Toujours après minuit/ Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna Avant propos du 31 juillet au premier août (8€-14€-18€).
  • Ballet Preljocal/Angelin Preljocaj Empty moves (part I & II) du 22 au 24 juillet (8€-14€-18€).
  • Ballet Preljocal/Angelin Preljocaj Annonciation du 21 au 22 juillet (8€)
  • Emanuel Gat Dance/ Emanuel GatBrilliant Corner du 3 au 6 août (8€-14€-18€).
  • Malandain Ballet Biarritz/ Thierry Malandain Roméo et Juliette du 27 au 30 juillet (8€-14€-18€).

Côté expo le festival met à l’honneur Agathe Poupeney qui est la photographe officielle du festival. C’est l’oeil et la mémoire du festival. Le soirée de vernissage de l’expo a
lieu le 22 juillet et vous pourrez voir les photos jusqu’au 9 août. Je ne serai pas à la soirée de vernissage, mais je ne manquerai pas d’aller voir les photos d’Agathe.

Un petit avant goût ici et .

Il y a aussi une belle programmation théâtrale et de musique alors ne manquez pas d’aller voir la programmation complète sur le site du festival. Il y a beaucoup de manifestations gratuites.

  • En vrac…

La création de Ratmansky a l’air super spéciale… Les garçons seront déguisés en animaux et les filles en fleurs.. Petite pensée pour un joli mouton… espérons que la chorégraphie soit géniale pour relever tout ça !

***

Si vous êtes en province, vous pouvez aller voir Mathilde Froustey and friends aux Arènes du vieux Boucau ce soir.  Au programme

En 1ère partie : Who Cares du chorégraphe américain Georges Balanchine Direction New York ! Les danseurs nous font vibrer sur les rythmes jazzy des années folles !

2ème partie : Don Quichotte ( 3ème acte ) en compagnie des danseuses de l’école Gillet-Lipszyc de biarritz et Choré-AM de Messanges ! Au cœur de Séville, DON QUIChOTTE et son fidèle Sancho Pança assistent au mariage de la malicieuse Kitri.

 

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© Fabienne Photographe Studio Louisania

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Si vous êtes encore à Avignon, faîtes un effort demain pour aller à 4h30 voir Cesana d’Anne Teresa de Keersmaeker.. Si si ça vaut le coup de se lever si tôt ! Vous
mangez ensuite à 14h vous enchaînez avec la projection de Rosa tanzt Rosas. Ce soir il y a Levée des Conflits de Boris Charmatz à 21h, ce week
end (24, 25, 26 juillet) encore du ATDK avec Fase. Il y a une expo de photos de danse à l’école des beaux arts. Ne manquez pas aussi cette semaine la performance de
William Forsythe, Unwort, tous les jours à 14h.

Voilà le lien vers le site, allez voir, il y aussi plein de supers pièces de théâtre, j’attendrais qu’elles passent à Paris pour les voir.

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A Montauban a lieu le festival DanseS en place du 19 au 24 juillet. La programmation est très belle, car vous pourrez y voir  Boxe, Boxe de Mourad Merzouki, Roméo et
Juliette
du Malandain Ballet Biarritz, Ensayos de Timeless d’Arantxa Sagardoy/Incidence Chorégraphique, un spectacle de clôture avec des extraits d’Esmeralda (Allister Madin/Kora Dayanova) , Delibes Suite, La Belle au bois dormant. Les élèves d’un stage organisé pendant la durée du festival danseront aussi lors du spectacle de fin de stage.

 

  • Bonus vidéo de la semaine : José Martinez remercie son public

Moment très émouvant et très fort…

 

Spotted, les blogueuses sont filmées… saurez vous les retrouver? Déjà la semaine dernière Le Petit rat était caché dans une des photos…

Dernière de Roméo & Juliette, Gilbert/Hoffalt.

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Samedi, alors que toute la blogosphère se rend à la représentation en matinée pour voir la prise de rôle de Myriam Ould-Braham, moi crevée après mon cours de pilates, je choisis la sieste. Après
le réconfort, l’effort, je file à mon cours de danse classique, et cours enfin à la billetterie où je retrouve Pink Lady qui tentait de nous avoir
des pass.

Dernière soirée Roméo et Juliette, pas encore tout à fait remise de celle de jeudi, c’est avec excitation et pleine d’attentes que je m’installe au fond du parterre. Dès le début du
premier acte
, je me fais la réflexion qu’il y a encore plein de détails dans les costumes et les décors que je découvre. Josua Hoffalt montre d’emblée qu’il est à la hauteur du rôle. Je
suis séduite tout de suite par son visage juvénile et son allure innocente. Un peu joueur, un peu timide, il tente une approche plus fine avec Rosaline. Laura Hecquet interprète cette dernière et le rôle lui va très bien. Elle n’en fait pas trop, joue de ses bas de jambes, tout en restant distante de ce Roméo qui ne l’intéresse pas. Mercutio, Allister Madin, et Benvollio, Yann Saïz, s’accordent très bien autour de ce Roméo. Je ne me lasse pas du combat entre les deux familles que j’avais trouvé la première fois un peu long. Cette partie permet aux danseurs du corps de ballet de montrer ce qu’ils peuvent faire en matière de jeu. Les frappes de pied sur le sol, tout l’inspiration des danses de caractère, que l’on retrouve tout au long du ballet, met bien en valeur les qualités artistiques et techniques de ces danseurs. C’est d’ailleurs plaisant de voir un ballet sans tutu, sans pointes (ou presque!). Les qualités musicales, rythmiques et théâtrales des danseurs sont évidentes, j’apprécie le côté danse populaire de ce passage du ballet. Cela me fait penser à la conférence sur les danses de bal que j’avais vue au CNSMDP. A la fin du combat, Tybalt entre sous les traits de Stéphane Phavorin (réflexion commune avec Pink Lady: « Mais qu’est-ce que c’est que ce bouc peint sur son visage?! »). Ce genre de rôle un peu noir, de personnage mystérieux lui va bien. Je l’avais adoré en Rothbart dans le Lac, il portait une puissance et une majesté qui m’avait tout de suite impressionnée. Il est un
Rothbart très différent de Stéphane Bullion, moins sanguin peut être. Techniquement comme toujours chez Phavorin, c’est très propre et il prolonge toujours les mouvements avec une intensité, une nuance, que j’aime beaucoup. Après l’arrêt du prince, nous retrouvons Juliette dans sa suite princière (tout est princier cette semaine!) accompagnée de ses amies, parmi elles on reconnaît la frimousse de Mathilde Froustey, Charline Giezendanner, Eleonore Guérineau, Daphnée Gestin, de Myriam Kamoinka et Juliette Gernez. Je n’en ai pas beaucoup parlé dans mes comptes rendus précédents, mais là où dans le Lac des cygnes j’avais trouvé que le corps de ballet s’épuisait à mesure des représentations, j’ai trouvé que là, il était parfait. Peu d’erreurs, et surtout on sentait que les danseurs et danseuses du corps de ballet s’amusaient, se faisaient plaisir sur scène. Cela change bien sûr tout le partage avec le public, et le spectacle n’en ai que meilleur.

Revenons à notre chambre de Juliette. Dorothée Gilbert, prend l’option d’une Juliette très joueuse, avec son regard naïf, complètement désintéressée (peut-être trop?) par cet
homme que sa mère et son cousin lui proposent. Je mets un peu de temps à comprendre le personnage qu’elle veut incarner, la couleur qu’elle veut donner à Juliette. En fait, d’un coup j’ai bizarrement la crainte qu’elle joue toujours le même personnage féminin que peut être Swanilda ou Clara. Je n’avais jamais vu Dorothée Gilbert dans un rôle tragique et c’est à ce moment là du spectacle que j’ai un doute.

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Le Bal des Capulets me permet d’admirer une dernière fois Delphine Moussin en Dame Capulet. On ne sait toujours rien de son statut, de sa carrière. Bizarre tout de même les
silences de l’Opéra de Paris à ce sujet. On a l’impression d’un tabou, alors qu’un communiqué de presse simplifierait tellement les choses. Enfin si il n’y avait que cela dans les silences de l’Opéra de Paris. La danse des chevaliers est toujours aussi bien réalisée, et rythmée. Allister Madin montre ses talents de Marcutio et s’en sort à merveille. Les tours sont toujours bien exécutés, et ses sauts ont pris de l’amplitude. Il donne au personnage une fraîcheur et s’amuse de toutes les bêtises qu’il doit éxécuter. Provoquer Rosaline, provoquer Tybalt sans jamais oublier un regard complice vers Benvollio, interprété avec brio par Yann Saïz, Allister Madin montre avec ce rôle (n’oublions pas son Inigno dans Paquita) qu’il a toutes les qualités pour entrer dans la classe des solistes.

C’est dans cette scène de bal que je vois Dorothée Juliette affiner son rôle de Juliette. A la vue de Roméo, son regard devient intrigué et c’est en séductrice discrète qu’elle s’impose sur la scène. Elle se fond parfois dans le groupe qui danse pour en ressortir par le bout de la pointe. Avec Josua Hoffalt c’est un partenariat qui fonctionne très bien. Attentif et rigoureux, il met en valeur sa partenaire tout en oubliant jamais son rôle. Il est un Roméo, lui aussi intrigué par ce sentiment soudain. Il tombe amoureux de cette jeune femme ; il lui dévoile ses sentiments, tout comme il délie sa danse. Il est léger et offre un spectacle très réjouissant.

La scène du balcon est très belle, Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt forment un joli couple. Ils sont deux amants très « dansants », leur amour est bien montré par la danse plus
que par l’interprétation. Ils montrent que la chorégraphie est forte, et qu’elle est narrative sans pantomime. La musique jour aussi son rôle puisque chaque personnage a sa phrase qui revient à un rythme différent pour exprimer les sentiments qui le traversent. C’est une belle démonstration de spectacle vivant dans toute son acception.

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Sur la place principale, je ris beaucoup en regardant Allister Madin et Yann Saïz s’amuser de la nourrice. Je trouve que leur duo est top. Ils sont justes dans leur
interprétation, très très drôles. Arrive le passage des acrobates que j’apprécie beaucoup dans la rigueur du travail de groupe. Je suis par contre en désaccord complet avec les costumes et ce ridicule petit string… passons ce détail technique peu seyant. Les drapeaux, c’est comme les épées, cela fait toujours son effet. C’est impressionnant.

Le mariage par sa simplicité est touchant. La chorégraphie des voeux avec les les bras que respectent Roméo et Juliette en suivant le prêtre, me plaît beaucoup. C’est très
romantique et la complicité du prêtre qui approuve cet amour sincère, dans ce lieu si petit et si obscur, réduit par le jeu des lumières, ajoute sa touche à l’aventure romanesque.

De retour sur la place, Roméo ne dit mot à ses camarades. Mais Tybalt qui se doute de la belle affaire arrive sur la place et ne supporte plus les provocations infantiles de
Mercutio. Phavorin se rue sur Mercutio. J’ai la sensation que tout de suite Mercutio montre sa supériorité d’un point de vue du combat. Allister Madin joue très bien la mort de Mercutio et son visage se transforme à mesure que le sang coule sans que s’en aperçoive ses camarades. De même dans le combat qui oppose Tybalt et Roméo, Tybalt semble bien plus en confiance et à l’aise dans le maniement de l’épée. La prétention n’a rien de bon chers amis, et Tybalt meurt d’un coup de poignard qui plonge Roméo dans un mutisme corporel. Dame Capulet hurle son chagrin sur le cadavre tandis que Juliette est sous le choc. Dorothée Gilbert montre une Juliette qui prend acte du dilemme auquel elle va être confontrée sous peu. Sa saisie du poignard est intime, ça va se jouer
entre elle et elle-même.

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L’acte III met de nouveau en valeur le couple. Tout de blanc vêtus, vierges l’un et l’autre, leur destin ne semble prendre qu’un seul chemin. Les regards ont changé, ils sont
transits d’amour, mais si désespérés. Roméo banni subit une condamnation pire que la mort, à laquelle ne peut se résoudre Juliette. Epouser Pâris ne peut être désormais qu’un cauchemar, duquel elle essaye de s’échapper. Dorothée Gilbert est une Juliette désobéissante mais pas insolente. Elle se résout, à épouser Pâris, une fois le stratagème mis en place avec le prêtre. Le retour des fantômes de Tybalt et Mercutio est parfait. Je l’ai déjà dit mais je vais radoter un peu, ce ballet est un vrai film. Dans le pas de quatre Juliette s’échappe pour laisser s’exprimer sa rage, les autres personnages restent en pause. Le rêve de Juliette donne des aspects fantastiques au ballet. Elle flotte entre les fantômes de Tybalt et Mercutio. Le rêve de Roméo tient plus au domaine du
merveilleux (réflexion de Pink Lady, qui me fait trop rire  » pourquoi il ne rêve pas que de Juliette? »). Sous les oliviers de Mantoue, l’exil semble presque doux et agréable, avec toutes ses
jeunes femmes, telles des vestales. J’aime beaucoup « le passage de relais » entre Juliette et Ebnvollio qui ce soir se passe comme une glissade légère entre les deux interprètes. Dorothée Gilbert et Yann Saïz étirent leurs mouvements, on dirait que le film ralentit. Au réveil le regard affolé de Roméo, au son de la mauvaise nouvelle prend le dessus sur le décor idyllique. Il ne faut pas comparer, mais c’est en voyant Josua Hoffalt que je repense à Matthieu Ganio. Roméo se jette trois fois en arrière dans les bras de Benvollio. Je me souviens donc à ce moment là des sauts de Matthieu Ganio qui étaient si hauts et avec une amplitude défiant la gravité.

La scène du caveau et de la mort des deux amants est toujours aussi marquante. Le cri de Juliette, la mort de Roméo, le coup de poignard dans le coeur, me donnent toujours autant d’émotions. Je ne sais pas si je suis bon public, mais je suis rentrée dans l’histoire une fois de plus et je suis désespérée une nouvelle fois de cette fin tragique.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je dirais pour finir que les trois distributions que j’ai vues m’ont plu. J’ai préféré la distribution Pujol/Ganio qui m’a mis une claque, pardonnez moi l’expression, mais j’ai eu une vraie émotion forte et une révélation pour Laëtitia Pujol ce soir là. Les Mercutio ont été géniaux, Emmanuel Thibaut par son aisance à la scène, MatthiasHeymann par ses sauts si amples et Allister Madin par sa rigueur technique et son jeu. De même, les Benvollio que j’ai vus m’ont enchantés, j’ai beaucoup aimé Christophe Duquenne dans ce rôle,
car parfois j’ai l’impression qu’il est triste, un peu renfermé et là j’ai trouvé qu’il rayonnait, qu’il s’éclatait, et du coup sa danse était impeccable. Les Rosaline m’ont plu mais je regrette de ne pas avoir vu Sarah Kora Dayanova dans ce rôle. La musique était géniale, une vraie réjouissance d’entendre autre chose que du Tchaïkowsky ou du Minkus. Pink Lady m’a donné l’eau à la bouche pour aller voir la version qui se donne à Londres, j’espère que j’aurais un jour l’occasion de voir ça.

  • Distribution du 30 avril 20H00
Juliette Dorothée Gilbert
Roméo Josua Hoffalt
Tybalt Stéphane Phavorin
Mercutio Allister Madin
Benvolio Yann Saïz
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Laura Hecquet

 

Serguei Prokofiev Musique
Rudolf Noureev Chorégraphie et mise en scène
(Opéra national de Paris, 1984)
Ezio Frigerio Décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano Costumes
Vinicio Cheli Lumières

 

Coppélia, ou les adieux de Patrice Bart

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© Syltren/ Rêves impromptus

La pluie ne pouvait rien contre mon moral aujourd’hui. Je suis allée cet après midi aux ventes privées Brontibay avec ma belle F***, toutes ces couleurs s’accorderaient à merveille avec des BB Repetto. Après cette virée shopping nous nous sommes offert un massage à la Villa Thaï, la vraie vie en somme ! Le soir à l’Opéra avec la meilleure compagnie qu’il soit, quoi de plus réjouissant pour ensoleiller cette journée où le ciel lui me boudait et est resté gris.

Dernier défilé pour Patrice Bart

Sur la distribution papier, pas de traces des surprises annoncées. On parlait de Clairemarie Osta, Laëtitia Pujol faisant une apparition au deuxième acte dans les amies de
Swanilda. Elles n’étaient pas au rendez-vous au 2ème acte mais d’autres surprises sont venues se glisser dans le ballet. Première surprise, ma compagnie a le vertige. Il est vrai que quand j’étais plus jeune l’amphithéâtre me mettait aussi mal à l’aise. Maintenant je me penche à loisirs pour jalouser les spectateurs du parterre. Tiens mais c’est Amélie qui s’installe au 3ème rang.

Le défilé commence toujours avec la même émotion pour moi. La musique, les petits rats, les tutus blancs, l’ambiance de la salle (tout le monde y va de son petit commentaire), je signe et persiste j’adore ! Aux abonnés absents : Aurélie Dupont (toute jeune maman) et Hervé Moreau (toujours pas une seul mot de l’institution à son propos, vivement une rencontre AROP avec Bribri pour que la question soit posée).

Ciraravola ouvre le bal des étoiles avec grâce, MAG, Gilbert et Letestu sont très applaudies. Côté garçons Mathias Heyman nous gratifie d’un petit pas sauté pour nous saluer, José Martinez est littéralement ovationné et Nicolas Le Riche n’est pas non plus privé de bravos. D’ordinaire, la dernière étoile appelle par un port de bras tout le corps de ballet. Mais là un petit monsieur en costume et noeud papillon descend la scène penchée de Garnier. C’est tout ému qu’il ouvre ses bras pour appeler ses danseurs, comme pour les accueillir une dernière fois dans ses bras. Ils arrivent plus lentement que d’habitude, l’ambiance tant sur scène que dans la salle. Les applaudissements sont très très nombreux, le corps de ballet applaudit son maître qui a tant fait pour en faire la star des ballets. Autant je ne suis pas amatrice des chorégraphies de Patrice Bart, autant il faut saluer l’étoile qu’il a été et le maître de ballet extraordinaire qu’il est devenu. On oubliera ses défauts, ses gueulantes (souvent vulgaires) mais qui faisaient tout de même son charme.

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Premier Coppélia pour moi de la saison, hors répétitions. J’ai essayé de comprendre un peu plus l’histoire ce soir. J’avais relu L’homme au sable, où en fait le
personnage principal est Nathanaël alias Frantz dans le ballet. Patrice Bart a fait le choix, de mettre en avant le personnage de Coppélius qui s’éprend de Swanilda, une jeune femme du village qui ressemble à sa femme décédée, et à la poupée qu’il est en train de monter avec son compère Spalanzani. Il fait de Coppélius un séducteur, qui est plus à mon sens un vieux pervers, on ne comprend pas bien ce qu’il veut, veut-il voler l’âme de Swanilda pour la mettre dans sa Coppélia, veut il vivre une histoire d’amour vériatble avec elle? Et le Frantz dans tout ça? Dans le conte, il tombe amoureux de la poupée, et se rapatrie sur Clara/Swanilda (les noms varient d’un livret à un autre) car elle au moins est humaine. Là il se bat à peine opur sa bien aimée. Il montre une faible jalousie. Bart justifie l’attirance de Swanilda pour Coppélius avec la fameuse scène des papillons de Frantz qui la dégoûte un peu des passions de Frantz (franchement entre le beau jeune homme qui collectionne des papillons et le vieux qui joue à la poupée, le choix est vite fait!). Ensuite la scène du blé où Swanilda est élue reine du blé hypnotise Coppélius, ce qui rend son esprit confus. J’attends de voir la version de l’école de danse pour voir sous quel autre angle peut être lu ce conte. Je trouve intéressant d’avoir donné une place plus grande au personnage de Coppélius, mais la lecture qui en faite est loin d’être claire.

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Côté danse, Mathias Heymann fait bien du zèle ce soir en essayant de passer des pas plus compliqués. Il ne s’en sort pas toujours, en oublie parfois la musicalité (plutôt rare
chez le jeune prodige), mais c’est fait avec le sourire avec un certain amusement, comme il me l’a dit plus tard dans la soirée, « c’était ce soir ou jamais ». Il est bien dans ce rôle de cet
étudiant sûr de lui, potache avec ses amis. Il offre tout ce qu’il a, avec générosité et le sourire. j’étais ravie de le voir, puisque depuis le début de la saison, difficile de le voir (le
cheval de Caligula n’est pas un rôle qui me plaît et dans lequel il pouvait exprimer tout
son talent…). J’étais ravie de le voir souriant, sauter et tourner avec toujours autant de facilité. Dorothée Gilbert, était comme à son habitude, merveilleuse. Pas d’erreurs
techniques, une interprétation juste, espiègle séductrice et joueuse, elle fait rire la salle et emporte tout le public avec elle. La gigue écossaise reste mon passage préféré, j’y aime les petits pas qui s’y glissent, le manège et la traversée finale. Les amies de Swanilda avaient réservé quelques surprises à leur maître de ballet, dont la plus drôle était celle de Mathilde Froustey qui est restée coincée un bon bout de temps perchée en haut de l’escalier de l’atelier de Coppélius. Ses copines lui ont filé un bouquin pour s’occuper. José Martinez est exemplaire, j’ai l’impression parfois que sa danse se perfectionne de jour en jour. En tous cas, il me touche de plus en plus, et ce soir c’était un vrai plaisir de le voir dans ce rôle un peu plus noir que les rôles de prince qui lui collent (un peu trop parfois) à la peau.

Le ballet s’achève sur la fuite de Swanilda et Frantz, venu au secours de cette dernière au moment où les choses commençaient à mal se passer dans l’atelier.

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Aux saluts, Patrice Bart est convié par Dorothée Gilbert, seul sur scène, une pluie de pétales roses tombent. Tout le ballet, ainsi que Brigitte Lefèvre, Elisabeth Platel et bien d’autre viennent saluer une dernière fois le maître. Le moment est émouvant, touchant, on sent la tristesse mêlée à la joie de toutes ces personnes présentes sur scène.

La suite de la soirée se passe au Grand foyer où Patrice Bart se voir remettre le titre et la médaille de Commandeur des Arts et des lettres après un discours soporifique du
Ministre de la Culture (on aurait cru qu’il l’enterrait).

Au revoir Monsieur Bart…

  • La distribution du 30 mars

 

SWANILDA Dorothée Gilbert
FRANTZ Mathias Heymann
COPPELIUS José Martinez
SPALANZANI Fabrice Bourgeois

 

Léo Delibes Musique
Patrice Bart Chorégraphie et Mise en Scène
(Opéra national de Paris, 1996)
D’après Arthur Saint-Léon
Ezio Toffolutti Décors et costumes
Yves Bernard Lumières


Orchestre Colonne

Koen Kessels Direction musicale

  • Les adieux de Patrice Bart