L’histoire de Manon

Adieux de Clairemarie Osta

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© Elendae

J’ai d’abord cru qu’il était possible d’obtenir un pass jeunes. Et puis les touristes n’attendant que des places de première catégorie ont tout raflé. Pas grave, je fonce à 19h29, direction la loge 7, mais je croise un ouvreur charmant qui me replace. J’entre en loge 15 où je retrouve Garielle et Genoveva. Vue parfaite sur la scène quand on se perche un peu sur son fauteuil. C’est un art de s’installer confortablement en fond de loge.

Le ballet commence, et on rentre bien plus dans la musique qu’auparavant. Sans doute, depuis les premières répétitions, l’oreille s’est habituée à cette musique, qui est issue de différents opéras de Massenet. Les thèmes qui correspondent à différents personnages permettent une certaine lisibilité de l’histoire et l’arrangement joué par l’orchestre ne m’a pas gênée. Clairemarie Osta est applaudie à son entrée sur scène. La salle se remplit alors d’une certaine tension. Dernière de Manon, dernière d’Osta…On a envie de profiter de chaque minute qui défile sous nos yeux, sans rater une miette de ce ballet. On voit passer le sourire ravageur de Renavand, impeccable en maîtresse de Lescaut, drôle, séductrice et coquine. Stéphane Bullion se montre toujours aussi brillant en Lescaut. Il parvient à créer un personnage complexe, reniflant l’argent partout il pousse, tout en gardant l’art des relations sociales.

Le premier pas de deux est magique surtout avec Le Riche, majestueux. On croit à cet amour de jeunesse, on voit en ce danseur, le visage juvénile d’un Des Grieux, tombant sous le charme, comme les autres hommes, de cette Manon mystérieuse. Clairemarie Osta est une Manon qui se montre intelligente, qui semble analyser les regards qui se portent sur elle. J’apprécie sa façon de monter sur la pointe de son chausson, avec une certaine suspension, tout en laissant traîner un regard vers un homme.

Le premier pas de deux de la chambre est celui qui me plaît le plus chorégraphiquement. J’adore la façon dont Des Grieux, fait descendre au sol Manon en la tenant par la nuque. Les baisers sont fougueux entre Osta et Le Riche, la passion transpire entre ces deux là. La fluidité dans les portés est remarquable. Manon glisse, s’envole, virevolte. La mousseline de sa robe légère suit les mouvements, et laisse découvrir les jambes de Manon tant désirées par la suite par Monsieur de G.M. Je suis à nouveau très émue par l’interprétation et la danse de Le Riche/Osta.

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A l’entracte, on croise tous les balletomanes ! L’excitation est à son comble, ça bavarde, chacun s’épanche sur son moment préféré, sur l’intelligence d’Osta dans sa danse, sur Nicolas Le Riche, définitivement le plus charismatique d’entre tous. Bizarre tout de même, cet adieu en matinée. Il manque l’ambiance d’une soirée, mais voir tous ces enfants dont ceux d’Osta, crée aussi une ambiance particulière, de joie.

Retour dans ma loge en compagnie de Gaerielle et Genoveva, qui ont récupéré plein d’affiches d’adieux. L’opéra édite des affiches quand une étoile de la compagnie part sur d’autres routes.

Reprise du ballet, Bullion est brillant dans son rôle de frère ivre et malsain. Comme un clown triste, son personnage est complexe, on oscille entre le rire et un sentiment pathétique à travers cet ivrogne dont la perte est déjà assurée à ce moment du ballet. Clairemarie Osta livre une Manon délicate et délicieuse, pour laquelle les hommes au regard avide, débordent de désir. Manon, objet de fantasme, enfant dans un corps de femme, qui croit avoir de la maîtrise de ce monde qui l’entoure, alros qu’elle en est la première victime. Osta maîtrise son personnage et prend un plaisir immense à occuper cette scène. Le public est pendu à ses pointes, et suit ce petit jeu de séduction qui finit mal.

Retour dans la chambre où Manon et Des Grieux se déchirent pour la valeur de l’argent. La tension est forte, à l’image de la complicité des deux protagonistes. Je suis suspendue aux bras d’Osta et aux regards de Le Riche. La pression monte jusqu’à la mort de Lescaut. Tragédienne jusqu’au bout, Osta livre une Manon tragique, profondément grave face à la mort de son frère. Quand arrive l’entracte, on commence à vouloir ralentir le ballet qui m’a paru étonnamment court.

Après la pause, retour pour les vingt dernières minutes de Manon. Clairemarie Osta danse avec une émotion certaine, elle fait frissonner la salle. Aux saluts, ovation du public. Le visage de l’étoile redevient le sien, Manon reste en arrière pour laisser Clairemarie profiter de ce dernier instant sur la scène avec son public. Cotillons dorés, sourire figé par l’émotion, larmes discrètes, les spectateurs applaudissent très fort, crient merci et milles bravos retentissent sous le lustre de Garnier.

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© Elendae

  • Distribution du 13 mai 2012 14h30
Manon Clairemarie Osta
DesGrieux Nicolas Le Riche
Lescaut Stéphane Bullion
La Maîtresse de Lescaut Alice Renavand
Monsieur de G. M. Stéphane Phavorin
Madame Viviane Descouture

 

L’histoire de Manon Ciaravola/Ganio/Saiz/Daniel

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Troisième fois pour ce ballet avec une distribution que j’attendais avec impatience. Un de mes plus beaux souvenirs de cette année était Onéguine avec Isabelle Ciaravola et Mathieu Ganio, et c’est pourquoi j’avais hâte de les revoir dans une histoire encore plus tragique.

Isabelle Ciaravola est une Manon très naïve, inconsciente de sa beauté. Elle séduit et attire sans le vouloir tous les regards sur elle, public comme personnages. Ciaravola a la capacité de capter l’audience sur scène et dans la salle. Moi qui avait peur de me lasser du ballet et de trouver le temps long, elle m’a fait oublier les moments plus mous, car elle ne perd jamais de vue son rôle. Elle vous tient, car on sent que la Manon qu’elle propose n’est pas un personnage si simple, à la double facette amoureuse/vénale. En face d’elle, Des Grieux. Mathieu Ganio incarne à merveille ce jeune garçon fougueux, qui va déployer son amour à mesure d’une variation de profil. On a l’impression de regarder un moment très intime, où Manon découvre tous les traits de ce jeune soldat. Elle le dévisage avec une certaine admiration, on sent le personnage impressionné et honoré devant une telle déclaration.

La scène de la chambre reste – avec le dernier pas de deux – mon passage préféré.
Ciaravola et Ganio savent mettre toute la passion d’un premier amour dans ce pas de deux. Chaque pas est une découverte de l’autre, chaque toucher est un frisson. La légèreté de Manon qui s’envole dans les bras de Des Grieux est un moment de grâce dont on ne peut se lasser.

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Le deuxième acte confirme l’importance du personnage de Lescaut incarné ce soir avec brio par Yann Saiz. Il incarne un frère protecteur mais habité par l’argent et le jeu. L’homme à la morale légère multiplie les oeillades aux jeunes femmes qui l’entourent, tout en se rangeant dans les bras de sa maîtresse, dansée ce soir par la charmante Nolween Daniel. La variation de l’ivresse montre un Yann Saiz solide techniquement et surtout, très drôle. La salle rit beaucoup, il joue à la fois des regards complices au public sans oublier les courtisanes sur la scène.

Ciaravola domine la scène dans la variation de Manon. Elle s’impose en femme maîtresse de son destin, mais hélas c’est dans le non-choix et la fourberie qu’elle se perd. Ciaravola hésite et change sa façon de danser suivant le partenaire qu’elle regarde. Son style est à la fois très graphique, grâce à ces jambes – ahh ces jambes ! – et souple, avec une aisance, presque indécente.

De retour dans la chambre de Des Grieux, Manon est très troublée, Ciaravola montre déjà des aspects de la déchéance de Manon. Si son côté vénale perdure en voulant emporter les diamants, elle ne comprend pas tout de suite la situation délicate et d’urgence dans laquelle elle se trouve. La tragédie qui commence par la mort de son frère en est d’autant plus fort que le décalage est grand. Je suis suspendu aux regards de ce couple qui commence sa descente aux enfers.

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Au troisième acte, je passe sur les deux premières scènes que j’apprécie de moins en moins et qui semblent durer une éternité, pour arriver au dernier pas de deux, qui fut de toute beauté. Ciaravola pratique un relâchement tel, c’est avec une confiance sans égale qu’elle laisse Mathieu Ganio mener la danse. il tente dans un dernier instant de la faire danser, pour la faire vivre. La flamme de leur amour brûle d’une façon encore plus intense, même si la fin est inévitable. De nouveau, très émue de redécouvrir une fois encore cette histoire, peut être encore plus car j’ai fait découvrir ce ballet à M***, qui a partagé mon émotion.

Très belle soirée, pause à présent avant la matinée des adieux de Clairemarie Osta le 13 février.

  • Distribution du 26 avril 2012, 19h30
Manon Isabelle Ciaravola
DesGrieux Mathieu Ganio
Lescaut Yann Saïz
La Maîtresse de Lescaut Nolwenn Daniel
Monsieur de G. M. Eric Monin
Madame Amélie Lamoureux

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Danse-Opéra, Une saison à l’Opéra, Danses avec la plume

 

L’histoire de Manon Dupont/Hoffalt/Bélingard/Zusperreguy

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Deuxième soir de représentation, je fais la queue pour les pass jeunes avec La souris et Palpatine. La chance nous sourit donc, puisque nous obtenons trois pass jeunes, les vacances scolaires ont du bon.

Direction donc le premier rang du balcon pour revoir cette distribution que j’avais eu la chance de voir en répétition. Dans l’ensemble, je trouve que le ballet a de vraies longueurs et si il y a certains passages qui me plongent dans un émoi particulier, d’autres m’ennuient beaucoup.

J’ai trouvé cette distribution très équilibrée. Aurélie Dupont est une Manon séduisante et séductrice qui a conscience de son pouvoir sur les hommes. C’est pleine d’assurance qu’elle se jette dans les bras de Des Grieux. Technique bluffante, on sent une bonne complicité entre les deux partenaires et surtout beaucoup de plaisir à danser ce ballet, à se découvrir dans ces rôles tragiques que dans Bayadère. Dupont vit cette histoire avec une joie lisible sur son visage et qui transparaît dans sa danse. Le pas de deux du premier acte est très fluide. Quant à Josua Hoffalt, il est ce jeune homme fougueux, innocent et naïf que l’amour va mener à faire les pires choses. Sa danse fluide va se rigidifier à mesure qu’il connaît et qu’il aime Manon. Le jeu, la tricherie, le meurtre vont transformer ce personnage. Comment un amour si pur, si innocent, peut mener à tant de vices ? La femme semble clairement montrée du doigt, à travers le personnage de Manon, et les prostituées de façon plus générale.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Jérémie Bélingard est hilarant dans le rôle de Lescaut. Il joue l’ivresse à fond, en prenant les déséquilibres avec brio, et défiant les lois de la gravité. J’aime son ébriété festive et le duo avec Muriel Zusperreguy fonctionne bien. Elle joue une maîtresse bienveillance, tout en restant rayonnante et séductrice. Hormis ce pas de deux et la variation de Manon, le reste m’a beaucoup ennuyée. Je trouve qu’il se passe trop de choses sur scène, j’ai envie de tout voir et forcément je n’y arrive pas. Sur France Musique, Clairemarie Osta disait à juste titre qu’il se passait mille histoires sur scène, que chaque personnage avait sa propre histoire. Il est vrai qu’on peut se laisser emmener dans le fond du tableau et regarder le jeu de séduction entre tel et tel personnage mais parfois, j’ai du mal à trouver la visibilité. D’autre part, je n’accroche pas du tout avec la scénographie, ni avec les costumes. De l’ocre, encore de l’ocre, oups du jaune. Si la finition des costumes est impressionnante, comme toujours à l’Opéra de Paris, on est loin de La Dame aux camélias. Au concours, les sujets dansaient la variation de Manon avec une robe de velours noire, très sensuelle, le velours bougeant à chaque mouvement de jambe avec délicatesse. Là, je trouve que la robe de Manon fait un peu kitch, voire cheap. Le décor fait de chute de tissus ocres et abîmés rappellent évidemment la condition dont Manon a le plus peur. La peur, la honte, devenir pauvre en une nuit, comme elle devient riche en quelques minutes avec un manteau et un collier, tout cela hante Manon, et le décor reflète cela, il n’empêche que je trouve ça très laid. Je ne parle même pas de l’acte trois où les lianes avec le plein feu vert, plus la fumée… si allez, j’en parle. Alors voilà, nous avons notre Manon qui dépérit au sol, dans les bras de Des Grieux et tous ses souvenirs apparaissent derrière elle. La frivolité, son frère coureur de jupons, le jeu, le meurtre, puis arrive le pas de deux final, qui est une chorégraphie merveilleuse et qui m’émeut énormément. Mais franchement, ces lumières vertes…Je trouve que cela manque de raffinement, puisqu’après tout c’est le peu de choses qui reste à la jeune Manon.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Pour revenir à la misogynie, elle est présente tout au long du ballet. Aurélien Houette interprète un Monsieur de G.M. violent, conscient de sa puissance, de son argent. Il considère Manon presque comme une bête de foire, qu’on montre, qu’on utilise sexuellement, qu’on attache avec de l’hermine, des rivières de diamants, des bracelets clinquants. Monsieur de G.M. ne se laisse pas duper par les manigances de Lescaut ou de Manon. Il impose son pouvoir sur Manon, tout comme son frère d’une certaine façon, ainsi que le geôlier. Tout ceci est assez bien chorégraphié et rend le propos sur les femmes abject. Si l’amour pur donnent des pas de deux d’une beauté éblouissante entre Manon et Des Grieux, la soumission de Manon aux hommes, portée d’homme en homme, donne à voir un spectacle qui met mal à l’aise, qui dérange. Est-ce la volonté du chorégraphe ? Je n’en suis pas si sûre…

Une belle soirée, avec des longueurs donc, mais avec un beau travail d’interprétation. Prochaine distribution Ciaravola/Ganio !

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L’histoire de Manon sur le site de l’Opéra de Paris

  • Distribution du 23 avril 2012, 19h30
Manon Aurélie Dupont
DesGrieux Josua Hoffalt
Lescaut Jérémie Bélingard
La Maîtresse de Lescaut Muriel Zusperreguy
Monsieur de G. M. Aurélien Houette
Madame Viviane Descoutures

L’histoire de Manon première !

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Samedi soir direction Garnier, pour assister à la première de Manon. Si je trouve bien des défauts à ce ballet, il n’en est pas moins de beaux moments de grâce.

Le premier acte se divise en deux scènes. La première mêle une foule de gens, mendiants, blanchisseuses, riches propriétaires, prostituées, soldats, courtisanes et autres chasseurs de rats. Parmi eux, un jeune soldat fougueux, Lescaut observe riches et mendiants. On découvre sa maîtresse, qu’il maltraite dès le début de cette histoire. Un homme intéresse particulièrement la foule, c’est Monsieur de G.M. Les mendiants, notamment leur chef, car la montre à gousset qui dépasse de sa veste est promesse de prospérité. Allister Madin incarne avec brio ce mendiant ma foi sympathique et bondissant. La maîtresse de Lescaut tente de séduire tout ce qui brille et Alice Renavand est convaincante. Jeux de bas de jambes, jeux de regard et sourire éblouissant, elle campe une courtisane séduisante, non sans recherche d’une certaine tendresse de la part de ces rudes hommes qui l’entourent. Stéphane Bullion se montre un Lescaut intéressé, malin, et tendre avec sa jeune soeur. Manon Lescaut est en route pour le couvent, quand elle s’arrête dans l’auberge pour y revoir son frère. Les regards sur elle, elle prend peu à peu conscience de sa beauté et de son pouvoir sur les hommes. Clairemarie Osta joue une Manon naïve dans ce premier acte, douce et délicate. Son travail de pointe reflète assez merveilleusement son caractère. Bien dans ses chaussons, et peu à peu, sans cesse en élévation. Deux hommes sont d’emblée attirés par Manon, Monsieur de G.M. et un autre riche notable, qui connaîtra une fin malheureuse, dans un coin de l’auberge Lescaut le faisant tuer par les mendiants pour une poignée d’or. Pendant les négociations entre Lescaut et Monsieur de G.M., dansé par Stéphane Phavorin, Manon cogne un jeune homme. Le coup de foudre est immédiat. Ce jeune c’est Des Grieux, un jeune étudiant. La variation de profil est une de mes préférées. La musicalité de Nicolas Le Riche n’a pas d’égal, chaque pied posé sur le sol, montre l’avancée de cet amour qui vient de naître dans son coeur. Les deux jeunes gens décident de fuir à Paris.

A son retour, Lescaut a promis sa sœur à Monsieur de G.M., il s’agit donc de la retrouver. Les deux amants se sont réfugiés dans la chambre de Des Grieux. Le pas de deux recèle des trésors chorégraphiques. Après avoir écrit une lettre à son père, Des Grieux déclare avec fougue son amour à Manon. Les portés s’enchaînent avec une telle aisance. J’aime les regards de l’un entre l’autre. Une véritable passion naît. Je suis émue aux larmes devant tant de grâce et de délicatesse. Manon vole, elle jubile de bonheur. Tous deux connaissent leur premier amour. Sur les visages des danseurs on peut lire une certaine innocence et la surprise sans cesse renouvelée de ce sentiment soudain et grandissant. Des Grieux va porter la lettre à son père, pour lui demander de l’argent, tandis que Manon vit ses derniers instants de bonheur. En effet, son frère arrive avec Monsieur de G.M., près tous deux à de mauvais arrangements. Monsieur de G.M. offre un manteau d’hermine à la jeune femme et des rivières de diamants. Cette perspective de richesse séduit Manon, qui prend un autre sourire devant cette richesse matérielle, oubliant aussi rapidement l’amour pur de Des Grieux. Le trio entre Lescaut, Monsieur de G.M. et Manon est malsain au possible. Stéphane Phavorin propose un Monsieur de G.M. très pervers et prêt à tout pour faire de Manon sa chose. La femme est réifiée durant tout le long du ballet.

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L’acte II commence dans le salon de Madame, une dirigeante de maison close. Prostituées et courtisanes se distinguent par leurs vêtements. Lescaut arrive au milieu de cette foule, complètement ivre. Stéphane Bullion se montre très convaincant dans ce rôle de fêtard. Très drôle, j’apprécie beaucoup cette variation. Le pas de deux avec Alice Renavand vient achever le passage comique. Elle tombe en grand écart, bouscule Lescaut, insiste pour qu’il la porte, mais se fait renverser par son partenaire. Lui à la fois graveleux et mal en point finit sa variation par une tentative de baiser, mais finit par s’écrouler sur le sol. Divin ! S’ensuivent de nombreuses danses des prostituées, un peu fouillies à mon goût. Sabrina Mallem est éblouissante en chipie capricieuse. Les femmes sont de nouveau traitées comme des objets qu’on choisit en fonction de ses goûts. Il règne une misogynie assez poussée dans ce ballet. Manon arrive au bras de Monsieur de G.M., habillée pour l’hiver et parée comme un sapin de Noël. Elle est montrée comme une bête de foire, ce qui rend fou de malheur Des Grieux qui a été invité à cette sauterie par Lescaut. La variation de Manon dansée par Clairemarie Osta est un régal. Fine, élégante, elle change de visage en fonction du partenaire qu’elle regarde. Séduisante et séductrice, elle regarde avec tension Monsieur de G.M., qui ne la perçoit que comme un objet sexuel, tandis que les yeux se baissent, et la danse se montre plus douce, plus pudique devant Des Grieux. Nicolas Le Riche qui ne danse quasiment pas de cette scène, n’en est pas moins charismatique. Il ne perd jamais le fil de l’histoire et captive mon regard à de nombreux moments, parfois plus que les danses successives. Manon passe de bras en bras, d’hommes en hommes, de façon très malsaine, chacun pouvant profiter de l’odeur de sa peau. En récompense, Monsieur de G.M. lui accroche au poignet un bracelet, sorte de menotte dorée. Moment de calme, Des Grieux demande à Manon de le suivre, tandis que celle ci lui montre ses nouvelles richesses et acquisitions. Elle lui suggère de gagner au jeu et pour cela, elle l’aide à tricher. Après quelques tours, et beaucoup d’or amassés, Monsieur de G.M. s’aperçoit de la supercherie et se lance dans un duel à l’épée. Des Grieux blesse le riche noble et s’enfuit avec Manon.

 

Dans cette deuxième scène, Manon et Des Grieux montrent leur désaccord. Si Des Grieux n’attache aucune importance aux biens matériels, Manon en revanche a du mal à lâcher sa robe, son bracelet et autres pierres précieuses. La scène d’opposition est très forte et saisissante. Des Grieux ne demande pas à Manon de chosir, il veut que l’amour s’impose à elle comme une évidence. Il la contraint lui aussi par la force, ce qu’elle ne peut supporter, elle décide alors de céder. Monsieur de G.M. arrive pour arrêter les tricheurs, Lescaut étant déjà menotté et molesté. Monsieur de G.M. tue Lescaut, Manon court pleurer son frère.

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© Blog à Petits Pas

Le troisième acte se passe en Louisiane où on été exilés les deux amants. La danse des jeunes femmes est emmenée par une Letizia Galloni resplendissante. Quand le bateau arrive, ce sont d’anciennes prostituées qui en descendent bien faibles et désespérées par ce voyage. Quand Manon et Des Grieux descendent du bateau, la jeune femme est éreintée et presque déjà dépossédée de son corps. Le geôlier ne s’y trompe pas, et voit le joli minois de l’ancienne séductrice. Après une altercation il l’emmène de force chez lui. Il la viole et lui accroche au poignet, de nouveau un bijou. La jeune femme ne répond plus de rien, elle est humiliée au sol. Scène choquante, Manon est presque laissée pour morte devant le bureau du geôlier. Des Grieux entre et le tue, puis emmène Manon en fuite dans les marécage de Louisiane. L’aventure est trop harassante pour la jeune femme, qui cauchemarde pendant ses nuits de sa vie passée. Tous viennent la hanter, se rappeler à sa mémoire, comme une sorte de procès. Dans un dernier espoir, Des Grieux fait danser Manon, elle court hantée par ce passé, par ces douleurs, elle se réfugie dans les bras de son amant. Il tente de nouveau de l’élever, de la faire sentir belle et forte. Son corps ne répond plus, Des Grieux la pose au sol, et pleure son désespoir. Le Riche et Osta m’ont complètement fait vibrer, leur osmose est sans égale, leur charisme et l’émotion qu’ils font passer vous bouleverse. On met quelques instants avant de revenir à soi, car ils parviennent à vous plonger dans leur histoire de Manon.

A lire ailleurs : Blog à Petits pas, Joël Riou, Klariscope

Jules Massenet Musique
Martin Yates Arrangements et orchestration
Kenneth Macmillan Chorégraphie et mise en scène
Nicholas Georgiadis Décors et costumes
Hans-Äke Sjöquist Lumières
  • Distribution du 21 avril 2012
Manon Clairemarie Osta
DesGrieux Nicolas Le Riche
Lescaut Stéphane Bullion
La Maîtresse de Lescaut Alice Renavand
Monsieur de G. M. Stéphane Phavorin
Madame Viviane Descouture

Orsay, Newton, Animaux et Manon

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Les vacances c’est très agréable. Voilà à peine une semaine que mon réveil ne sonne plus à 6h et que je ne regarde plus quelle heure il est. J’en ai profité pour faire plein de choses. Je suis allée voir un superbe documentaire qui ne passe que dans très peu de cinémas, mais au MK2 Beaubourg. Je suis raconte la convalescence de trois patients qui ont eu des traumas crâniens. Christophe est père de famille, il a eu son trauma cranien en installant une balançoire pour son fils. On disait à la famille qu’il serait dans un état végétatif, et pourtant ce jeune homme se bat, chaque jour contre son cerveau et son corps pour retrouver la motricité, le langage, l’humour. Béatrice était directrice de banque, elle a fait un AVC. Elle a du mal à retrouver le langage, confond les mots à du mal à les prononcer. Et puis le deuxième Christophe, grand, ancien prof de tennis, qui ne laisse transparaître aucune émotion. Emmanuel Finkiel filme le temps qui passe, qui défile au fil des saisons. Il porte un regard tendre et profondément humain sur ces trois personnes. Les gros plans sur les parties du corps – une main qui s’accroce à une barre, une oreille qui tente d’écouter l’orthophoniste, un pied qui traine dans un couloir – rappellent en permanence la condition fragile de l’homme. C’est un très beau film, émouvant mais jamais triste, qui raconte trois parcours de vie, avec des accros, des défaites mais
des victoires sur la vie et sur le corps. Passionnant.

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Mardi, il pleut et un des rares musées ouverts ce jour là, c’est le Musée d’Orsay. Je voulais aller voir l’exposition Degas et le nu, ainsi que me refaire un parcours danse dans le musée. Alors voilà, il y a deux queues au Musée d’Orsay. Celle pour ceux qui ont des billets et qui ne passent donc pas par la billetterie et celle pour ceux qui n’ont pas de billets. Pour chaque file, il y a deux monsieurs qui fouillent vos sacs, vous vont passer dans le détecteur de métaux et quand vous sonnez (ce qui est le cas d’une personne sur deux), vous demande « Téléphone portable? – Non – Allez-y alors ». Quatre personnes en tout donc. Il se trouve que depuis 5 ans, dans les ministères de l’Education Nationale et ministère de la Culture, nous disposons d’un PASS, qui permet d’accéder aux musées nationaux gratuitement et qui fait office de billet. Nous ne passons donc pas à la billeterie. Dans les autres musées, nous bénéficions donc des queues coupe-file. Là non. Il y a des gardes du corps qui sont plus vulgaires que n’importe quel videur d’une boite de nuit pourrie. Ils vous gueulent dessus quand vous demandez une information, les touristes doivent être bien reçus avec eux ! Je me suis donc faite éjecter malgré mon Pass qui est comme un billet, j’ai fait une heure et quart de queue sous la pluie, pour sonner dans le détecteur de métaux (trempée, voilà pourquoi j’ai sonné !), ne pas faire la queue aux billets, entrer dans le musée et l’expo Degas avec mon Pass. Bref, j’étais hors de moi. On m’expliquera donc la différence entre un coupe file et une carte coupe file… Heureusement, il n’y a qu’à Orsay que c’est comme cela. Parlons un peu de l’exposition.
Comme toutes les grandes expositions, c’est noir de monde. Poussettes, groupes, après la queue sous la pluie j’ai eu du mal. Heureusement l’exposition est magnifique. J’ai particulièrement aimé la deuxième partie de l’exposition, quand Degas peint ou croque les prostituées. Il y a de beaux fusains et surtout, dans la dernière salle, de superbes pastels, répétés plusieurs fois. Jamais de visages chez Degas, mais des dos, des courbes. Degas peint les femmes avec une volonté de réalisme. Il répète plusieurs fois les mêmes tableaux, en peignant les scènes du quotidien, la toilette, ou l’habillage des danseuses. Chaque pose se décline en pastel, dessin au fusain, sculpture. C’est très beau, il y a beaucoup beaucoup de choses, c’est pourquoi j’y retournerai une deuxième fois
mais sous le soleil cette fois !

J’ai ensuite fait un petit tour à la galerie des Impressionnistes, pour revoir les Degas consacrés à la danse. Mon tableau préféré reste Danseuses. J’aime la lumière que les tutus blancs donnent au tableau, ainsi que les différentes matières qui existent dans le tableau. Un petit tour au rez-de-chaussée pour revoir la maquette de Garnier, ainsi que la danse de Carpeaux.

Pour vous balader dans le musée d’Orsay, c’est sur Google Art Project.

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Mercredi direction le Grand Palais, j’avais des laissez passer (oui vous allez penser que je suis une obsessionnelle des files d’attentes ! ) pour l’exposition Beauté animale et espèrait que l’expo Newton ne soit pas trop surchargée pour pouvoir y entrer.

La première exposition fut plus intéressante qu’elle n’y parait. On découvre toutes sortes de représentations animales. Le parcours de l’exposition est très bien pensé. Représentations anatomiques, illustrations de livres, observations scientifiques, puis à travers les toiles, on observe les modifications génétiques que l’homme a apporté à l’animal. L’exemple le plus flangrant est bien sûr celui des chats et des chiens avec les naissances des races au XIXème siècle. Le sperceptions des animaux, le chat était symbole de vice et d’enfer, il n’est devenu que très tard (en Europe en tous cas), un objet de contemplation et de beauté. Les races de chiens à la mode ont aussi beaucoup changé. Parmi mes coups de coeur, le chat de Giacometti et le caniche de Koons. Il
manque à mon goût le caniche de Blazy ! On entre ensuite, dans une section avec les animaux qui nous font peur. Les trouve-t-on laids? On leur associe des qualités morales. Perchée au plafond, je reste les yeux grands ouverts devant une chauve-souris de César. J’ai aussi bien aimé les insectes en bronze poli. On rencontre tous les animaux craints ; rats, araignées, insectes. Le superbe ours polaire de Pompon a droit à son espace. Grrr la sculpture, c’est frustrant j’ai toujours envie de toucher.

Direction ensuite l’expo Newton, où il n’y a pas d’attente. Alors là, c’est sublime. Le prix me freine mais j’y retournerai bien ! Une belle rétrospective, avec des photos de
mode faite pour ELLE dans les années 70, avec des superbes robes Courrèges. Des centaines de photos faites pour Vogue. Les grands nus sont mon coup de coeur numéro 1. Comme quoi, on peut vraiment habiller une femme juste avec des chaussures ! Sublime. Les deux portraits de Saint Laurent sont captivants, le regard du couturier vous accroche et vous avez du mal à vous en détacher. La dernière pièce montre les photos des gens « célèbres ». Parmi les plus belles, on notera Jean-Marie Le Pen et ses deux dobermans, Mme Claude, Isabelle Huppert, et Charlotte Rampling. Autre photo
qui m’a marquée, on voit des jambes de dos, perchées sur de superbes escarpins, avec des bas couture. La femme est adossée à un muret qui n’est pas droit. Très graphique, j’ai adoré. Les petites phrases de Newton inscrites partout sur les murs vous font sourire. Très belle expo à ne pas manquer !

Hier soir, direction Garnier pour voir la séance de travail de L’Histoire de
Manon.
Je croise H*** dans les couloirs de Garnier qui va faire le script pendant la répétition. Puis je rejoins Aropiens et Aropiennes et là c’est parti pour 10 minutes de
sermon par Ch*** qui infantilise tous les membres de l’association. Je suis jeune et passe encore les réflexions sur le téléphone portable « Ah non mais maintenant les gens ne savent plus se passer de leur téléphone ». Bienvenue au XXI ème siècle madame. Restez chez vous, si toute cette technologie vous écoeure. Mais alors ensuite, « On ne mange pas dans la salle, on ne met pas ses pieds sur les sièges ». Sérieusement ? A croire que les membres de l’Arop sont des sauvages qui abîment l’Opéra qui nuisent à son image. Allons, allons, soyons sérieux. « Et on ne fait pas de photos et on ne publie rien sur internet ». Wahou, alors là on tombe bas. Les photos, ok, normal.  Le reste… Alors attention chut, c’était un ballet très secret, une répétition très secrète… Et on ne dira rien. Vous remarquerez que pour ma discrétion ce commentaire de répétition est noyé au milieu de mes sorties de la semaine. Alors attention, ceci est un commentaire de répétition. J’ai passé un très beau moment, malgré la réorchestration de la musique à laquelle j’adhère peu (oui oui c’étiat une répétition, j’apprécierai mieux lors d’une représentation). Les pas de deux dans la chambre de Des Grieux sont les moments les plus beaux. On a eu la chance de voir la distribution Aurélie Dupont – Josua Hoffalt – Jérémie Bélingard – Muriel Zusperreguy – Aurélien Houette. Mention spéciale à Jérémie Bélingard qui m’a régalée au deuxième acte ! Voilà je n’en dirai pas plus allant voir le spectacle quatre fois j’aurai plein de détails à vous donner.

Aujourd’hui direction le Louvre pour voir la Sainte-Anne de Léonard de Vinci ! Bonne fin de semaine !