Letizia Galloni

Soirée Paul Rigal Millepied Lock

Du 3 au 20 février 2015, le ballet de l’Opéra de Paris présente une soirée mixte avec quatre chorégraphies. Retour sur cette soirée vu à la générale et le 6 février.

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Il va falloir s’habituer aux soirées mixtes pour appréhender la prochaine saison à l’Opéra de Paris. Qu’est-ce qui fait du lien entre les chorégraphes convoqués lors d’une même soirée ? Souvent le style d’écriture, l’époque, l’origine, ou encore un même compositeur. Cette soirée mixte réunit quatre chorégraphes vivants. On ne peut pas dire que ce soit cela qui fasse sens dans la soirée. Néanmoins les pièces se répondent pas par la chorégraphie, mais plutôt par les choix scénographiques. La lumière est travaillée d’une manière particulière dans chaque pièce ; elle crée des espaces pour danser, les referme, cache ou montre les danseurs.

Dans Répliques, la lumière crée des effets de miroir. Elle isole peu à peu les quatre couples et transforme les corps en formes fantômatiques. La pièce de Nicolas Paul est parfaitement construite pour que l’œil du spectateur y voit les mouvements répétés et refletés dans les corps des autres. La pièce m’avait pourtant laissée un souvenir de complexité et de longueur, mais cette fois, sans doute parce que connue, elle m’a au contraire fait l’impression d’une belle lisibilité. Si l’exécution technique est difficile, c’est pour mieux rendre encore cette chorégraphie graphique. Les lignes des corps forment des obliques face au quadrillage de l’espace par les panneaux de mousseline et de la lumière. Dans les deux distributions, on retrouve des danseurs qui ont toutes les qualités pour une telle pièce. Chez les filles, j’ai particulièrement apprécié Letizia Galloni et Ludmila Pagliero. Leurs corps ont une fluidité sans pareille. Quant aux garçons, on admire leur puissance dans les portés et leurs dos dans les contractions du début de la pièce. Seul bémol de la pièce, la musique ; Ligeti n’est pas toujours aisé par son abstraction et ne se mêle pas facilement avec la danse.

Répliques Paul

Brigitte Lefèvre avait invité Paul Rigal à faire une création pour le ballet. Le titre Salut pouvait évoquer de nombreuses choses et me faisait rêver à des instants mystiques. Le rideau s’ouvre sur une scène jaune et un soleil lumineux. La pièce démarre avec une idée amusante : les danseurs saluent le public sur fond sonore d’applaudissements. Les danseurs sont comme des pantins, avec des mouvements très mécaniques. Quelques rires et applaudissements se mêlent au fond sonore qui se transforme peu à peu en musique électronique. De la lumière il y en a chez Rigal, mais le propos reste creux. Les tableaux se succèdent, le soleil change de couleur, le stromboscope nous laisse apercevoir quelques sauts, mais la scénographie ne fait pas tout. Côté chorégraphie, c’est assez pauvre. Les déshabillages et rhabillages semblent durer une éternité ; les courses à l’envers n’ont beaucoup de force dans cette semi-obscurité. Les danseurs semblent noyés dans ce marasme chorégraphique qui ne dit rien et dont l’esthétique est tout même assez vilaine. Le public s’est partagé en bravos et sifflets. Je suis vraiment restée à côté les deux fois.

Salut Rigal

Après l’entracte, on pouvait voir le pas de deux ajouté par Benjamin Millepied à cette soirée. Ecrit pour Aurélie Dupont et Hervé Moreau à l’origine, ce dernier s’étant blessé au bicep, il fut remplacé au pied levé par Marc Moreau. Sur une partition de Philip Glass, le pas de deux chorégraphié par Millepied, spécialiste es Pas de deux, marque par sa fluidité. Les corps s’enchevêtrent, se séparent, se rassemblent. Les deux artistes sont lumineux, c’est sans doute la force de la pièce. C’est joli et bien dansé, mais pas transcendant, ni mémorable.

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La soirée s’achève par la pièce magistrale d’Edouard Lock. Des cercles de lumières apparaissent et disparaissent sur le sol. Dans ces espaces lumineux, une danseuse apparaît, puis deux, puis trois. Habillées de tuniques noires au buste laissant deviner les poitrines, les danseuses débordent de féminité. Les longues jambes se dessinent, les bras rapides tranchent l’espace, les pointes font trembler le sol comme les doigts des deux pianistes sur les touches noires et blanches. Si il y a certes quelques longueurs, la pièce est sans conteste la plus forte de la soirée. Les pas de deux, pas de trois, et les ensembles s’enchaînent. C’est assez hypnotisant. Les hommes se montrent en costume noir et chemise blanche dans des danses pleines de virtuosité. La musique répond à la danse et les deux pianistes s’intègrent dans la chorégraphie. La pièce s’achève sur un pas de deux d’Alice Renavand et Stéphane Bullion majestueux. Les regards, la force de Stéphane Bullion face à la sensualité d’Alice Renavand, c’est tout cela qui prend le spectateur à la fin de ce chemin tracé dans les cercles de lumière. Les pointes vibrent sur le sol, les cheveux d’Alice Renavand se balancent. On est emporté dans ce tourbillon, qui laisse force et fragilité se confronter.

André Auria

Cette soirée mixte ne fonctionne pas très bien malgré une bonne pièce en ouverture et une excellente en fermeture. Au milieu, on oscille entre rejet et indifférence. Dommage car les interprètes ne manquent pourtant pas de personnalités. On attend de les voir dans d’autres pièces plus intéressantes.

Double Casse Noisette

Depuis décembre l’Opéra se partage en deux mondes : celui des elfes et de Naïla à Garnier, et celui de Noël et de Clara à Bastille. Dans la chorégraphie de Ruldoph Noureev, j’ai eu la chance de voir deux distributions, celle de Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio le 3 décembre ; et celle de Léonore Baulac et Germain Louvet le 17 décembre. Retour sur ces deux distributions féeriques.

Les flocons photo IkAubert

Nous avons été plusieurs à ne pas être d’accord avec l’article de Roslyn Sulcas, notamment les Balletonautes, qui en réponse on écrit qu’un Casse Noisette sans sucre est possible. A qui n’a jamais vu une autre version que celle donnée à l’Opéra de Paris, c’est-à-dire celle de Noureev, il faut savoir qu’Outre-Atlantique, Casse Noisette est une espèce de rituel, donnée tous les ans, et dont le 2ème acte est une balade à Confitureburg, sorte de Royaume du sucre où les deux enfants (le Casse-Noisette est devenu un petit garçon) sont conduits à travers divers gourmandises par la Fée Dragée et le Prince d’Orgeat. Pour voir à quoi ressemble celui de Balanchine, c’est par là. Tout est rose, guimauve et sucreries. C’est très mignon, (et superbement chorégraphié) mais c’est écoeurant. Tous les ans, toutes ces sucreries. La musique de Tchaïkovski est déjà pleine de sucre, tout le long du ballet. La version de Noureev est en cela moderne car elle propose une autre lecture du conte, plus psychologique dirons-nous vulgairement. Elle me fait penser à ce fameux ouvrage de Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées. Chez Noureev, nous sommes toujours à Noël, chez les Stahlbaum, entourés d’amis et de leurs enfants. L’oncle Drosselmeyer arrive les bras chargés de cadeaux, dont un particulier pour sa jeune filleule, Clara. Pour elle, pas de poupée, mais un Casse-Noisette. Après quelques chamailleries avec son frère Fritz, Clara s’endort dans le grand fauteuil du salon et commence à rêver. Son salon est envahi par des rats. Elle essaye de s’en défaire, jusqu’à ce que son Casse-Noisette se transforme en chef de guerre et combatte avec une armée de petits soldats. Le roi des rats battu, le prince, qui ressemble étrangement à Drosselmeyer, emmène Clara dans une forêt enneigée. Le cauchemar est loin, le rêve est doux et agréable. Au deuxième acte, les deux amoureux sont sortis de la forêt.Puis Clara retombe dans le cauchemar ; cette fois ce sont des chauve-souris qui envahissent son esprit. Le prince la sauve de nouveau: il ne faut pas avoir peur de ses propres parents. Ils sont dans un décor qui ressemble fort au salon des Stahlbaum. Là, les visions de Clara sont troubles. Elle pose les visages de sa famille sur ces peuples venus du monde entier.  Ils continuent leur tour du monde avant d’arriver au milieu d’un bal digne de Versailles. Clara devient une superbe princesse, accompagné de son prince… Tout ceci n’était donc qu’un rêve, elle se fait réveiller par ses parents, mais suit son parrain Drosselmeyer qui sort de la demeure. Elle s’assoit dans la neige avec dans les yeux ce quelque chose de rêverie qui nous fait comprendre que quelque chose a changé. Noureev s’intéresse au fantasme, à la représentation du monde adulte, aux peurs qui nous habitent. Les personnages sont doubles : pantin/homme, homme/prince, enfant/jeune femme. Les danseurs ne peuvent se satisfaire d’une interprétation facile, puisqu’ils doivent osciller dans ces nuances, dans ces transformations, passant sans cesse du rêve à la réalité. Il y a donc bien deux mondes dans ce Casse-Noisette, celui du salon, celui des adultes, qu’il est parfois difficile d’aimer, et celui de l’imaginaire de Clara, doux et fanstamagorique.

 

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Ce qu’on peut reprocher en revanche au Casse-Noisette de Noureev, c’est sans doute sa difficulté technique. Noureev, c’est 4 pas par temps, c’est des portés qui s’enchaînent, des sauts difficiles et un travail de pointes exigeant. Le pas de deux du 2ème acte est extrêmement difficile, notamment pour le garçon qui doit de surcroît enchaîner avec sa variation. Dans la valse des fleurs, les filles doivent courir au centre, se croiser, aller au sol remonter, se recroiser, courir, se replacer, en peu de temps musicaux. C’est une véritable prouesse technique. Le corps de ballet de l’Opéra de Paris s’en sort à merveille, c’est très en place, et harmonieux.

Côté couple, j’ai passé deux soirées délicieuses. La première avec le couple Gilbert/Ganio, qui sont pour moi les deux Rolls Royce pour ce type de ballet. Je n’ai pas toujours sensible au travail de Mathieu Ganio : techniquement bien entendu, mais artistiquement, il ne me touchait pas. C’est depuis un Onéguine avec Isabelle Ciaravola qu’il me bouleverse complètement. Depuis donc, il me touche, tant dans ses rôles princiers que dans ceux plus dramatiques. Il a sans aucun doute les plus belles lignes de l’Opéra et avec Dorothée Gilbert, c’est le couple parfait. Elle sait parfaitement passer de la petite fille à la princesse. Si vous ne regardez qu’elle au premier acte, tout son jeu est drôle, ses bagarres avec Fritz, son regard tendre pour son parrain, aucun détail n’est oublié. La balade au milieu des flocons est une merveille : la danse, la musique, la neige, le corps de ballet, cela m’emmène dans ce rêve, bien loin de la réalité et cela me plonge dans une émotion non feinte. Au deuxième acte, c’est une leçon de virtuosité. C’est un vrai régal pour les yeux quand on arrive enfin au pas de deux (les divertissements m’ennuient un peu).

Léonore Baulac et Germain Louvet

Ma deuxième soirée ne m’a pas déçue non plus. Léonore Baulac et Germain Louvet, tout juste promus par le concours interne, faisaient leurs preuve dans ce ballet. On peut le dire, ce fut une prise de rôle réussie. L’un et l’autre ont montré de belles qualités. D’abord techniques, les deux jeunes danseurs n’ont pas failli face à la danse de Noureev, puis artistiques. Léonore Baulac a ce quelque chose dans le visage de très enfantin, avec ses petites boucles blondes, qui la rend parfaite pour ce rôle de Clara. Mutine, mais pas mièvre, elle a su montrer qu’elle pouvait donner toutes les couleurs à la palette de ce personnage. Germain Louvet campe un prince gracieux, tout en élégance, avec de belles lignes. C’est un partenaire attentif, qui s’accorde à merveille avec la belle Léonore.

Deux beaux Casse-Noisette, avec juste ce qu’il faut de sucre dans la partition pour donner la larme à l’oeil. N’est-ce pas d’ailleurs Tchaïkovsky qui avait déclaré « qu’il allait composer une musique qui ferait pleurer tout le monde ! »* ? Un merveilleux conte de Noël, qui gagne en charme par sa rareté et son élégance.

In Conversation avec G. Balanchine

 

Danseurs chorégraphes édition 2013

Ce type de soirée devrait être organisée bien plus souvent tant les personnalités des artistes de la compagnie sont intéressantes et singulières. Chacun a montré un langage bien particulier, une atmosphère, un style. Narratifs ou abstraits, les pièces présentées ont ravi les spectateurs.

Saluts danseurs chorégraphes

La soirée s’ouvrait avec Premier Cauchemar de Samuel Murez. Chorégraphe désormais confirmé et reconnu, sa compagnie 3ème étage est de grande qualité. Tout comme l’extrait de cette pièce. Fumée blanche, lumière bleutée, un homme en pyjama, les cheveux ébouriffés se retrouve entouré d’une armée de cols blancs, aux yeux figés, presque sanguinaires. Ils vont le harceler, tel des automates mués par un seul objectif. C’est admirablement réglé, rien n’est laissé au hasard. Les passages de groupes avec les mallettes de travail sont très bien ficelés. Des lignes de danseurs se succèdent avec une utilisation de l’espace inventive. Murez a l’intelligence de la construction des ensembles. On se croirait dans l’apprenti sorcier avec cette oppression des hommes en costumes, mais qui est amusante pour le spectateur. C’est très réussi, trop court, il faudra donc absolument voir la pièce en entier.

Interprètes : Hugo Vigliotti (Le Rêveur / Alfred), et Lydie Vareilhes, Laura Bachman, Léonore Baulac, Leila Dilhac, Claire Gandolfi, Camille de Bellefon, Emma d’Humière, François Alu, Jeremy-Loup Que, Antonio Conforti, Takeru Coste, Niccolo Balossini, Axel Alvarez et Loïc Pireaux (les bureaucrates).

Premier cauchemar

On passe dans un autre registre, complètement différent, et plus abstrait avec Deux à deux du jeune Maxime Thomas. On est ici dans la recherche de la forme. Le couple évolue ensemble. Au début, ils ne se regardent pas. Puis, ces deux êtres vont entrer en osmose. Les formes très rectilignes s’adoucissent sans perdre leur qualité. Les danseurs dansent comme les notes passent d’une ligne à l’autre sur la partition. Cela se complexifie à mesure qu’on avance, sans que le spectateur ne se perde.

Interprètes : Letizia Galioni et Maxime Thomas.

Letizia Galloni, Maxime Thomas dans Deux à deux

En attendant l’année dernière, est une pièce très graphique. Fond rouge, seule l’ombre de Lucie Fenwick apparait. A la fois élégante et imposante, elle déploie ses bras tels des ailes. Les formes se répètent, puis le corps disparaît dans une lumière éblouissante. On vit une belle expérience visuelle. Grégory Gaillard fait ensuite évoluer Lucie Fenwick dans l’espace, toujours avec une répétition des gestes. C’est très doux, presque suave par moment, plein de poésie.

Interprète : Lucie Fenwick.

Kaléidoscope est une pièce « signature ». Allister Madin a construit ce Kaléidoscope en 4 volets, qui lui ressemblent beaucoup. Le 1er tableau avec Fanny Gorse est très beau. Elle, sublime dans ce costume de mousseline noire transparente, bouge, très sensuelle. Les mouvements du tissu font à eux seuls chorégraphie. Les teintes d’Espagne ajoutent du piquant à ce solo enivrant. J’ai beaucoup aimé le dernier volet de cette pièce. Les garçons tenaient une corde blanche tendue, tandis que les filles dansaient à cette corde comme on danse à une barre. Ambiance très sombre, seule la corde étaient éclairée et les jeux de lumières avec les corps des filles plongeaient le spectateur dans une ambiance à nouveau très sensuelle et plein de volupté. On ne peut s’empêcher aussi de penser aux pièces de Decouflé, et à celle qui porte le même nom. Allister Madin travers un univers puis un autre, danse, cirque, jeux de lumières, tout cela se mélange dans une forme nouvelle.

Interprètes : Fanny Gorse, Caroline Osmont, Gwenaëlle Vauthier, Camille de Bellefon, Allister Madin et Hugo Marchand.

Fanny Gorse dans Kaleidoscope

J’ai adoré Smoke Alarm de Julien Meyzindi, surtout pour les mouvements choisis et la matière dans laquelle ils étaient produits. Un homme pyromane se détache de son addiction par amour pour une femme. La danse était très en tension, avec des arabesque qui faisaient office de respiration. Les gestes étaient très dessinés dans l’espace, le pas de deux était très fluide. On sentait beaucoup de travail et de répétitions. Rien n’avait été laissé au hasard, chaque pas était mûrement réfléchi, pour faire sens dans la sortie de la caverne de cet homme fou qui s’assagit par amour. J’ai été transporté par le style de Meyzindi, élégant et princier, comme l’est le danseur.

Interprètes : Alice Renavand et Alexandre Gasse.

Alexandre Gasse dans Smoke Alarm

Encore un changement d’atmosphère Songes du douanier d’Alexandre Carniato et Morgane Dragon. On s’installe dans un tabelau du Douanier Rousseau. Animaux et oiseaux se déplacent dans cet univers. On ne voit que les jambes de Letizia Galloni, transformée en un paon magnifique. Les personnages se font tantôt animaux, tantôt charmants gens du monde discutant en mouvement. Aurélien Houette y est, comme à son habitude troublant, tant il est capable de s’approprier tous les langages. Ce rôle lui donne à nouveau un visage fascinant. Charlotte Ranson est délicieuse, et Carniato prend une allure très animale et juste pour mener cette petite troupe. La pièce porte bien son nom ; ce songe nous balade à travers les couleurs d’un tableau.

Interprètes : Letizia Galloni, Charlotte Ranson, Aurélien Houette et Alexandre Carniato.

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La dernière pièce présentée, Stratégie de l’hippocampe de Simon Valastro,
met en scène une famille avec leur chien. On se croirait dans un film tant les costumes et l’ambiance est bien réalisée. La pièce présente les différents rapports qu’il peut exister dans une famille qu’on ne choisit pas. Beaucoup d’amour peut y naître, beaucoup de désamour aussi. On assiste au repas où les enfants se disputent (Eleonore Guérineau est une petite fille telle qu’on pourrait se l’imaginer dans les livres de la Comtesse de Ségur), au deuil de la mère, incarnée par Eve Grinsztajn, qui s’illustre avec beaucoup de grâce  dans un long solo, très bien écrit qui retrace avec brio, les pensées noires, qui habitent l’esprit de cette femme. Il faut également saluer la prestation de Jean-Baptiste Chavignier

Interprètes : Eve Grinsztajn, Éléonore Guérineau, Alexis Renaud, Hugo Vigliotti et Jean-Baptiste Chavignier.

Stratégie de l'hippocampe

Très jolie soirée, on espère que sous l’ère Millepied ce type de soirée se renouvellera, puisque c’est son souhait de créer un espace de création pour que les artistes puissent exprimer aussi leur idées chorégraphiques. Une belle édition cette année en tous, qui mériterait plus de lumières et de dates. Un seul petit regret, aucune danseuse ne s’est essayé à l’exercice. Peut-être dans deux ans !

Concours interne de l’Opéra femmes 2011

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Ce matin, je cours, je file, mais j’arrive avec un quart d’heure de retard pour les quadrilles. Je rentre discrètement dans ma loge, essoufflée et heureuse d’être là. J’entre dans ma loge, très bien placée, je vois parfaitement la scène.

  • Quadrilles, passage à 10h00

Variation imposée : La Belle au bois Dormant, Noureev, variation du 3ème acte Aurore.

Nombre de poste(s) à pourvoir : 4 postes de coryphées

Classement et promotion :

1. Marine Ganio, promue

2. Juliette Hilaire, promue

3. Lydie Vareilhes, promue

4. Letizia Galloni, promue

5. Jennifer Visocchi

6. Léonore Baulac

 

Les impressions du petit rat : La variation imposée était pour moi difficile, car longue, technique et sans oublier une interprétation qui doit être nuancée tout au long de la variation. Le rythme est changeant avec des sauts qui peuvent couper les jambes. Marion Barbeau a montré une belle technique, sans faire l’impasse sur une interprétation de qualité. Léonore Baulac m’a semblé tendue et crispée, dans cette variation, qui pourtant lui correspond bien. Leila Dihlac était aussi une des plus à l’aise techniquement, avec de belles nuances. Miho Fuhji était toute en délicatesse, avec un travail de bas de jambes
très propre. Letizia Galloni m’a semblé un peu trop sévère en comparaison de l’enthousiasme et de la générosité de Marine Ganio, qui a dominé sa classe. J’ai
découvert la jeune Amélie Joannidès qui m’a fait forte impression, par sa légèreté et son port de tête. Sophia Parcen a quant à elle produit comme tous les ans, une prestation de grande qualité.

S’en suivent les variations libres. Lydie Vareilhes met tout de suite la barre très haut avec un Forsythe impeccable. Très à l’aise, elle a fait le bon choix. On ne peut pas en dire autant de Marion Barbeau qui choisit de nouveau une variation extraite de La Belle au bois dormant. On ne voit donc rien de plus de ses qualités. Les rôles de séductrices, comme Esmeralda ou Carmen, sont trop durs techniquement, et l’interprétation passe souvent à la trappe. C’est bien dommage car les danseuses qui ont fait ce choix sont
souvent solides techniquement. Leila Dihlac  est très aérienne en printemps, tandis que Lucie Fenwick se perd malheureusement avec la musique. Il faut dire que le (ou la) pianiste est absolument désastreux et les mesures qui sautent, ou le rythme qui change est monnaie courante. Marine Ganio me fait la plus forte impression, on peut dire qu’elle ne badine pas avec la danse, mais flotte sur scène. Voilà une première place amplement méritée. Il était temps que cette jeune femme monte de classe, avec autant de talent, de
personnalité et de technique. L’autre danseuse qui m’a beaucoup marquée et que je ne vois pas ressortir du classement est Miho Fuhji. Sa variation des Mirages était
bouleversante et très poétique. Je ne comprends pas qu’elle ne soit pas, au moins, classée. Juliette Hilaire a présenté une variation impeccable, avec une très bonne énergie et un bel enthousiasme.  

Si vous ne me suivez pas sur Twitter, voici le classement que j’avais posté : Miho Fuhji, Marine Ganio, Lydie Vareihles, Sofia Parcen et Joanilles. J’aurais pu rajouter Hilaire
mais je n’avais pas été convaincue par son imposée.

Lydie Vareilhes, 22 ans
Pas/Parts de William Forsythe

Gwenaëlle Vauthier, 30 ans
La Maison de Bernarda
, Mats Ek, Variation de la soeur bossue.

Jennifer Visocchi, 22 ans
Carmen
, Roland Petit, variation de la Taverne

Anémone Arnaud, 28 ans
Bergamasque
, Jean-Guillaume Bart

Marion Barbeau, 20 ans
La Belle au Bois dormant
, Rudolf Noureev d’après Marius Petipa, Acte II vision d’Aurore

Léonore Baulac, 21 ans
Vaslaw
, John Neumeier

Julia Cogan, 19 ans
Suite en Blanc
, Serge Lifar, variation de la flûte.

Emma D’Humières, 19 ans
Grand Pas Classique
, Victor Gsovsky

Leila Dilhac, 29 ans
The Four Seasons
, Jerome Robbins, variation du printemps

Lucie Fenwick, 23 ans
The Four Seasons
, Jerome Robbins, variation de l’automne

Miho Fujhi, 31 ans
Les Mirages
, Serge Lifar, variation de l’ombre

Letizia Galloni, 20 ans
Diane et Actéon
, Agrippina Vaganova

Claire Gandolfi
Paquita
, d’après Marius Petipa, variation de Paquita

Marine Ganio, 23 ans
Magnificat
, John Neumeier, Badinerie

Emilie Hasboun
Notre-Dame de Paris
, Roland Petit, Acte I variation d’Esmeralda

Juliette Hilaire, 22 ans
In the middle, somewhat elevated
, William Forsythe.

Amélie Joannidès, 18 ans
Don Quichotte,
Rudolf Noureev d’après Marius Petipa, Acte II, scène de la Vision, Kitri/Dulcinée

Lucie Mateci, 29 ans
Giselle
, Mats Ek, Acte II, variation de Giselle

Sophie Mayoux, 19 ans
Suite en Blanc
, Serge Lifar, La sérénade

Sofia Parcen, 32 ans
Notre-Dame de Paris
, Roland Petit, Acte I variation d’Esmeralda

Ninon Raux, 28 ans
Giselle
, Mats Ek, acte I variation de Giselle

 

  • Coryphées passage à 13h30

Variation imposée : Apollon, Balanchine, variation de Polymnie

Nombre de poste(s) à pourvoir : 3 postes de sujets

Classement et promotion :

1. Silvia Saint-Martin, promue

2. Lucie Clément, promue

3. Caroline Robert, promue

4. Eléonore Guérineau

5. Charlotte Ranson

6. Aubane Philbert

 

Les impressions du petit rat : La variation imposée était courte, ce qui est plutôt agréable en concours, quand on la voit plusieurs fois de suite. Balanchine est toujours un exercice difficile, les danseurs de l’Opéra étant souvent mal formés à ce style si particulier. Outre la difficulté technique, la danseuse doit danser avec un doigt levé pendant toute la variation. Si pour certaines, cela ne pose pas problème, pour d’autre elles sont embarrassées d’avoir ce coude plié et ce doigt levé. Eléonore Guérineau est celle qui ressort de toute évidence. Au-dessus de toutes ses camarades techniquement, elle propose une interprétation très personnelle, qui montre sa compréhension du rôle. Sylvia Saint-Martin est ensuite celle qui s’impose. Son travail est très propre, elle s’est parfaitement appropriée le style balanchinien. Ce n’est pas tellement le cas de Charlotte Ranson, qui malgré quelques appuis fragiles, fait une prestation honorable. Fanny Gorse me semble bien en dessous de son niveau, surtout quand je repense à ce qu’elle avait proposé l’an passé. Laurène Lévy fait quelques petites erreurs techniques mais son interprétation est remarquable. Aubane Philbert propose quant à elle quelque chose de très propre, mais il manque un petit quelque chose, comme si elle n’osait pas prendre un risque. Lucie Clément danse de façon inégale, si le début est prenant, la fin se délite peu à peu.

Pour les variations libres, une fois encore Eléonore Guérineau est au dessus du lot. Il n’y a rien à redire sur son passage qui m’a laissée sans voix. Sylvia Saint-Martin donne le bon ton à son Esmeralda. Elle dose la séduction et le mystère avec intelligence et mis à part, une erreur technique, le reste est impeccable. Pauline Verdusen est une jolie ballerine mais elle manque de brillance, de surprise. Lucie Clément choisit l’humour de Béjart pour séduire le public et cela marche plutôt bien, on en oublie les approximations techniques face à son interprétation juste. Je ne suis pas convaincue par la Nikiya de Laure-Adélaïde Boucaud, je n’adhère pas à cette tristesse faussement jouée. Laurène Lévy use d’un large sourire et de son enthousiasme pour mettre un brin de légèreté dans cette compétition tendue. Aubane Philbert s’est choisi une variation trop difficile, même si elle s’en sort plutôt bien, je ne crois pas que cela mette toutes ses belles qualités en valeur. Charlotte Ranson à l’inverse s’est pris le rôle sur mesure, mais rencontre quelques difficultés. Fanny Gorse semble de nouveau tendue, on voit ses qualités mais c’est parfois un peu raide.

Je ne suis pas d’accord avec le classement. Si Saint-Martin mérite de passer, Guérineau devrait être première. Laurène Lévy n’est même pas classée, alors que Caroline Robert m’a laissé de marbre lors de ses deux passages.

Mon classement sur Twitter : Guérineau, Saint-Martin, Lévy, Ranson, Gorse

Silvia Saint-Martin, 20 ans
Notre-Dame de Paris
, Roland Petit, Acte I variation d’Esmeralda

Pauline Verdusen, 28 ans
Les enfants du Paradis
, José Martinez, variation de la Ballerine

Laure-Adélaïde Boucaud, 22 ans
La Bayadère
, Rudolf Noureev d’après Marius Petipa, Acte II,variation de Nikiya

Lucie Clément, 36 ans
AREPO
, Maurice Béjart

Fanny Gorse, 23 ans
Suite en Blanc
, Serge Lifar, variation de La Sérénade.

Eléonore Guérineau, 23 ans
Diane et Actéon
, Agrippina Vaganova

Laurène Levy, 26 ans
The Four Seasons
, Jerome Robbins, variation du printemps

Aubane Philbert, 22 ans
Raymonda
, Rudolf Noureev d’après Marius Petipa, Acte II,variation d’Henriette

Charlotte Ranson, 26 ans
Roméo et Juliette,
Rudolf Noureev, Acte I variation du bal

Caroline Robert, 29 ans
Carmen
, Roland Petit, variation de la chambre.

  • Sujets, passage à 15h10

Variation imposée : Suite en Blanc, Serge Lifar, variation de la cigarette

Nombre de poste(s) à pourvoir : 1 poste de première danseuse

Classement et promotion :

1. Alice Renavand, promue

2. Amandine Albisson

3. Héloïse Bourdon

4. Aurélia Bellet

5. Charline Giezendanner

6. Laura Hecquet

 

Les impressions du petit rat : La classe des sujets, si attendue, celle qui dont on n’avait pas réussi à départager les candidates l’an passé. Cette année, on voulait une première danseuse ! Et je vous le dis tout de suite je suis ravie! J’adore Alice Renavand, je trouve que c’est une superbe artiste. On peut dire ce que l’on veut, dire que son compagnon était dans le jury, pour moi c’est elle qui s’impose avec évidence. Tant dans l’imposée, que dans sa libre, elle a calmé toutes les mauvaises langues qui disaient que c’était seulement une danseuse contemporaine. Sa Kitri était impeccable et le public a eu le souffle coupé. Faire la diagonale des pirouettes avec des cinquièmes impeccables, ne jamais lâcher son personnage espagnol, vraiment ce fut un beau final !

Ce sentiment de joie s’est assombri à la vue du classement. En effet, deux grosses incompréhensions. Si pour moi Renavand s’imposait, deux danseuses ont proposé quelque chose de très personnel, d’engagé, de techniquement impeccable et manquent à l’appel : Sarah Kora Dayanova et Mathilde Froustey. Kora a proposé une cigarette avec beaucoup de personnalité, pleine de nuances. Elle dansait comme au milieu d’un nuage de fumée agréable. Mathilde quant à elle était très affirmée et engagée dans sa danse. Elle impose son style. Si on peut penser que cette dernière a fait un mauvais choix pour sa variation libre (on l’a trop vue dans cette variation, c’est un choix facile), pour Dayanova, c’est l’incompréhension. Sa Carmen est sensuelle, mutine et dominatrice. Elle tape des pieds avec rythme et danse avec caractère. Quand à la danse, il n’y a rien à ajouter. La jeune ballerine avait déjà eu la malchance de n’être nommée dans aucun rôle depuis la rentrée (contrairement à la majorité des sujets), voilà que son talent et son travail ne sont pas récompensés.

Héloïse Bourdon a fait beaucoup de petites erreurs dans la variation imposée, comme si elle bégayait des pieds. Je n’ai pas adhéré à son interprétation de l’Ombre, je lui ai
préféré celle de Valentine Colasante. Charline Giezendanner propose dans ses deux variations quelque chose d’honorable mais parfois un peu trop scolaire. Elle ne
m’a mise aucune claque dans Raymonda, et on aurait aimé qu’elle prenne plus de risque. Laura Hecquet danse toujours avec autant de propreté mais je ne suis pas touchée et par son choix de libre, et par l’interprétation qu’elle propose. Amandine Albisson est une danseuse que j’apprécie beaucoup, mais je trouve qu’aujourdhui elle est en dessous de son niveau. J’ai l’impression que le stress a eu raison d’elle.

En résumé une première place méritée, mais la suite est un incompréhension totale. Je sais bien que les notes ne sont pas attribuées que par les prestations au concours, mais
tout de même ! je porte des lunettes, mais je crois que certains membres du jury auraient mieux fait d’en porter aujourd’hui…

Mon classement sur Twitter : Renavand, Dayanova, Froustey, Hecquet, Albisson.

Amandine Albisson, 22 ans
Carmen
, Roland Petit, variation de la Taverne

Aurélia Bellet, 31 ans
Notre-Dame de Paris
, Roland Petit, Acte I variation d’Esmeralda

Marie-Solène Boulet, 34 ans
Other Dances,
Jerome Robbins, 2ème variation

Héloïse Bourdon, 20 ans
Les Mirages
, Serge Lifar, variation de l’ombre

Valentine Colasante, 22 ans
Les Mirages
, Serge Lifar, variation de l’ombre

Sarah Kora Dayanova, 27 ans
Carmen
, Roland Petit, variation de la chambre.

Mathilde Froustey, 26 ans
Delibes Suite
, José Martinez

Charline Giezendanner, 27 ans
Raymonda
, Rudolf Noureev d’après Marius Petipa, Acte variation de Raymonda

Laura Hecquet
Other Dances,
Jerome Robbins, 1ère variation

Sabrina Mallem, 31 ans
Notre-Dame de Paris
, Roland Petit, Acte I variation d’Esmeralda

Alice Renavand, 31 ans
Don Quichotte
, Rudolf Noureev d’après Marius Petipa, Acte I, 2ème variation de Kitri

Allez demain place aux garçons ! Bonne chance et bonne nuit à tous !

Folle soirée Mats Ek

© Julien Benhamou

 Avant la reprise du boulot quoi de mieux que de s’offrir une petite soirée Mats Ek? Eh bien rien c’est pourquoi vers 17h30 je suis allée faire la queue pour obtenir une place de fond de loge au deuxième étage qui a finit par se solder par une loge de face pour la deuxième partie, à deux pas de JR que j’ai loupé.

J’ai passé une soirée délicieuse, pleine de sourires, complètement emportée par l’univers de Mats Ek. Ce que j’ai le plus apprécié c’est sa façon de dessiner des lignes avec les jambes. Il les brise aussi souvent dans des attitudes secondes assez belles et définies dans l’espace. Mats Ek utilise beaucoup de chorégraphies circulaires. Ainsi dans La Maison de Bernarda les sœurs commencent par former un cercle à l’enterrement de leur père. C’est l’enfer de ce tourbillon qui une fois déroulé les conduits à porter le voile noir pour rentrer et s’enfermer pour porter le deuil 8 ans. La chorégraphie est circulaire quand elle marque l’ennui quotidien de ces femmes. On le constate dans la fabuleuse scène du repas où elles vomissent leurs prières pour se goinfrer et se laisser remplir de nourritures terrestres bien plus silencieuses. La servante incarnée par une
Alice Renavand absolument divine, fais le tour de la table pour nourrir ces bouches affamées par l’ennui et le deuil. On retrouve aussi cela dans la variation avec le fauteuil. Sorte de chaises musicales quelques peu désespérantes elles tournent autour de ce fauteuil où s’est assis l’homme qui va épouser leur sœur aînée. Tout fait sens dans la chorégraphie de Mats Ek tant les lignes sont précises qu’elles soient mises en forme par un danseur ou bien par le groupe entier. Quand la mère est présente sur scène c’est au contraire vers elle que sont faits tous les mouvements. Kader Bélarbi est une Bernarda autoritaire par sa présence seule sur scène. Aucune douceur dans ses mouvements envers ses filles, encore moins pour la servante.  Alice  Renavand est comme à son habitude, une interprète juste avec une rigueur technique. Face à Bernarda elle sait faire preuve de discrétion mais aussi de malice quand il s’agit de lui faire un pied de nez. Elle
est elle aussi une femme prisonnière de cette maison et devient une sœur parmi les autres quand il s’agit de marquer l’ennui comme dans la scène avec le fauteuil.

 La variation de la sœur bossue, interprétée par Laure Muret, est touchante, tant la détresse et la folie qui touche la jeune femme se gravent dans la chorégraphie, et dans cette solitude qui l’écarte des autres sœurs. Elle a beau sentir le foulard du jeune
homme, jamais un homme ne s’intéressera à cette jeune femme bossue.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 J’ai adoré le duo dans la chambre entre Audric Bézard et Eleonora Abbagnato. Les deux amants se retrouvent pour une dernière nuit. Mats Ek nous propose une nuit très sensuelle, très charnelle. Abbagnato parvient à incarner à la fois l’amour charnel et passionnel qui la lie à cet homme, toujours aussi légère et à la fois poignante, elle donne à la scène une spiritualité qui traduit le désespoir de cette jeune femme. L’homme semble moins coincé dans son costume, il montre à cette jeune femme tout son désir.
Audric Bézard est très bien ans ce rôle de mâle dominant, qui met en valeur sa danse et sa virilité. Le couple avec Abbagnato fonctionne très bien. Je suis très touchée par ce passage d’amour, qui marque une pause dans la rudesse et l’austérité de la maison.

LPH0892066 © Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 Le suicide final de la sœur n’est pas une fin tragique comme on
pourrait le voir dans d’autres pièces. La mère se fiche de cette impertinente, qui la défier à plusieurs reprises. Elle avait rompu le deuil en portant une robe fleurie, flirte avec le futur mari de sa sœur, Bernarda la jette sous un tapis comme un vulgaire animal mort qu’on trouverait sur le bord de la route. Cette femme a une absolue maîtrise de tout, et le fait d’avoir donné le rôle à un homme renforce ce manque de douceur. Le seul moment où elle se laisse aller est sa variation où elle danse avec un Christ. J’ai beaucoup aimé cette variation, tout d’abord la musique espagnole, très douce vient atténuer le caractère si dur de cette mère. Elle se met à nu pour danser, pour avoir elle aussi un moment de calme. Kader Bélarbi est très touchant dans cette variation, il lâche son visage et sa danse qui devient liée, souple, une peu plus remplie d’humanité.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

La Maison de Bernarda mêle problématiques actuelles, et anciennes,
sur les femmes, sur le deuil, sur le mariage (faut il préférer la raison à l’amour?), sur le suicide. Mats Ek s’approprie la pièce sans en dénaturer l’essentiel. Il suit bien le texte, choque certains, en interpellent d’autres, fait rire, bref c’est une pièce très riche qui mérite une attention particulière tant la lecture peut se faire à plusieurs niveaux.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 Une fois replacée, je peux rester bouche bée devant la deuxième pièce A sort of…C’est donc une sorte de délire, une sorte de rêve, une sorte de voyage, une sorte de petite parenthèse de bonheur. Les personnages évoluent dans une scène en mouvement. Au premier plan sur la fosse d’orchestre, Nolwenn Daniel et Nicolas Le Riche, forme un couple où l’on bouscule les codes de la féminité et de la virilité. Ce premier duo surprenant et réjouissant, où l’on se lave en se frottant avec une chaussure, on met sa femme dans une valise. Nicolas Le Riche toujours aussi impressionnant dans chacun de ses mouvements et expressions. Nolwenn Daniel se montre très élégante dans ses lignes.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

Le premier mur se lève, et c’est un deuxième mur bleu turquoise cette fois-ci qui apparaît. Derrière le mur, on joue avec des ballons de toutes les couleurs. On les fait péter. On fait croire qu’on est enceinte jusqu’à ce qu’on nous plante une aiguille et hop ça disparaît. On a des gros seins, ou des grosses fesses ou des grosses testicules. Tout cela n’est qu’un jeu. On se balade dans un décor imaginaire. Les personnages ont une identité sans en avoir une. Le mur turquoise bouge pour fournir une diagonale qui modifie encore l’espace. Comme dans un rêve où l’on passe d’un endroit à un autre, où les personnes que l’on connaît n’ont pas leur apparence, dans ce ballet, c’est exactement cela. Ça saute beaucoup, de façon assez impressionnante. Les danseurs se figent aussi puis repartent.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 Le mur explose enfin la scène est ouverte au maximum ce qui donne une perspective assez folle. La musique est de plus en plus entraînante. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la musique qui unifie ce tout un peu fou. Parmi les interprètes, je les ai trouvé tous bien, particulièrement Aurélien Houette et Letizia Galloni. J’ai aimé la
chorégraphie où l’on retrouve ces lignes si belles, ces sauts suspendus, de beaux pliés. On fait une boucle puisque l’on revient à la scène du début. Très réussi, très drôle, une bulle de fraîcheur.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

  • Distribution du 25 avril 2011 19h30

La Maison de Bernarda

Bernarda Kader Belarbi
La Servante Alice Renavand
La Soeur Ainee Mélanie Hurel
Hunchback Laure Muret
La Jeune Soeur Eleonora Abbagnato
1ère Jumelle Béatrice Martel
2ème Jumelle Christine Peltzer
Un Homme Audric Bezard
Un Technicien Andrey Klemm

A Sort of…

1er Pas de deux Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche
2ème Pas de deux Miteki Kudo, Benjamin Pech
Grey coat Caroline Bance
Swimming pans Nicolas Paul

 

La Maison de Bernarda

Ballet en un Acte
D’après la pièce de Federico Garcia Lorca

Johann Sebastian Bach Musique
et musiques traditionnelles espagnoles
Mats Ek Chorégraphie
Marie-Louise Ekman Décors et costumes
Jörgen Jansson

 

 

A Sort Of…

Lumières

 

 

Henryk Gorecki Musique
Mats Ek  Chorégraphie
Maria Geber Décors et costumes
Ellen Ruge Lumières

 

  • Bonus vidéo