L’après midi d’un faune

Nouvelles de 2013 n°12

Retour de l’activité sur le blog après quelques semaines de pause. Pause sur le blog, ne veut pas dire pause sans danse. J’ai assisté à la représentation du Gala des écoles. Ce fut une belle soirée, l’occasion de découvrir la vitalité et l’énergie de toutes ces jeunes danseurs venus du monde entier. Les écoles du monde entier ont eu le privilège et l’honneur de défiler toutes ensemble, c’était vraiment un très beau moment.

Jeunes danseurs dans le petit foyer de la danse

J’ai aussi assisté à la rencontre avec Damien Jalet, qui était toujours aussi intéressant qu’à la répétition publique (clic). Un peu décevant cependant de ne pas avoir entendu Sidi Larbi Cherkaoui sur cette création, il aurait été intéressant de confronter leurs approches et d’en savoir un peu plus sur leur façon de créer à deux. La même semaine, la rencontre avec Marina Abramovic était tout à fait passionnante, même si elle n’avait rien à voir avec son travail qu’elle a fait pour le Boléro. Elle nous a présenté son nouveau projet et a lancé son site internet, clic. La fin de semaine m’avait permis de découvrir une première séance de travail de la soirée mixte. La soirée est très bien équilibré. Les deux Faunes sont un diptyque fascinant. L’oiseau de feu de Béjart avait fait l’objet d’un mauvais procès dans mes souvenirs. J’ai redécouvert cette pièce avec beaucoup de plaisir et je l’ai appréciée je pense, un peu plus à sa juste valeur. Quant au Boléro Cherkaoui/Jalet/Abramovic, j’ai été envoûtée par la scénographie fascinante, les lumières, la chorégraphie tournante. On est presque frustré de ne pas avoir plus yeux pour tout voir car les images sont multiples et se démultiplient sans cesse. Il était bien difficile de prendre des places pour cette soirée et je la découvrirai à la dernière le 3 juin.

Boléro Cherkaoui Jalet

J’ai revu Le petit chaperon rouge de Joël Pommerat à la Maison des Métallos, avec beaucoup de plaisir. J’ai aussi fait un visionnage d’une bonne partie de l’intégrale de Jacques Demy, j’irai bientôt voir l’expo à la cinémathèque.

Je suis allée faire un tour dans l’Allier et j’en ai profité pour découvrir le CNCS. Pour le moment, le musée ne se consacre qu’à des expositions temporaires. Costumer le pouvoir portait sur les différents costumes que l’on put retrouver dans les films, opéras qui représentent les personnages qui ont le pouvoir. On découvre les costumes des Adieux à la reine, de Jeanne d’Arc, de Vatel, d’Atys, etc. Tous plus somptueux les uns que les autres, c’est un spectacle presque vivant de voir ces costumes mis en valeur avec une très belle scénographie.

Costume de la reine dans le Lac des cygnes de Bourmeister

Pour réaliser que nous sommes bien au printemps, j’ai pris la direction de Giverny pour revoir la maison de Monet. A cette saison toutes les tulipes sont magnifiques, les parterres de fleurs sont une orgie pour les yeux. Les touristes sont peu nombreux et on peut déambuler à l’infini le long des allées fleuries ou au bord des nymphéas tant aimés du peintre. La balade fut aussi l’occasion de voir l’exposition Signac. Le peintre fasciné par Seurat, commence lui aussi à entrer dans le pointillisme pour ne plus en découdre. L’exposition est bien pensée, les techniques de Signac et ses aspirations sont bien expliquées.

Maison de Claude Monet

Le printemps boudant toujours la capitale, j’ai fait un week-end 100% expositions. Les parisiens étant en week-end, l’exposition Keith Haring paraissait presque vide. Des bâches en vinyle aux dessins dans le métro, on navigue à travers les différents engagements du peintre. Son trait reste le même et sert chaque conviction. Très prolifique, l’exposition retrace l’esprit bouillonnant de ce peintre. Il suffit de quelques mètres pour se retrouver dans le Palais de Tokyo, et voir l’exposition Julio Le Parc. Art cinétique, une autre manière de percevoir le mouvement. On a envie d’aller plus loin, alors vite on va découvrir l’expo Dynamo au Grand Palais. Un peu trop grande mais fascinante, on erre dans des labyrinthe déroutants, où les repères sont brouillés. Épileptiques s’abstenir mais pour les autres, c’est à la fois déroutant, régressif et très jouissif. A noter, la saison est ouverte pour les cartes Sésame.

  •  Les sorties de la semaine

Anna Teresa de Keersmaecker s’invite au Théâtre de la Ville avec deux spectacles. Cette semaine, juste pour quelques jours, il faut découvrir Elena’s Aria. Cette pièce est une des premières où ATDK a travaillé sur le silence. Oubliez Rain et sa musique répétitive, plongez dans un univers mystique faite de grandes voix auxquelles les corps se suspendent. Dansé par 4 femmes, la pièce est une réflexion sur le silence et la pause, en danse comme en musique.
Plus d’infos et réservations, clic

Elena's Aria (c) Herman Sorgeloos

Bien entendu vous pouvez toujours aller voir la soirée mixte à Garnier et découvrir le Boléro de Cherkaoui/Jalet/Abramovic. Les articles parleront sans doute mieux que moi de ce spectacle :

The Financial Times, Laura Cappelle, clic
Le Monde, Rosita Boisseau, Le Boléro en pleine transe cosmique, clic
Culturebox, L’opéra Garnier pris dans la transe du Boléro, clic
JOL presse, MArina Abramovic revisite le Boléro, clic
La dépêche, Un Boléro irrésistible, clic
Paris Match, Philippe Noisette, Marina Abramovic enflamme le Boléro, clic

MAG dans Le Boléro photo d'agathe Poupeney

  • En vrac

La saison 13 14 du Théâtre du Rond Point est en ligne, clic. A ne pas manquer, Dada Masilo, Golgota de Bartabas, Pippo Delbono, Aurélien Bory et Pierre Rigal, entre autres. Regardez bien la saison, d’autant que les places au Rond-Point sont vraiment abordables.

ITW de Ludmila Pagliero dans Grazia, clic

Un livre sur Eleonora Abbagnato est sorti et est en vente à la Boutique de l’Opéra de Paris, clic

En mai sur Mezzo retrouvez un programme spécial Sacre du printemps avec ceux de Béjart, Nijinsky, Gallotta, Scholz, Delente.

Revoir l’émission Architecture sur ARTE consacré au Palais Garnier, clic

Réécouter Radio Vinyle sur France Inter Avec Blanca Li, clic

  • La vidéo de la semaine

Hommage aux ballets russes à l’Opéra de Paris

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Marcel Schneider me racontait souvent autour d’un bon repas et d’un bon vin dans sa maison de campagne l’impression qu’il avait eue et l’émotion ressentie la première fois qu’il avait vu les ballets russes de Diaghliev à Paris.

« J’ai été conquis par cette forme d’art {la danse} en 1929, au cours de ma seizième année, quand un instinct divinatoire m’incita à m’inscrire pour la saison des Ballets Russes. Personne ne savait alors que ce serait la dernière. Le sort me favorisa : j’assistai à la création du Fils Prodigue, musique de Prokofiev, décors et costumes de Rouault, chorégraphie de Balanchine. Ces trois artistes m’étaient inconnus : je fis leur découverte avec émerveillement. » L’esprit du ballet, introduction page 9.

J’avais toujours été intriguée par les mots de Marcel, et surtout par son regard, dans lequel l’émerveillement ne l’avait pas quitté. Une étoile brillait toujours dans le fond de ses yeux, quand il parlait de Diaghilev, de Nijinsky, d’Ida Rubinstein. Toute sa passion pour la danse part de là.Ce que j’ai retrouvé hier soir c’est la découverte émerveillée dont me parlait Marcel. il y a quelque chose d’inattendu dans ces ballets russes. Ce qui m’a frappé dans toutes les pièces, c’est la modernité. Modernité chorégraphique, modernité dans les choix musicaux, modernité des décors et des costumes. Ensuite c’est ce travail commun entre chorégraphes, scénographes, musiciens, peintres, et autres artistes qui collaborent dans cette recherche de création. Parlons en donc de ces merveilles.

Mon coup de cœur va pour l’Après midi d’un faune de Nijinsky. Considéré comme fou, Nijinsky présente dans cette pièce tout son génie et son non académisme. Jugé scandaleux la première fois qu’il fut montré, aujourd’hui il continue d’interloquer les spectateurs. Les spectateurs de ma loge, apparemment novices, semblent choqués, vu leurs commentaires. Pour eux, ce n’est pas de la danse. Or pour moi tout est là. Ces gestes qu’a inventés Nijinsky sont merveilleux. Ils sont chorégraphiés au millimètre près. La justesse de la scénographie, véritable démonstration géométrique, éblouit le regard. La douceur du mythe russe nous enchante grâce à la musique de Debussy. C’est là le grand génie de cette pièce. Elle parvient avec peu de choses à nous replonger
dans des histoires merveilleuses ; petit à petit se bâtit dans notre imagination un univers fantasmagorique alimenté en permanence par l’apparition des nymphes, les sauts du faune et cette danse du voile dans laquelle la séduction paraît sans limite. A mon sens, l’après midi d’un faune est un des plus grands ballets du XXème siècle. Le génie de Nijinsky que l’on aperçoit ici, se déploie entièrement dans le Sacre du Printemps (pour ceux qui ont eu la chance de le voir à Bordeaux, sous la direction de Charles Jude).

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Le Tricorne est l’exemple le plus frappant de la collaboration entre artistes. Ici, c’est Pablo Picasso qui a été mis au travail pour la création. Il a réalisé les décors et les
costumes, qui sont sublimes, éclatants de couleurs et de formes. Là encore, le génie russe est à l’œuvre. L’œuvre est totalement hispanique, costumes, décors, musique (par un compositeur hispanique (Manuel de Falla) mais bien sûr chorégraphie. Ceux qui attendent les pointes et les tutus peuvent rentrer chez eux. On est sur une place d’un village en Espagne et les gens dansent, claquent des doigts, tapent dans les tambourins. Nous sommes passés le temps d’un précipité,  de la taïga mystérieuse à un petit port le long de la Méditerranée. Quel spectacle avec José Martinez qui contribue au voyage!

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Le Spectre de la rose est un exercice réussi. Je dis exercice, car cela représente pour moi un exercice de base (qui n’en pas pas pour autant aisé) en matière de chorégraphie. Prendre un poème, et délabyrinther les mots pour en faire des gestes. Inventer ce langage corporel pour traduire les mots de Théophile Gautier. L’atmosphère du poème est habilement retranscrite et présente la même douceur.

« Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir. »

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Le spectacle se clôt dans une ambiance russe. Le titre est déjà l’objet de l’exotisme et du voyage vers ce grand pays. Petrouchka est un drame qui touche chacun. Un pantin,
malheureux à cause de son humanisation par un grand sorcier et de son amour non partagée pour une poupée russe, nous touche et nous émeut jusqu’à la dernière minute. Petrouchka mélancolique rêve d’une vie meilleure où il s’échapperait de cette boîte avec sa jolie poupée, laquelle ne pense pas à Petrouchka mais qui est totalement éprise du Maure. Petrouchka est battu, humilié. Le pantin de chiffon a le coeur qui saigne. Il est par son amour et sa passion devenu plus humain, tellement humain qu’il en meurt. Le sorcier se croît tiré d’affaire, ce n’est qu’un pantin de chiffon, mais non, l’âme de Petrouchka est là et hante cet ensorceleur de poupée. L’amour de ce pantin est sans limite est flotte sur les décors, sur les visages et dans toute la salle du Palais Garnier. Petrouchka a quelque chose de magique, nous sommes aussi des pantins ensorcelés qui, absorbés par le spectacle tragique, sommes confrontés à une réalité bien morose au tomber
du rideau. Que dire de la prestation de Nicolas Le Riche… rien une fois de plus parfait. Le masque de Petrouchka reste sur son visage même pendant le salut, il doit être bien difficile de sortir de ce rôle très touchant.

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A NE PAS MANQUER!! RETRANSMISSION LE VENDREDI
1ER JANVIER À 13H50 SUR FRANCE 3

  • Revue de presse sur le net


Article du Point

Article de culture.fr

Article du Figaroscope à propos de la soirée de gala du 16
décembre

Article du Figaroscope à propos de l’exposition sur les ballets russes

Critique d’evene.fr

  • Et dans les kiosques

Hors Série DANSER sur les Ballets russes

Connaissances des arts sur les ballets russes

  • Quelques vidéos disponibles sur le net

Noureev dans l’Après Midi d’un faune.

Le spectre de la rose dansé par Margot Fonteyn et Barishnikov

Petrouchka avec Monique Loudières

  • Distribution du 20 décembre 2009
Spectre de la Rose (Le)
LE SPECTRE Emmanuel Thibault
LA JEUNE FILLE Clairemarie Osta
Après midi d’un faune (L’)
LE FAUNE Jérémie Belingard
LA NYMPHE Amandine Albisson (changement dernière minute à place d’Émilie Cozette)
Tricorne (Le)
LE MEUNIER Jose Martinez
LA FEMME DU MEUNIER Stéphanie Romberg
Petrouchka
PETROUCHKA Nicolas Le Riche
LA POUPEE Eve Grinsztajn
LE MAURE Stéphane Bullion
LE CHARLATAN Michaël Denard