L’anatomie de la sensation

Nouvelles de la semaine du 4 juillet

anatomie0144_3610e6.jpg

L’anatomie de la sensation Wayne Mc Gregor ©Agathe Poupeney /PhotoScene.fr

Ouf le petit rat est en vacances et va enfin pouvoir rattraper son retard d’écriture. Au mois de juin, vous l’avez sans doute constaté je n’ai pas été très productive. Mes chroniques sont écrites mais dans mes jolis petits carnets et il faut donc que je les tape. Cette semaine, il va y avoir une pluie d’articles! Comptes rendus des répétitions des Enfants du Paradis, conférence avec Wayne Mac Gregor, compte rendus de la première des Enfants du Paradis, de la première de L’anatomie de la Sensation, mes lectures, bref il y a du boulot !

  • La sortie ballet de la semaine : Les étés de la danse au Châtelet

Cette année c’est le Miami City Ballet qui vient avec un programme très américain et très alléchant. Pour le moment je vais à la générale demain soir et à la première mercredi. 17
représentations, 17 programmes. A vous de piocher et de vous régaler.

Mercredi 6 juillet
à 20h
Soirée d’ouverture
en hommage
à George Balanchine
et Jerome Robbins
Symphony in Three Movements
(Balanchine-Stravinsky
Afternoon of a Faun
(Robbins-Debussy
Tarantella
 (Balanchine-Gottschalk
Ballet Imperial
 (Balanchine-Tchaikovski)
Jeudi 7 juillet
à 20h
Square Dance
(Balanchine-Corelli/Vivaldi
La Valse
 (Balanchine – Ravel
In the Upper Room
 (Tharp – Glass)
Vendredi 8 juillet
à 12h
Cours en public
Vendredi 8 juillet
à 20h
Square Dance
(Balanchine-Corelli/Vivaldi
La Valse
 (Balanchine-Ravel)
Symphony in Three Movements
(Balanchine-Stravinsky)
Samedi 9 juillet
à 15h
Symphony in Three Movements
(Balanchine-Stravinsky
Afternoon of a Faun

(Robbins-Debussy
Liturgy 
(Wheeldon-Pärt
Ballet Imperial
 (Balanchine-Tchaikovski)
Samedi 9 juillet
à 20h
Square Dance
(Balanchine-Corelli/Vivaldi)
The Four Temperaments/Les Quatre Tempéraments
(Balanchine-Hindemith
In the Upper
 Room (Tharp-Glass)
Dimanche 10 juillet
à partir de 12h
Projection de films 

Mardi 12 juillet
à 20h
The Four Temperaments/Les Quatre Tempéraments
(Balanchine-Hindemith
Promethean Fire 
(Taylor-Bach
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski)
Mercredi 13 juillet
à 20h
The Four Temperaments/Les Quatre Tempéraments (Balanchine-Hindemith)
La Valse (Balanchine-Ravel)
Western Symphony (Balanchine-Kay)
Jeudi 14 juillet
à 20h
La Valse (Balanchine-Ravel)
In the Night (Robbins-Chopin
Symphony in Three Movements
(Balanchine-Stravinsky)
Vendredi 15 juillet
à 12h
Cours en public
Vendredi 15 juillet
à 20h
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski
Promethean Fire 
(Taylor-Bach
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn)
Samedi 16 juillet
à 15h
Square Dance
(Balanchine-Corelli/Vivaldi
In the Night
 (Robbins-Chopin
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski)
Samedi 16 juillet
à 20h
The Four Temperaments/Les Quatre Tempéraments (Balanchine-Hindemith)
Promethean Fire (Taylor-Bach
Western Symphony
 (Balanchine-Kay)
Dimanche 17 juillet
à partir de 12h
Projection de films
Mardi 19 juillet
à 20h
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn
Afternoon of a Faun
 (Robbins-Debussy)
Liturgy (Wheeldon-Pärt)
Ballet Imperial (Balanchine-Tchaikovski)
Mercredi 20 juillet
à 20h
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski
Promethean Fire
 (Taylor-Bach
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn)
Jeudi 21 juillet
à 20h
Theme and Variations
(Balanchine-Tchaikovski)
In the Night (Robbins-Chopin)
In the Upper Room (Tharp-Glass)
Vendredi 22 juillet
à 12h
Cours en public
Vendredi 22 juillet
à 20h
Western Symphony (Balanchine-Kay
In the Night
 (Robbins-Chopin
In the Upper Room
 (Tharp-Glass)
Samedi 23 juillet
à 15h
Western Symphony (Balanchine-Kay
Afternoon of a Faun

(Robbins-Debussy
Liturgy
 (Wheeldon-Pärt
Nine Sinatra Songs
(Tharp-Arlen/Mercer/Cahn)
Samedi 23 juillet
à 20h
Square Dance
(Balanchine-Corelli/Vivaldi) 
Afternoon of a Faun

(Robbins-Debussy
Liturgy
 (Wheeldon-Pärt
Ballet Imperial
 (Balanchine-Tchaikovski)

 

Plus d’infos pour les réservations et autres, suivez le lien

A noter aussi, les étés de la danse se poursuivent en septembre avec la venue de Baryshnikov pour une pièce In Paris. Je vous en reparlerai d’ici là.

A suivre aussi le blog de la compagnie, très sympa, vivant et très agréable à lire.

Tarentella-Mary-Carmen-Catoya-et-Renato-Penteado-c-The-Geo.jpg

  • Le dilemne ciné de la semaine : Pina ou Balanchine??

Lundi 4 juillet, 2 projections, toutes les deux intéressantes. D’un côté Pina Bausch au Théâtre de la Ville. A 20h30 sera projeté son film La Plainte de l’Impératrice, seul film réalisé par la chorégraphe. Film rare, très difficile à se procurer, c’est l’occasion ou jamais. Pour réserver (tarif 10€), téléphonez au 01.42.74.22.77.

De l’autre côté soirée Balanchine à la cinémathèque de la danse. Balanchine in Paris est un film réalisé par Dominique Delouche sur le travail de Mister B. En plein dans le sujet des
étés de la danse…

Que faire? Je crois que je vais pencher pour la cinémathèque, je boude toujours le Théâtre de la Ville.

  • La presse de la semaine

Danse magazine numéro de juillet

Danse fait sa couv’ avec la superbe Isabelle Ciaravola qui éblouit tous les spectateurs dans Les Enfants du Paradis. La danseuse étoile est ici dans un rôle taillé sur mesure qui met en valeur ses qualités techniques et son grand talent d’interprétation. C’est la Garance la plus convaincante que j’ai vue. A lire dans Danse, un article sur Isabelle Ciaravola, sur le Onegin au Royal Ballet, un portrait de Stéphanie Romberg, les comptes rendus de Rain, de Jewels par le ballet de la Scala et bien d’autres.

261843 10150254249574769 727869768 6865111 5359506 n

Danser fait un numéro double juillet-août avec en couverture les danseurs du Miami City Ballet. A l’intérieur, un super dossier Danse et amour, très bien fait, je l’ai lu samedi
sur le chemin de mon cours de danse. Plein d’article sur les couples de danse, la sensualité des corps, le sexe dans la danse, la pantomime de l’amour. Un grand article sur Mac Gregor à lire aussi, si vous appréciez le travail du chorégraphe en ce moment à Paris. Et bien sûr la venue du Miami City Ballet avec un programme plus qu’alléchant !

  • Le concours de la semaine : entrer à l’Opéra de Paris

Le concours interne est passé et les heureux élus sont :

Laura Bachman

Mathieu Contat

Germain Louvet

Hugo Marchand

Jérémy Loup-Quer

Pour l’externe, j’avais une grosse pensée pour Victoire Debay, qui n’a pas été récompensée de son travail, j’espère qu’elle repassera l’an prochain. Les résultats sont :

Caroline Osmon

Maxime Thomas

Bravo à toutes celles et ceux qui ont réussi !

  • Le bonus vidéo de la semaine : encore du Balanchine !

Les quatre Tempéraments sont une des premières pièces que j’ai découvertes de Mister B. et j’avais été complètement conquise par le style épuré, black and white, du
chorégraphe. Les lignes du ballet sont superbes, dans un langage simple et d’une beauté sans égale.

Rencontre avec Wayne Mc Gregor

anatomie0054 b1313a

Jean-Yves Kaced présente le parcours de Wayne Mac Gregor. Il rappelle qu’il vient de Manchester, qu’il a fait des études de chorégraphie, qu’il est e chorégraphe résident au Royal Ballet à Londres depuis 2006.  Il a participé à de multiples projets et très variés dont Harry Potter, Kirikou, des émissions de télévision.Un homme très éclectique.

Brigitte Lefèvre Je m’étais dit que c’était moi qui allait lancer Harry Potter. (rires) C’est quand même pas rien…C’est quand même magnifique, je me demandais bien qui
avait pu faire ça. Tout d’abord merci Wayne, car ça a été un immense travail que tu as accompli avec les danseurs de l’Opéra, qui te connaissent bien. Dans ceux que tu as choisis, ils te connaissent bien, la liste était longue de ceux qui voulaient travailler avec toi, à tel point qu’Aurélie Dupont qui devait reprendre en septembre a repris plus tôt. Et elle en est ravie.

D’ailleurs je renouvelle pas mes excuses, mais mes regrets que vous n’ayez pas vu cette création [grève, ndrl]. Après cela vous appartient, vous aimerez, vous n’aimerez pas. Wayne nous emmène dans des univers très très variés. Pendant une heure dix on est à la fois dans quelque chose qui est très moderne et qui est en tous en les cas, pour quelqu’un qui aime la danse d’hier, d’avant hier d’aujourd’hui et d’après demain _ elle s’adresse en aparté à une balletomane assidue_ d’ailleurs j’étais ravie que vous ayez aimé je pensais que vous n’aimiez que le ballet classique, cela m’a fait plaisir… Pour terminer, une personnalité comme Wayne Mac Gregor c’est un philosophe sans vouloir le dire, un mathématicien sans vouloir le dire, je dis parfois que c’est un mutant, bon c’est peut être un peu idiot, mais en même temps c’est quelqu’un qui n’arrête pas de transformer la vie, c’est devenu vraiment un ami parce qu’il aime la danse, il aime les danses.

Wayne tu as commencé la danse en te disant que tu voulais être chorégraphe ?

Wayne Mac Gregor Oui, j’ai commencé la danse très tôt et avec mon arrogance à 20 ans je disais que je voulais être chorégraphe. J’ai grandi dans les années 70 avec John
Travolta, j’étais fasciné par Grease, La fièvre du samedi soir. Je voulais danser comme dans ces films mais surtout faire mes propres chorégraphies. J’ai commencé le travail sur mon propre corps. Mais comme vous pouvez le voir j’ai des bras et des jambes particulièrement longs, et je me suis demandé comment je pouvais fragmenter mon corps et savoir comment il allait dysfonctionner (missbehave).

Brigitte Lefèvre Quoi c’est tout ?! (rires). Quelle a été ta première chorégraphie?

Wayne Mac Gregor Il faudrait aussi en parler à ma mère car on est pas d’accord sur ce sujet là. Elle dit que mes premières chorégraphies datent des cours de danses
traditionnelles à l’école primaire. J’ai été formé à ces danses, puis en danses latinos. J’avais un professeur très ouvert d’esprit et qui me laissait toujours inventer mes propres chorégraphies. Il me disait tout le temps que j’avais mon propre tchatcha, ma propre rumba. Et j’ai toujours adoré les comédies musicales, en Angleterre on adore ça, et on en faisait dans les salles polyvalentes. J’ai toujours aimé cela.  A l’école j’ai fait des études très classiques, sans éducation artistique spécifique, de la littérature, de l’économie, de l’histoire. Puis je suis allé à l’université et j’ai vraiment décidé de me tourner vers cela et j’ai été diplômé en chorégraphie et sémiotique. La sémiotique c’est l’enquête dans les signes de la vie et pour moi c’est une façon très éloquente d’envisager la chorégraphie. Mes premières vraies chorégraphies étaient à la fac et il s’agissait de faire des petites pièces de huit à dix minutes. Et en fait c’est la même chose aujourd’hui, je pensais qu’il y aurait un moment où l’on est chorégraphe, où l’on ressent ça, mais en fait c’est un processus, j’ai donc toujours la même angoisse de ne pas savoir ce que je suis en train de faire. (rires)

Brigitte Lefèvre  Mais est ce que tu aurais pu avec ta sensibilité et ton apprentissage donner à voir ce que tu ressens autrement que par la danse ?

Wayne Mac Gregor Je ne pense pas et en même temps, j’ai grandi dans un monde où les technologies sont très présentes. Je fais partie des premières générations à avoir eu
des ordinateurs à la maison, j’ai passé beaucoup de temps à coder des logiciels simples. Les ordinateurs sont très présents dans ma tête dans mon univers. Je me souviens d’un des tout premiers logiciels que j’ai appris à coder, on avait un manuel, il fallait passer des heures sur le clavier pour entrer différents codes et quand on faisait ça il y avait une balle qui traversait l’écran de droite à gauche de gauche à droite, comme du ping pong. Il y a deux ans à San Diego j’ai pu répété cette expérience, mais simplement avec des électrodes autour de mon cerveau. La technologie a évolué a changé dans son rapport au corps et c’est surtout le corps qui a influencé la technologie. Donc pour moi c’est naturel, la technologie, aussi naturelle que la musique. Cela m’a appris par exemple qu’on peut créer de la danse à partir de la technologie. On peut partir de la musique, on peut partir de la technologie, de la philosophie, d’une phrase, d’une formule mathématique très compliquée. Mais la raison pour laquelle la technologie ne remplacera jamais le corps, c’est parce que le corps, c’est la chose la plus avancée technologiquement que l’on possède. Un des grands plaisir de travailler avec les danseurs ici, c’est que j’ai des instruments incroyables, qui pensent et avec lesquels je peux faire ce que je veux. On fait fausse route quand on dit que la danse est instinctive, pour moi c’est une activité cognitive. On ne peut pas créer de la belle danse si on ne tien pas compte de cet aspect là et de la connexion avec la pensée.

Brigitte Lefèvre Pour toi, il y a aussi une relation très forte avec la personne. C’est une relation très intime et très abstraite avec chacun de tes interprètes. Tu les as choisis chacun individuellement, on en a parlé. A chaque fois c’était avec une très grande connaissance des artistes. Comment tu arrives à gérer l’affect et le cérébral pour arriver à la danse ?

Wayne Mac Gregor Je pense que c’est toujours cela le défi ! C’est un processus de découverte et on cherche dans cette relation. Ce qui est important c’est ce qu’on ne
sait pas, pas ce que l’on sait. Ce qui est intéressant c’est leur signature personnelle, leur style. C’est important dans le choix des danseurs. Je crois que je fais une offre, que les danseurs prennent et doivent adapter à leur propre corps. Ils digèrent la proposition que je leur fait et me proposent quelque chose en retour. Cela va changer la trajectoire de notre travail. Nous sommes co auteurs. Ce qui compte ce n’est pas seulement le corps, mais aussi la curiosité du danseur, de vouloir essayer ça ou ça sur son propre corps.

anatomie0165 1b919f

Brigitte Lefèvre On va revenir sur L’anatomie de la sensation. Il y a deux distributions. D’une certaine façon tu as travaillé avec la première distribution, et la deuxième ce n’était pas forcément agréable pour eux, mais ça leur a donné une capacité d’interprétation très forte. Tu as été très content je crois de la deuxième distribution aussi. Comment tu vis ça toi en tant que chorégraphe quand tu vois une autre manière de danser par rapport à ce que tu as voulu?

Wayne Mac Gregor C’est quelque chose de très surprenant et de très vivant. Avec la première distribution on devient obsédé par les danseurs qu’on a en face de soi et
ensuite on est obligé de tout repenser à partir de cette seconde distribution et on doit revoir avec du recul sa propre chorégraphie. La deuxième distribution n’essaye pas d’être comme la première, ils font ça à  leur manière, il y a des différences, mais que des bonnes surprises. Il y a une chose frappante c’est que dans les deux casts il y a une palette d’âges très large, et dans un certain sens une hiérarchie, comment un danseur, qui a tant de mouvements dans son corps, peut partager avec un danseur plus jeune.

Brigitte Lefèvre On avait eu cette rencontre autour de Genus qui avait remporté tant de succès. Quand je t’ai proposé de venir faire un ballet à Bastille, pourquoi tu as eu envie de faire ce ballet là sur cette musique, dans cette salle ? En deux phrases… (rires)

Wayne Mac Gregor Je ne devrais pas dire ça devant toi. La première chose à dire c’est que Brigitte est une directrice extrêmement courageuse. Elle te demande ce que tu
as envie de faire, il n’y a absolument aucune condition. Après elle fait son maximum, elle est extrêmement présente et c’est une vraie collaboration. Ce n’est pas juste « ah oui je fais un truc pour l’Opéra de Paris ». On travaille vraiment en profondeur, ça commence à un niveau philosophique et c’est à partir de cela que l’on construit. Dans mon Ipod j’avais la musique de Turnage Blood on the floor depuis 8 ans. Je la connaissais bien et j’ai cherché longtemps un contexte pour me servir de cette musique. Et quand j’ai parlé avec Brigitte je venais de voir la rétrospective de Bacon à la Tate. Quand j’ai revu les tableaux je me suis souvenu combien je les aimais. C’était une expérience extrêmement physique. Cela a de l’impact. Cette rétrospective donnait beaucoup d’informations sur les processus créatifs de Bacon. Il y avait cette idée que son studio était un album rempli d’images de toute sorte. Il prenait ces images et il les transformait, comme dans un scrapbook. Il pouvait se servir d’un tableau de maître et le changer en autre chose, il pouvait jeter de la peinture sur une toile, il pouvait faire une première image, peindre par dessus et ensuite essayer de faire réapparaître la première image à travers la deuxième. Ce sont des procédés que l’on retrouve dans la danse. J’avais aussi envie de réagir aux critiques que je lisais sur Bacon qui souvent disaient que c’était une peinture décorative. C’est pourquoi j’ai choisi l’architecte le plus minimaliste que je connaissais qui crée des espaces raffinés. Il allait nous donner une sorte de toile avec laquelle travailler sur scène, dans l’espoir d’effacer tout ce qu’on connaissait sur ses tableaux pour les recréer sur scène, les ré-imaginer dans un autre langage, un autre espace. Et ensuite j’ai pensé aux danseurs. qui serait capable de recréer ça, et là on pense forcément à Marie-Agnès Gillot ou Jérémie Bélingard qui
peuvent reformer ces torsions, cette violence. C’est comme un langage alien qui est à l’intérieur de leur technique extraordinaire. C’est une dualité propice à la physicalité de Bacon.

Brigitte Lefèvre Dans le début de ta pièce on voit Jérémie Bélingard et Mathias Heymann dans cette dualité. Deux hommes qui dansent ensemble et qui mutent. C’est une
scène d’amour, on est vraiment dans beaucoup de choses qui rendent le ballet assez étrange. L’espace est immense et magnifique grâce à cet architecte dont tu parlais, ce sont des solitudes dans des ensembles, à chaque fois avec de la violence de la douceur. Tu as construit cela par rapport à la musique ou par rapport aux personnages?

Wayne Mac Gregor Cela vient de la façon dont peint Bacon où il y a toujours des personnages isolés, il y a rarement plus de deux personnages dans ses peintures. Bacon
avait une passion pour un photographe qui photographiait des gens en mouvement, et il en restait du coup une image fixe. Bacon disait de sa peinture qu’elle ne contenait aucun récit mais pour moi le récit est là, la vie privée de Bacon contamine et altère sa peinture.

anatomie0016 76f6a0

Brigitte Lefèvre Il y a un passage qui parait très surprenant dans ta pensée, avec trois danseuses, Laurène Lévy, Myriam Ould-Braham et Dorothée Gilbert. Comment ça
s’est fait? Tu voulais qu’elles aient les cheveux longs.

Wayne Mac Gregor Je suis jaloux des gens qui ont des cheveux !!  Il faut savoir que la vie privée de Bacon était très tourmentée, il allait dans les bistros de Soho
traîner avec n’importe qui et souvent il peignait ivre. Je trouvais intéressant d’avoir ces trios femmes qui dansent devant lui, avec de longs cheveux. Un peut comme si les têtes étaient à l’envers. C’était un vrai défi physique de danser sur les pointes avec les cheveux dans les yeux. Cela donne un côté cru au corps que je trouve fascinant.

Brigitte Lefèvre Parfois on dit que la danse classique est dépassé, que maintenant il faut aller ailleurs. Tu t’appuies beaucoup sur la technique classique. Je rappelle
d’ailleurs pour ceux qui ne le savent pas que tu es le chorégraphe choisi par Monica Masson, une grande directrice, j’allais dire aussi (rires). Tu connais très très bien la danse classique. Pour toi c’est un matériau, c’est un encombrement. Comment tu gères cela?

Wayne Mac Gregor Pour moi le classique c’est un grand plaisir. Souvent on dit que ça ne m’intéresse pas les ballets narratifs, je ne sais pas d’où cela vient, car cela
m’est totalement étranger. Je crois c’est une responsabilité en tant que chorégraphe contemporain de faire évoluer la forme, de faire évoluer le langage. Je pense que quand on a des danseurs aussi techniquement perfectionnés que ceux de cette compagnie, très différents des danseurs d’il y a une trentaine d’années, ils sont à la recherche de nouveaux défis. Ils veulent qu’on leur propose des choses qu’ils n’arrivent pas à faire. C’est le plus grand plaisir d’un danseur, d’être confronté à quelque chose qu’il n’arrive pas à faire. Pour moi c’est une définition de la virtuosité, de partir de quelque chose qu’on arrive pas à faire et d’arriver à un point où en devient expert. Ce qui est bien quand on est confronté à quelqu’un comme Mathias Heymann, on ne lui donne pas quelque chose de difficile à faire, c’est lui qui dit « alors? alors? ». C’est donc une exploration fondée sur une grande complicité au point de départ.

Brigitte Lefèvre J’ai eu le plaisir de te découvrir à Londres, au Royal Ballet, il y a déjà quelques années. Maintenant tu chorégraphies dans les plus grandes compagnies
du monde, souvent des compagnies classiques. Comment tu qualifierais les grandes compagnies, opéra de Paris mis de côté, avec qui tu as travaillé? Tu vois différents styles, différentes qualités ?

Wayne Mac Gregor C’est comme aller dans des mondes différents. Je fais très attention aux compagnies que je choisis. Les empreintes des danseurs au Royal Ballet sont
très différentes que celles des danseurs d’ici. C’est pour cela que je veux faire des pièces pour eux et des pièces ici, parce que c’est différent. La manière de danser est différente. New-York c’est aussi très différent. Le plus important c’est aussi la structure, l’organisation. Par exemple, ici à Pais, quand vous faites une création vous avez un groupe de danseurs tout le temps. A New-York vous les avez une heure en studio et ils travaillent sur 5 autres chorégraphies en même temps. A Milan c’est encore autre chose. Le travail en studio devient différent. Aussi ici on travaille beaucoup sur le programme, les conversations étaient beaucoup plus philosophiques. On se posait vraiment la question de savoir, qu’est ce qu’il faut dire au public avant qu’il n’aborde le spectacle. Il y a quelque chose au niveau du discours qui est spécifique à cet établissement. C’est différent que d’avoir un paragraphe dans une liste de noms. C’est diriger le public différemment. La culture de l’établissement c’est quelque chose de très important. Quand on arrive en Russie on ne sait pas quels danseurs on aura pour faire sa création. Il faut faire avec. Il faut être flexible pour aborder des contextes différents.

Brigitte Lefèvre Ca va être bien. Ils t’attendent avec impatience. La musique a beaucoup d’importance dans L’anatomie de la sensation pour Francis Bacon. On a
la chance qu’il y ait l’ensemble intercontemporain. C’est un des plus grands ensemble d’Europe. Quel a été ton lien avec les musiciens? Tu as pu parler avec eux?

Wayne Mac Gregor Turnage est sans doute le compositeur, hors classique, le plus connu en Grande-Bretagne. Il n’est pas très connu en France. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu choisir une des ses compositions. L’ensemble fait une interprétation très formelle de la partition et à côté il y a ces quatre musiciens qui font presque une interprétation libre et improvisée. J’ai lu quelque part que Bacon détestait aller au théâtre, il ne tenait pas en place mais il adorait le jazz. Je pensais qu’il y avait quelque chose de très intéressant de confronter cette liberté et cette rigueur absolue, c’est quelque chose que nous avons visé dans la chorégraphie. En même temps l’improvisation est quelque chose de très angoissant, je suis quelqu’un qui contrôle tout, qui veut tout maîtriser, alors ça m’inquiète. Pour les musiciens jazz, c’était vital de voir les danseurs, ils étaient très malheureux à l’idée de ne pas voir les danseurs. On en est venus à un compromis, nous avons posé des retours vidéos dans la fosse, donc ils regardent les danseurs pendant qu’ils jouent. La charge émotionnelle, du dialogue entre danseurs et musiciens est incroyable.

 

anatomie0063 0aacc8

Brigitte Lefèvre Pour terminer, il y a quelque chose qui compte beaucoup pour toi. C’est ta rencontre avec des jeunes, qui ne sont pas des danseurs. Tu veux bien en
parler pour qu’on finisse là dessus?

Wayne Mac Gregor J’adore les jeunes et particulièrement ceux qui n’ont jamais dansé. Je rentre à Londres pour travailler avec une trentaine de jeunes d’East London qui
n’ont jamais dansé. Ils vont avoir leur première sur la scène de Covent Garden samedi prochain. Ça m’intéresse aussi beaucoup de travailler avec des jeunes chorégraphes. J’ai travaillé avec une jeune de 16 ans qui va faire sa première chorégraphie pour le Royal Ballet dans cette même soirée. Il n’y a pas d’âge pour être créatif. Les personnes les plus créatives que je connaisse ont 8 ou 9 ans. Dans note système d’éducation en Grande-Bretagne, la créativité est écrasée au fil des années. A la fin, ils ont du mal à trouver leur propre créativité. Une des choses que nous avons proposé pour les Jeux Olympiques, c’est que je travaille avec 2012 jeunes pour faire un énorme spectacle. Le pus important c’est que la chorégraphie sera la leur, moi je suis là pour les accompagner.

Entretien intéressant, même si on n’a pas pu poser de questions au chorégraphe. Je décide de ne pas me précipiter pour voir les Enfants du Paradis, j’irai au deuxième acte après un verre et regarder Desdémone se préparer dans les escaliers.

 

Nouvelles de la semaine du 13 juin

Copyright Deyan Parouchev

© Deyan Parouchev

Quoi?! Vous n’avez jamais cliqué sur le lien quand je parle de mon photographe préféré? Pfff ! Mon ami Deyan a profité du week end de la Pentecôte pour faire de superbes photos de Sarah Kora Dayanova et d’Allister Madin (tous deux sujets à l’Opéra de Paris… moi pendant ce temps là je faisais trempette dans la Méditerranée). Ce que j’aime dans les photos de Deyan c’est ce qu’il capte des gens, la fragilité de l’instant. J’aime ses portraits qui font ressortir à merveille les personnalités, qui montrent forces et faiblesses, tout en gardant une distance esthétique qui me plaît beaucoup (le petit rat a servi de cobaye il en sait quelque chose ! Sacré rat de laboratoire, on est bon à tout faire !). En tous les cas, ses images ont charmé plusieurs artistes, et la série risque de continuer pour de belles aventures. Je lui ai déjà dit mais je le redis, bravo !

 

  • La sortie de la semaine : encore du théâtre ! 

quefaire.jpg

© Élisabeth Carecchio

Dernière pièce de la saison à La Colline, mais très prometteuse tant les critiques élogieuses sont nombreuses. Réservez donc vos places pour aller voir Que faire ? (le retour) de Charles Massera et Benoit Lambert. J’y vais le 29 juin j’ai hâte de voir cette dernière pièce. L’humour y est au rendez vous pour finir l’année dans la joie et la bonne humeur.

A lire dans la presse : Marianne 2, Le monde, Rue89, Telerama.

« Cent ans après la parution du célèbre Que faire? de Lénine, un couple dans sa cuisine prend soudain conscience de la vacuité des modes de vie dans les pays de l’hémisphère nord en ce début de siècle. Ils décident alors de faire le tri dans l’Histoire, l’Art et la Pensée : la Révolution française, on garde? et la Révolution russe? et Nietzsche? et Mai 68 ? et l’Art conceptuel ?… Tels Bouvard et Pécuchet affrontant les contradictions du néo-libéralisme et de la post-modernité, ils se (re)mettent à l’ouvrage, et cherchent une issue. Les textes de Jean-Charles Massera fournissent ici l’impulsion d’un ensemble où l’on pourra trouver aussi bien des considérations sur le bricolage que les traces d’un lyrisme politique oublié, ou encore une table, des chaises, des assiettes, des verres et une soupière… Mais peut-être aussi Descartes, Deleuze, Malevitch ou Flaubert… Par la confrontation rêvée de deux acteurs singuliers, Martine Schambacher et François
Chattot, Benoît Lambert continue d’explorer nos inquiétudes, nos préjugés, nos espoirs et nos déceptions. “Que faire ?”, la question politique par excellence, fait ainsi retour en cuisine pour une comédie dans laquelle des gens ordinaires tentent, dans la confusion ambiante, de reprendre leur vie en main. »

  • La conférence de la semaine : Noureev

Confirmation un peu tardive, jeudi 16 juin, aura lieu une conférence sur Rudolph Noureev au Salon Florence Gould à 17h30. Un peu trop tôt pour moi je ne pourrais m’y rendre, dommage j’aurais voulu entendre Ariane Dollfus parler de son sujet de prédiclection. Pour se consoler, vous pouvez lire sa bio de Noureev, passionnante et très facile d’accès si vous ne connaissez rien à la danse ou à Noureev.

noureev l'insoumis par Ariane Dollfus aux Editions Flammarion

« À l’occasion des cinquante ans de son passage à l’ouest, l’Opéra organise cette table ronde sur Rudolf Noureev et la dissidence jeudi 16 juin à 17h30, au Palais Garnier (Salon Florence Gould). Une rencontre animée par Brigitte Lefèvre (Directrice de la Danse de l’Opéra national de Paris) et Christophe Ghristi (Directeur de la Dramaturgie de l’Opéra national de Paris), avec la participation de Pierre Lacotte (chorégraphe, spécialiste de la reconstruction des ballets de répertoire du XIXe siècle), André Larquié (Président du Cercle des Amis de Rudolf Noureev) et Ariane Dollfus (journaliste, écrivain). Places à retirer au guichet, sur place, au Palais Garnier. »

  • Le buzz de la semaine : Mc Gregor ou comment l’Opéra se met à la communication

Ouh on en fait du bruit de cette nouvelle création du mutant anglais. Un diaporama très vendeur avec Jérémie Bélingard et Mathias Heyman shootés par Anne Deniau, une répétition que l’on met en ligne (n’est-ce pas Bri-Bri qui fait la chasse aux petites vidéos?) avec Josua Hoffalt et Alice Renavand, une vidéo du compositeur, le retour d’Aurélie Dupont sur ce ballet (voir le communiqué de presse via Danses avec la plume) sur toute la comm qui est faite sur ce ballet qui à mon humble avis va laisser une grande partie de la salle vide. J’attendrais donc le 14 juillet pour y aller gratuitement… ou pas je préfère me refaire les Enfants du Paradis à Garnier.Mac Gregor c’est un peu comme la remarque de Katie dans Singing in the Rain « When you have seen one you have seen them all… ».

anatomie 1

© Anne Deniau/ Opéra de Paris

  • L’expo photo de la semaine : Agathe Poupeney met les femmes à l’honneur

242898_10150223767734337_680384336_6790102_2292267_o.jpg

La talentueuse photographe de l’Opéra expose ses photos à Montmorency. Je sais que certains ont du mal à passer le périph pour qui derrière c’est la province (oui oui Palpatine c’est bien à toi que je pense), mais cela vaut le coup de faire une petite promenade
en banlieue pour voir les photos d’Agathe Poupeney. L’expo dure jusqu’au 28 juin.

Sinon vous pourrez aussi voir les photos d’Agathe cet été lors du festival Paris quartier d’été où elle exposera dans La cour d’honneur des Invalides, mais je vous en reparlerai
à ce moment là.

Entrée gratuite
du lundi au vendredi de 15h à 18h.
le samedi et dimanche de 11h à 13h et de 15h à 18h.

  • Le bonus vidéo de la semaine : Le Lac des cygnes par Mats Ek

J’ai regardé cela l’autre soir et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Je trouve ça chirurgical et très drôle, souvent angoissant, et superbement chorégraphié. A vous d’apprécier !