John Cranko

Répétitions d’Onéguine (scène orchestre et séance de travail)

une oneguine

© Opéra de Paris

J’ai eu la chance en trois jours de voir deux distributions en répétition du ballet Onéguine. Vendredi dernier, grâce à une formation dans mon boulot, on a eu accès à la deuxième scène orchestre avec une distribution inédite ! Mathieu Ganio, Isabelle Ciaravola, Myriam Ould-Braham, Josua Hoffalt dans les rôles respectifs d’Eugène Onéguine, Tatiana, Olga et Lenski. En fait tout s’explique par la blessure de Nicolas Le Riche. Evan McKie a été appelé pour remplacer Le Riche. N’étant pas encore prêt pour attaquer la répétition en scène orchestre, c’est le duo Ciaravola/Ganio qui a fait la répétition. J’ai adoré pour ma part cette distribution inédite ! Quelle répétition ! C’était très beau.

Lundi j’ai assisté grâce à JMC à la séance de travail, la dite prégénérale avec la distribution Pech/Osta. Cette deuxième distribution m’a moins enchantée, peut être que j’avais été trop envoûtée par le premier couple.

Le premier acte s’ouvre dans un décor bucolique, on découvre quatre femmes dont trois attablées, qui s’affairent à la broderie de robes. La quatrième allongée dans l’herbe est
plongée dans la lecture. Tatiana, jeune femme romantique ne s’intéresse pas aux robes comme sa soeur Olga, pas plus au miroir que lui tend sa mère dans lequel on verrait le portrait du bien aimé. Les amies d’Olga arrivent et dansent avec elles. Ciaravola propose une Tatiana, très fermée, presque mélancolique. Osta est plus romantique. J’ai apprécié leurs deux interprétations. Dans un papier d’Ariane Bavelier qui date de 2009,
elle citait le directeur du ballet de Stuttgart qui disait à propos du ballet  : « On peut voir le ballet avec toutes les distributions différentes : ce sera toujours les mêmes pas,
jamais le même ballet
« . Le jeu des danseurs est primordial, c’est dans leur interprétation que réside les nuances des personnages. De même dans le rôle d’Olga, Myriam Ould Braham et Mathilde Froustey dansent complètement différemment. J’ai adoré Myriam Ould Braham dans ce rôle. Elle est délicieuse et sa danse est très fluide. Le pas de deux avec Josua Hoffalt qui est Lenski est formidable, d’une grace incomparable. Ils ont l’air de s’amuser sur scène d’y prendre un plaisir fou. Myriam Ould Braham est une Olga mutine, pleine de vie. Très envie de l’applaudir, mais chut pas d’applaudissements pendant les répétitions. Mathilde Froustey est aussi un petit bijou qui ne manque pas de séduire son partenaire Fabien Révillon. Ses équilibres sont toujours aussi impressionnants et elle affiche un large sourire, très généreux.

A l’arrivée d’Eugène Onéguine dans le jardin, un froid s’installe. Le jeune homme en noir tranche avec le reste de l’assistance. Il ne sourit pas, a un regard lointain. Là mon
coup de coeur va d’emblée vers Mathieu Ganio qui domine la scène. Son regard froid associé à son visage d’ange en font le parfait cynique. On est sous le charme d’emblée comme Tatiana et comme toutes ces héroïnes de la littérature. On ne peut s’empêcher de penser à Mr. Darcy au bal avec Elisabeth Bennet. Leur pas de deux est écrit de façon très fine. Ils marchent, Tatiana au bras d’Onéguine, qui a complètement changé d’attitude. Elle est déjà sous le charme du poète, mais lui est absent de cette romance, il se met à danser tout seul oubliant la jeune femme. Isabelle Ciaravola est déjà dans une grande tristesse, alors qu’Osta choisit d’être une Tatiana qui est interloquée par l’attitude du jeune homme.

Dans la scène du rêve mon coeur vacille devant le partenariat Ganio/Ciaravola. Quelle beauté, ce pas de deux. Les portés sont superbes. La ballerine est dans un nuage où elle
touche rarement le sol. Toujours portée plus haut, l’amour s’emballe et se renforce dans le coeur de Tatiana. Les glissés au sol sur les pointes me font penser à la rapidité de cet amour naissant. On est dans une ambiance bleutée, qui ne nous fait pas douter du rêve. A son réveil, Tatiana écrit avec entrain sa lettre d’amour pour le poète désabusé.

Salut séance de travail

© Elendae

L’acte deux nous plonge dans un intérieur russe où Tatiana va recevoir petits et grands pour y fêter son anniversaire. Si tout le monde s’enthousiasme autour d’elle, la seule
chose qui préoccupe son esprit c’est la réponse qu’Onéguine va faire de sa lettre. Nos deux belles étoiles féminines proposent deux chemins différents, mais tout deux très convaincants. Quand Onéguine déchire la lettre, j’aime le sourire mesquin de Mathieu Ganio, qui prend les sentiments de Tatiana par dessus la jambe. Il se joue de la situation quand Benjamin Pech y donne un ton plus grave. Pour continuer sa provocation , il décide de danser avec Olga pour montrer qu’il ne croit pas au sentiment amoureux. Le pas de deux est rapide, et les corps sont très rapprochés. Que ce soit Mathilde Froustey ou Myriam Ould-Braham, j’ai adoré cette partie du rôle d’Olga. Josua Hoffalt est très imposant dans son opposition à Onéguine.

Ce qui est parfois génant, ce sont les transitions entre les tableaux dues aux changements de décor. Cela fait un peu désuet et on sent qu’on comble un peu la musique avec de la pantomime. On arrive sur la scène du duel, où le trio Olga/Tatiana/Lenski reprend les pas pour montrer le désespoir de la situation. J’aime l’engagement des danseuses dans ce passage, on sent que la situation dépasse les personnages. C’est un vrai passage tragique et la musique porte bien ce moment. Lenski meurt sous la première balle d’Onéguine.

L’acte trois s’ouvre dans une salle de bal. Les danseurs sont figés, comme des poupées de cire avant la levée du rideau transparent. La danse de bal est très jolie, on pense
forcément à La Dame aux camélias. Arrivent le Prince Grémine et Tatiana qui sont désormais mariés. J’ai adoré Ciaravola dans ce troisième acte. Quelle actrice ! Elle sait passer de la jeune adolescente amoureuse en secret, à cette femme resplendissante et épanouie. Et quelle partenaire, je pense qu’elle facilite l’interprétation de Duquenne et Ganio. Sa danse est plus grande, plus époustouflante qu’aux deux premiers actes. Son regard englobe toute l’audience, les danseurs et le public. Le rouge de la robe renforce cette dominance. Quand Onéguine entre il est troublé par cette femme, il ne se reconnait plus, les pas sont plus petits, hésitants, les courses plus affolées. Il plonge dans une rêverie où il est entouré de femmes, qu’il porte, qu’il fait danser. Le regard devient vide à mesure qu’il rencontre ses femmes, puisqu’il n’y en a plus qu’une dans sa tête.

La scène finale dans la chambre de Tatiana est absolument magnifique. Ganio/Ciaravola m’ont émue aux larmes en répétition. J’ai hâte de les revoir en scène. Dans la chorégraphie, tout le caractère des personnages s’y déploie. La dominance d’Onéguine qui a une certaine violence dans ses baisers. Il agrippe sa partenaire, la fait glisser, c’est lui qui mène malgré sa requête. Il ne lâche jamais ses jambes, l’oppresse. Pour Tatiana, il s’agit de montrer sa faiblesse tout en restant ferme. Osta comme Ciaravola sont deux Tatiana résolument différentes, mais qui racontent deux histoires intéressantes. J’aime le côté tragique de cette situation et Ciaravola poussant un cri final est un moment poignant, qui vous fait frissonner.

  • Bonus vidéo : Isabelle Ciaravola avec Hervé Moreau
Piotr Ilyitch Tchaikovski Musique
Kurt-Heinz Stolze Arrangements et orchestration
John Cranko Chorégraphie et mise en scène
Jürgen Rose Décors et costumes
Steen Bjarke Lumières
  • Distribution de la scène orchestre du vendredi 2/12
Eugene Oneguine Mathieu Ganio
Lenski Josua Hoffalt
Tatjana Isabelle Ciaravola
Olga Myriam Ould-Braham
Prince Gremine Christophe Duquenne
  • Distribution de la séance de travail du lundi 5/12
Eugene Oneguine Benjamin Pech
Lenski Fabien Révillon
Tatjana Clairemarie Osta
Olga Mathilde Froustey
Prince Gremine Christophe Duquenne

 

Nouvelles du 5 décembre

Vitrine de Noël Repetto

 

La semaine dernière devait se dérouler sans sortie, mais finalement, je me suis glissée à Garnier pour voir une répétition scène orchestre d’Onéguine, qui était d’une grande qualité avec une distribution parfaite (Ciaravola/Ganio/Ould-Braham/Hoffalt). Je soirn’ai eu le temps d’en écrire le compte rendu, mais ça ne saurait tarder.

Samedi soir, retour au théâtre de la colline, je suis allée voir une pièce suédoise d’Arne Lygre mise en scène par Braunschweig, Je disparais. La mise en scène et la scénographie étaient superbes, mais venaient compenser des comédiens pas toujours très bons. Le texte est une réflexion sur le sujet, dans la vie mais aussi au théâtre. Si la première partie m’a emballée, j’ai vite décroché à la moitié, pour finir carément blasée à la fin. Il y a de bonnes choses, notamment un texte sur la peur assez bien écrit et une réflexion sur l’oppression et l’enfermement qui grandit à mesure de la pièce.

Cette semaine est plutôt chargée pour moi. Demain grace à JMC je vais la séance de travail d’Onéguine. Cendrillon mardi avec Marie-Agnès Gillot et Florian Magnenet. Mercredi
j’aimerai beaucoup assister à la générale d’Onéguine (message subliminal…), jeudi rien, jour spécial, vendredi je vais danser pour fêter le retour d’un ami cher et le lendemain retour à Garnier pour voir Onéguine, again… Je préfèrerai d’ailleurs y aller le lendemain, la distribution me plaît plus.

  • Le ballet de la semaine : Onéguine de Cranko

C’est le ballet à voir pendant les fêtes, parce que c’est beau, parce que la chorégraphie est superbe, parce que l’histoire est prenante et la musique merveilleuse. Et puis cette année, c’est une production made in Opéra de Paris, contrairement à il y a trois ans.

Onéguine

Le pitch ? Deux soeurs, Olga la cadette et Tatiana l’aînée, la première pleine de vie et de bonne humeur, la deuxième plus lunaire, plongée dans ses rêveries et ses livres. La
mère des jeunes filles a un mystérieux miroir dans lequel on peut voir le portrait de l’être aimé. Si Olga voit le beau Lenski avec qui elle file le parfait amour, Tatiana découvre le visage d’un homme qu’elle ne connaît pas. C’est Eugène Onéguine, le meilleur ami de Lenski. Il ne s’intéresse pas à la jeune femme, l’ignorant la majorité du temps. une nuit elle lui écrit une lettre exaltée après un rêve troublant. Le jour de son anniversaire, Onéguine lui rend la lettre, l’humilie et finit par déchirer la lettre. Il se met à séduire Olga et Lenski, fou de jalousie défie son ami en duel. Malgré les demandes suppliantes des deux soeurs pour éviter ce duel, la balle d’Onéguine pénètre droit dans le coeur de Lenski. Dix ans plus tard, lors d’une fête organisée par un noble, le Prince Grémine, Onéguine retrouve Tatiana, mariée à ce riche aristocrate. Il voit cette femme épanouie et tombe amoureux d’elle. Il lui écrit une lettre, pour la prévenir de sa venue. Elle n’a pas oublié ses sentiments et malgré la volonté ferme de rester distante, elle a du mal à résister aux avances de l’homme qu’elle a toujours aimé. La raison l’emporte sur le coeur, elle prend la lettre d’Onéguine la déchire et le met dehors, plongeant alors dans une douleur interminable.

Evan Mc Kie

La blessure de Nicolas Le Riche a permis d’inviter le danseur Evan Mc Kie, danseur au Stuttgart Ballet, qui dansera avec Aurélie Dupont. Voilà les distributions à l’heure
d’aujourd’hui, ce qui peut encore changer :

Les 9, 11, 13, 16 décembre

Eugene Oneguine Evan McKie
Lenski Josua Hoffalt
Tatjana Aurélie Dupont
Olga Myriam Ould Braham
Prince Gremine Karl Paquette

Les 10, 14, 20, 22, 24 (14h30) décembre

Eugene Oneguine Benjamin Pech
Lenski Josua Hoffalt (10 ; 14)/Fabien Révillon (20; 22; 24)
Tatjana Clairemarie Osta
Olga Mathilde Froustey
Prince Gremine Christophe Duquenne

Les 21, 24, 26, 28, 30 décembre

Eugene Oneguine Mathieu Ganio
Lenski Florian Magnenet
Tatjana Isabelle Ciaravola
Olga Muriel Zusperreguy
Prince Gremine Christophe Duquenne

Les 23, 27, 29 et 31 décembre

Eugene Oneguine Karl Paquette
Lenski Audric Bezard
Tatjana Dorothée Gilbert
Olga Eve Grinsztajn
Prince Gremine Nicolas Paul

J’ai vu en répétition une distribution hybride qui n’est pas là, parmi les distributions proposées mais que j’ai trouvé excellente. Dommage qu’elle n’existe pas en scène. Je suis pressée de voir Evan Mc Kie en Onéguine. Je vous conseille cette distribution ou celle Ciaravola/Ganio, qui me semble vraiment être la meilleure.

  • Le blessé de la semaine : Nicolas Le Riche

Décidément, c’est l’hécatombe. L’an dernier les filles cygnes tombaient comme des mouches, cette année la loi des séries s’attaquent aux hommes de la compagnie. Après Mathias Heymann, Vincent Chaillet, voilà que Nicolas Le Riche s’est blessé en scène lors de la représentation de Cendrillon du 1er décembre. Remplacé au pied levé par Florian Magnenet (il se karlpaquettiserait pas un peu celui là?), le danseur étoile déclare forfait sur les deux ballets des fêtes. Tristesse de ne pas le voir danser, son rôle dans  Phèdre m’avait un peu laissé sur ma faim.

Il est remplacé par Karl Paquette dans Cendrillon et par Evan Mc Kie, danseur canadian, soliste au ballet de Stuttgart dans Onéguine.

J’espère qu’il se remettra vite et qu’on aura tout de même l’occasion de le voir danser très vite.

  • En vrac

Ekatarina Shipulina a été nommée étoile au Bolshoï après son rôle dans le Clair Ruisseau.

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En mai 2012, une exposition sur les costumes de La Source aura lieu au musée du costume de scène à Moulin. En attendant Martine Kahane donnera une conférence le 12 janvier à Orsay sur Degas et La Source.

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Le magazine Danser devient bimestriel… pour compenser, il y aura plus de critiques et plus de pages.

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Akram Khan travaille sur un Sacre du Printemps pour 2012.

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Le Prix de Lausanne fait un calendrier de l’avent sur sa chaine youtube. Chaque jour, une vidéo à découvrir.

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L’autre sortie à ne pas manquer c’est la suite du programme Forsythe à Chaillot. Impressing the Czar commence mardi et s’achève samedi. Il
reste des places, allez-y !

Impressing the czar

© Johan Person

  • La vidéo de la semaine : (fausse) pub Repetto par Deyan Parouchev

Voilà le travail de Deyan Parouchev fait avec la jolie Fanny Gorse. N’hésitez pas à dire ce que vous en pensez et à diffuser cette vidéo. Je trouve ça plutôt réussi.