Joël Pommerat

Pinocchio de Joël Pommerat, Odéon 2015

Pinocchio est le deuxième volet de la trilogie de contes de Joël Pommerat. Cette réécriture particulière s’est appuyée sur le texte de Collodi et s’est construite pendant des semaines avec les comédiens de Pommerat, et ses techniciens en mars 2008. Aujourd’hui, c’est la reprise de ce spectacle très onirique aux ateliers Berthier et c’est complet jusqu’au 3 janvier. Retour sur la représentation du 09 décembre.

© Elisabeth Carrechi

© Elisabeth Carrechi

Au milieu du Petit Chaperon Rouge et Cendrillon, Pinocchio n’est pas un conte même si il en reprend parfois les codes. C’est un roman feuilleton, publié dans la 2ème moitié du XIXème siècle. Pinocchio c’est un peu Justine ou les malheurs de la vertu, sans la vertu sans doute, vu le caractère dont est doté ce petit pantin. A chaque nouveau chapitre, une nouvelle aventure, qui se solde souvent par une situation plus malheureuse que la précédente. Ainsi, Pinocchio se fait dépouiller de son argent, mettre en prison alors qu’il est innocent ; il est même pendu par les brigands. Pinocchio ne tire aucune leçon de ces mésaventures, c’est un garnement, qui n’a que faire des conséquences de ses actes. Il n’est pas question d’en tirer, ce que ne font ni Collodi, ni Pommerat.

Pommerat a choisi de garder la trame du roman, avec ce narrateur, qui s’adresse aux enfants, comme dans le livre. Ici, c’est un personnage bien en chair, qui nous sussure à l’oreille, le début de cette histoire. On est plongé dans l’univers du cirque avec ce Monsieur Loyal intemporel. Il nous présente sa compagnie, des personnages qu’il voit dans sa tête. Au fond de la scène, tout un bestiaire immobile nous regarde. Ce narrateur va nous accompagner pendant toute la pièce, avec son débit rapide. Il rythme l’histoire, a un ton parfois de compassion pour ce petit personnage. Il présente les numéros de Pinochio. Les lumières choisies rappellent aussi fortement ce monde qui peut parfois devenir inquiétant pour un enfant.

© Elisabeth Carrechi

© Elisabeth Carrechi

Ce qui occupe une place prépondérante dans ce spectacle, c’est bien sûr la question de la vérité. Demandez donc à des enfants ce qui est important dans Pinocchio, ils vous répondront, sans doute influencés par l’imagerie de Disney, que c’est le nez. Le nez qui grandit, qui s’allonge à chaque mensonge du petit pantin. Dès le début, le narrateur nous promet de ne jamais nous mentir, de nous dire la vérité tout au long de la pièce. Mais quelle vérité ? Pommerat joue d’illusions en permanence, il nous plonge dans le noir pour que nous ne voyions pas les changements de décor. Chaque scène se termine par un noir et la lumière crée l’espace. Pommerat pousse l’illusion jusqu’aux corps. Les mannequins, qui sont plus vrais que nature nous troublent. Notre œil ne peut déjouer toutes les illusions auxquelles il est confronté. La vérité théâtrale est la question du cœur de la pièce, comme si le thème de Pinocchio et ceux chers à Pommerat concordaient.

© Elisabeth Carrechi

© Elisabeth Carrechi

Il ne semble pas que Pommerat souhaite que l’on tire une quelconque morale de cette histoire, du moins pour les enfants. Il présente ce petit Pinocchio comme un être antipathique, lui aussi un peu effrayant avec ce maquillage blanc et noir. Pinocchio rejette son père, trop pauvre, trop vieux (le texte fait alors écho aux autres pièces de Pommerat, comme Les Marchands ou La grande et fabuleuse histoire du commerce). Ce sale gosse, que Pommerat dote d’un langage grossier, ne pourra devenir un vrai petit garçon que si il le veut vraiment et qu’il le montre à sa bonne fée (merveilleuse Maya Vignando). Faut-il aller à l’école pour être un vrai petit garçon ? Peut-être que non, mais pour grandir oui. C’est non pas sur les bancs de l’école que Pinocchio le comprend, mais dans le ventre de la baleine où il sauve son père d’une mélancolie tenace. Pinocchio veut voir le monde et s’y confronter, mais peut être plus comme avant.

Cette reprise signe le succès de Pommerat, auprès d’un public fidèle, pas si jeune que cela. Un bijou à voir et à revoir en famille.

Le spectacle est certes complet à Paris, mais ailleurs il reste des places, à Colombes notamment.
Le spectacle deviendra un opéra au Festival d’Aix-en-Provence… à suivre !

Répétitions

J’adore voir des répétitions. Parfois même plus que des spectacles. J’aime voir le costume à moitié achevé, qui tient avec des épingles. J’aime voir cette forme inachevée. Tout est en devenir, rien ne semble figé. Il y aussi cette atmosphère particulière entre le stress de la première qui approche et une ambiance décontractée nécessaire au bon déroulement du travail. Quand j’assiste à une répétition, j’ai vraiment l’impression d’être une petite souris qui s’est faufilée.

Colasante Alu répétitions

En danse, j’écoute avec attention toutes les corrections du chorégraphe/maître de ballet. Il y a à chaque fois des conseils pour rendre la danse plus facile. Samedi 12 septembre, lors de la répétition de Thèmes et variations, Benjamin Millepied expliquait à François Alu comment porter en se déplaçant, sans prendre toute la force dans les bras. La danse est tout le temps une affaire de gestion de l’énergie. Chaque détail compte pour rendre le travail invisible. Une main qui vient se poser sur la ballerine doit être délicate « comme une tenir une tasse de thé avec deux doigts », un regard marqué ou un temps musical  qu’il ne faut pas oublier. Les danseurs s’exécutent, modifient le détail et la danse se transforme. C’est impressionnant de voir à quel point le langage corporel change avec un bras placé différemment à quelques centimètres de sa position initiale, ou une jambe qui monte en prenant l’énergie ailleurs que dans un quadriceps trop gonflé. Benjamin Millepied est un bon répétiteur qui déploie toute son énergie sur ce genre de petits détails ; il s’attache à une danse très fluide, qui marque fortement la musique et où la ballerine est mise en valeur.  La musique de Thèmes et Variations, est superbe pendant ce pas de deux, peut-être même que le public fera comme Mr B. en coulisses, fermer les yeux, écouter la musique et danser dans sa tête.

Photo Nanterre Les Amandiers

Photo Nanterre Les Amandiers

Au théâtre, il y a quelque chose du langage corporel qui se joue aussi. Lundi 7 septembre, je suis allée voir la répétition de Ça ira (1) Fin de Louis, de Joël Pommerat au théâtre des Amandiers. Pendant le premier acte, la pièce défile. Quelques trous dans le texte, mais le début de la pièce est bien en place. C’est ensuite, dans la deuxième partie que les choses deviennent passionnante. Au micro, Pommerat règle au millimètre le placement des chaises et des comédiens sur ce grand plateau sombre. Le choix du peu de décor doit être compensé par l’occupation de l’espace des comédiens. Avec le jeu des lumières, on passe des Etats généraux, à la réunion de quartier dans Paris. Pommerat règle les tons des voix, rappelle l’importance de chaque instant pour que le spectateur comprenne ce qu’il se joue dans cette révolution. Avec l’utilisation de figurants dans la salle, il plonge le public dans une position où la distanciation n’est plus possible. Il joue avec les codes du temps, si bien que le discours produit semble intemporel. Chaque fausse note est corrigée, il réfléchit à voix haute pour savoir si il faut garder ou raccourcir. Encore une fois, la forme est encore informe et c’est passionnant de la voir se transformer sous nos yeux. Le spectacle se jouera dans quelques jours, il faudra que tout soit prêt.

Thèmes & Variations de George Balanchine, c’est à l’Opéra de Paris à partir du 22 septembre, clic
Ça ira (1) Fin de Louis, de Joël Pommerat, c’est aux Amandiers de Nanterre à partir du 4 novembre, clic

Nouvelles de Noël

Me voilà enfin en vacances, je vais pouvoir mettre ces jours de repos à profit et vous raconter (enfin oserai-je dire) les quelques spectacles que je n’ai pas encore chroniqués.

La semaine dernière fut rude, je suis tout même allée danser parce que même fatiguée, la danse c’est essentiel ! J’ai vu un Don Quichotte à défaut de deux, mais j’ai passé une excellente soirée. Vincent Chaillet fut un Basilio élégant, accompagné d’une Muriel Zusperreguy charmante. Le couple avait une belle complicité et semblait prendre beaucoup de plaisir à danser ce ballet. Ils danseront encore ensemble cette semaine allez les découvrir, c’est une interprétation bien différente, d’autant qu’ils ont été coachés par Monique Loudières.

J’ai aussi passé une soirée éblouissante et émouvante devant le NDT en live jeudi soir. Trois chorégraphies de Paul Lightfoot et Sol Leon. Trois styles avec une même ligne chorégraphique, trois pièces, complètement différentes. De l’humour, plein d’émotions, une danse parfaite, des lumières à tomber par terre, des artistes magnifiques. Ne manquez pas la soirée du 7 février ! Pour relire ma chronique, clic.

Cette semaine, il ne faut pas remplir que les ventres, prenez-en pleins les yeux et les oreilles, il y a plein de choses à voir ! J’espère que le père Noël vous gâtera.

  • Les sorties de la semaine

Ceux qui pensaient voir Svetlana Zakharova les 24 et 26 décembre ont de quoi être déçus, la belle russe ne viendra finalement pas danser Don Quichotte. C’est Ludmila Pagliero et Karl Paquette qui danseront deux fois de nouveau le ballet. Allister Madin en chef gitan, Laura Hecquet en reine des dryades. Suite de la distribution, clic.

Vincent Chaillet dans Don Quichotte

La soirée Forsythe Brown se joue toujours à Garnier. Pour ma part j’y retourne le 31.
Si vous souhaitez y aller, infos et réservations, clic.

Akram Kahn a beaucoup séduit Elendae qui en a fait part sur son compte twitter, clic. Je découvrirai ce spectacle samedi soir pour ma part.

Plan B d’Aurélien Bory se joue au Théâtre du Rond-Point. J’avais découvert ce metteur en scène de cirque à la Villette en début de saison dans un spectacle prometteur, clic. Dans ce spectacle, Aurélien Bory explore les désirs de l’homme de transformation de sa physicalité. Un monde comme dans Matrix bientôt possible ?
Plus d’infos et réservations, clic.

  • Les émissions de Noël

Quand la danse n’est pas diffusée après minuit, elle l’est un peu pendant les fêtes. Mercredi 26 décembre, soirée 100% danse sur France 2.

On commence avec un téléfilm, Fais danser la poussière, de Christian Faure. Ce film raconte l’histoire de Maya, une enfant métisse, qui n’a jamais connu son père, et qui se retrouve un peu perdue dans une famille recomposée. Elle décide de s’investir dans sa passion à fond, la danse. Elle intègre une compagnie de ballet à New-York. Ce téléfilm raconte à sa manière l’histoire de Maya Dô, danseuse chez Alvin Ailey. La réalisation est bonne d’après plusieurs critique.

Fais danser la poussière Copyright photo Tatiana Seguin

La soirée se poursuit avec Une vie, un destin, consacré à Rudolf Noureev. L’émission de Laurent Delahousse brosse le portrait de la légende de la danse. On n’apprendra pas grand chose si on a déjà lu plusieurs ouvrages sur Noureev, mais c’est toujours bien de voir des images du beau russe.

Rudolf Noureev le prince russe

Pour finir, La danse à tout prix, est un documentaire qui a suivi quatre danseurs. François Alu, Léonore Baulac, Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau. L’équipe a suivi ces quatre danseurs jusqu’au concours, où chacun doit se dépasser.

  • En vrac

Plus qu’un jour pour faire les courses de Noël, si vous n’avez pas d’idées faites donc un tour à la Galerie de l’Opéra de Paris. Vous y serez très bien conseillé. J’ai eu récemment le DVD La danse au travail, pour les passionnés de danse, c’est un cadeau parfait… Guillem, Forsythe… vous serez comblé !

A lire, un article d’Ariane Bavelier, Les bienfaits du Tsar Noureev, clic. Une bonne lecture avant de voir le documentaire sur France 2 mercredi soir.

Revoir pendant 7 jours Cendrillon de Joël Pommerat sur Arte +7, clic. Relire ma chronique, clic.

Revoir l’émission sur les ballets de Monte-Carlo diffusée sur France 3 samedi soir, clic.

  • La vidéo de la semaine

Superbe Dorothée Gilbert, si vous l’avez raté comme moi, consolez vous…Voilà une Kitri qui envoie à fond dès le premier acte .

Week-end à Bruxelles 1 : musée Magritte & Cendrillon de Joël Pommerat

Vendredi soir, direction Bruxelles alors que la neige tombait. Arrivée à la gare du midi, j’ai retrouvé des amis qui m’hébergeaient pour l’occasion. Nous arrivons avenue Louise, joliment décorée pour les festivités de fin d’année. Il fait froid mais j’aime les vraies ambiances de décembre.

Après un réveil sous le soleil qui inonde l’appartement, direction le musée Magritte. Nous commençons par prendre l’ascenseur qui dévoile un corps de femme à mesure que nous montons. Le décor est posé, bienvenue chez le maître du surréalisme belge. Le musée est sur trois étages, il faut commencer par le plus haut. Trois étages, trois grandes périodes de sa vie de peintre et d’homme. Le musée est assez sombre, sans fenêtre dans les salles d’exposition, mais présente un Magritte peu connu du public français. Nous avons eu une conférencière passionnante, qui a mené cette balade avec beaucoup d’amour pour le peintre.

Au premier étage, on découvre les débuts du peintre. Magritte est l’aîné d’une fratrie. Sa mère dépressive s’est suicidée dans une rivière avec un linge blanc autour de la tête, élément qu’on reverra beaucoup dans ses peintures, même si Magritte n’a jamais évoqué cet événement tragique. Magritte a étudié le dessin et la peinture et il débute tout naturellement en faisant des affiches publicitaires, des couvertures de magazines de mode, des couvertures de partitions. Lui même s’essaie à la musique sous le nom de René Georges. Ce pseudonyme, il le prend en hommage à sa femme Georgette, qu’il a rencontré à 20 ans. Les premières peintures de Magritte sont dans une technique lisse. On trouve des couleurs plutôt sombres, mais déjà les premiers thèmes de MAgritte qu’il utilisera plus tard, comme le grelot ou des lettres détournées.

Le deuxième étage est consacré à la période parisienne de Magritte. Celui-ci, adepte des idées d’André Breton décide de réunir ses économies pour partir s’installer à Paris. Magritte n’est pas un bourgeois et ne tient pas à vivre dans le centre de Paris. Il s’installe en Seine et Marne, avec Georgette. Il va beaucoup produire et cette période va être féconde. Magritte n’est pas un surréaliste comme Dali, qui donnait à voir son propre inconscient dans les tableaux. Magritte veut que le spectateur soit actif devant le tableau. Il utilise des éléments qui doivent suggérer des choses chez le spectateur. C’est au public d’avoir une démarche introspective ; il ne s’agit pas de chercher Magritte dans ses tableaux, il n’y est pas. Magritte se définit lui même comme un faiseur d’images et les tableaux les plus parlants en ce sens, sont ceux où l’on voit des formes informes dans lesquelles des mots sont écrits. Ainsi en voyant le mot « arbre », chaque personne va imaginer son arbre, chose impossible si un arbre était peint, tout le monde penserait au même mot.

Les titres des tableaux sont assez amusants, du moins surréalistes. Ils sont rarement choisis par Magritte, mais souvent par ses amis, qui passent voir ses tableaux. De fil en fil, de mots en mots ils trouvaient le titre. Magritte n’avait pas d’atelier. Il s’y refusait car il ne se définissait pas comme un peintre. Il peignait en costume trois pièces dans sa cuisine, sans faire de tâches pour ne pas fâcher Georgette.

Il y a une photo de surréalistes sur laquelle apparaît Magritte. Les hommes sont debouts, les femmes assises, telles des prostituées et leurs maquereaux. Après cela, Magritte s’est fâché avec Breton. Ce dernier avait vu autour du cou de Georgette une croix, ce qui était inconcevable dans sa vision englobante du surréalisme. Magritte se sépare des surréalistes, retourne en Belgique et continue à peindre en revendiquant un surréalisme belge.

Pendant la guerre, Magritte est discret. Il fait bien sûr partie des peintres interdits par la dominance nazie. C’est là que commence son obsession pour les oiseaux. La colombe pour la paix, la liberté. Les hiboux et les chouettes, pour la puissance dominante.

Après la guerre, Magritte commence à être reconnu pour son talent. Lui qui avait été très décrié lors de son séjour à Paris, semble à présent intéresser les galiéristes parisiens. Une galerie veut organiser une rétrospective de son œuvre et pour un peu se venger Magritte peint à la hâte une quarantaine de tableaux avec une technique vulgaire. On appellera cette période la peinture « vache » en hommage à cette vacherie.

Magritte revient vers les impressionnistes tant détestés par Breton. Il se réapproprie les couleurs, cherche sans cesse. Il est de plus en plus connu et on commence à collectionner ses tableaux. Pour vivre Matisse fait encore beaucoup de portraits, mais il finit par accepter l’offre de celui qui veut lui ouvrir l’Amérique. Ironique non pour un ancien de Parti Communiste ? Cela marche, les portes de l’Amérique s’ouvrent et Magritte va désormais travailler presque que sur commande. Les surréalistes n’auront pas réussi à faire la révolution qu’ils souhaitaient, ils ne leur restent plus qu’à rire de ce monde. Magritte invente son petit personnage au chapeau melon, qui est le symbole du fonctionnaire belge. Des formes reviennent sans cesse dans ses tableaux ; le grelot, les nuages. Il fait des séries et des variations sur différents thèmes. La visite se clôt sur un magnifique tableau L’empire des lumières. Il en a fait 17 mais celui qui est exposé ici est sans aucun doute le plus beau. Sa construction est parfaite. L’œil plonge d’abord dans l’étang, puis on remonte sur le réverbère, qui a un halo bien plus grand que ce qu’il y aurait naturellement. On est attiré par la lumière chaude des intérieurs, puis le regard montre le long de l’arbre pour arriver dans un ciel bleu parsemé de nuages. On pourrait rester là des heures.

Balade dans la ville, pour ensuite se diriger vers le Théâtre National pour voir Cendrillon de Joël Pommerat. J’avais déjà vu ce spectacle l’an passé à l’Odéon et j’adore cet auteur/metteur en scène, c’est donc avec joie que je revoyais ce spectacle. Pommerat a l’habitude de travailler sur les contes et de les réécrire d’une plume pleine de poésie mais sans complaisance avec le monde. Il donne à voir avec facilité les différentes grilles de lecture d’un conte, sans en dénaturer l’histoire.

La mise en scène de Pommerat est comme à son habitude fabuleuse. Cela commence avec un homme au centre de la pièce. Au mur, des nuages qui défilent et des mots qui apparaissent. « Imagination, lointain, histoire, rêve », la narratrice évoque ces mots qui forment d’emblée le champ lexical du conte et nous abreuvent de tout un imaginaire. On replonge dans l’enfance qu’elle soit cauchemardesque ou enchanteresse. De nouveau chez Pommerat, on met du temps à avoir le nom de l’héroïne car le spectateur la connaît déjà. Sandra, Cendrier, Cendrillon, qu’importe. Elle a mal compris les derniers mots de sa mère mourrante et se jure de penser à elle à chaque instant. Plongé dans le ménage, et dans le souvenir de sa mère, elle n’a pas le temps de considérer sa condition. Les décors sont superbes. Tantôt la maison de verre, tantôt la cave de Cendrillon, les murs se transforment avec une certaine magie si bien que le spectateur ne sait pas comment il se forme.

L’intelligence de Pommerat transforme l’histoire en une leçon de vie. Se détacher de ses parents une fois qu’ils sont morts pour s’occuper de soi, ne pas laisser sa vie filer et regarder autour de soi, s’affirmer face aux prédateurs de la vie. Cendrillon évolue dans ce monde avec seule sa mère en tête, si bien que quand le bonne fée vient, elle l’envoie balader car elle trouble ses pensées. Les scènes avec la fée sont à mourir de rire. Cette grande folle totalement loufoque évoque les premières fois, dont ne devrait pas être blasée Cendrillon. Les lumières sont magiques, on est vraiment en plein rêve. On vit un grand moment de théâtre, que ce soit du point de la mise en scène, du texte ou de la scénographie. Magique…

Texte et mise en scène : Joël Pommerat | Scénographie et lumière : Eric Soyer | Assistant lumière : Gwendal Malard | Costumes : Isabelle Deffin | Son : François Leymarie | Vidéo : Renaud Rubiano | Musique originale : Antonin Leymarie | Interprétation : Alfredo Cañavate, Noémie Carcaud, Caroline Donnelly, Catherine Mestoussis, Deborah Rouach et Marcella Carrara : La voix du narrateur, Nicolas Nore (le narrateur), 

Fin de soirée au restaurant, JoPrincesse V*** et E*** m’ont gâtée. J’ai hâte de prendre le temps de regarder le nouveau DVD qui trône dans ma bibliothèque, La danse au travail. Merci encore à ces trois gentilles fées.