James O’hara

Convergences Le Boléro Cherkaoui/Jalet

En pleine semaine sur le Tricentenaire, pause contemporaine à l’amphi Bastille pour découvrir les premiers mouvements de ce nouveau Boléro.

Brigitte Lefèvre avait la volonté de proposer un nouveau Boléro. Quand on pense Boléro à l’Opéra, on visualise celui de Maurice Béjart, avec sur la table un sensuel Nicolas Le Riche. On peut aussi penser à celui d’Ida Rubinstein. L’Opéra avait donc envie d’une nouvelle chorégraphie. Sisi Larbi Cherkaoui a donc été convié, avec son acolyte Damien Jalet. Les deux chorégraphes ont eu l’envie de travailler avec Marina Abramovic. Le trio formée il ne restait plus qu’à créer.

Il a fallu choisir les danseurs. Ils seront onze sur scène. Parmi eux, ceux que l’on va voir répéter aujourd’hui, Alice Renavand, Adrien Couvez, Alexandre Gasse et Marc Moreau. On retrouvera aussi Marie-Agnès Gillot, Vincent Chaillet, Aurélie Dupont.

Damien Jalet s’avance et le moleskine dans les mains, commence à nous raconter cette aventure. C’est une danse de groupe, contrairement à celui de Béjart. Chacun a son rite par rapport à cette musique. Et là, il faut que chaque danseur prenne part au rituel. La musique est une œuvre imposante, c’est une montagne. Le trio a commencé par écouter l’œuvre de Ravel, de nombreuses fois. La problématique était « comment traduire cette musique physiquement ? ». La première image qui leur est apparue fut la spiral. Spirale ascendante, spirale descendante, car cette musique peut être pour certains apocalyptique. Il fallait donc trouver une gestuelle, qui traduirait cette spirale et en même temps quelque chose de constant. Au centre, rien, du vide, mais ce vide est magnétique. Les danseurs tournent autour d’un axe, mais cet axe se déplace, ainsi on est pas tout le temps dans une verticalité.

L’autre question qui s’est posée est celle de la transe. Vous avez plusieurs façons d’y parvenir, sauter sur place par exemple, mais là Cherkaoui et Jalet sont restés sur l’idée de la spirale, donc tourner. Comme la musique, qui peut amener à cet état, tourner amènera à une transe.

L’exposé de Jalet s’interrompt pour laisser place à la danse. On découvre une première phrase chorégraphique dite « de base ». C’est très beau, très fluide, on voit assez clairement la pâte de Cherkaoui avec cette souplesse dans les membres sans cesse exigée. On reste le regard figé sur James O’Hara, danseur de Cherkaoui, absolument sublime. Les corps sont attirés tantôt par le sol, tantôt par le ciel, tournant autour de cet axe imaginaire à la fois dans leur corps et au centre de la scène.

Boléro Sidi Larbi Charkaoui Damien Jalet

Derrière cette danse, Jalet et Cherkaoui ont eu la volonté d’y mettre une forme de mythologie. au début, les danseurs sont comme des dieux immatériels, chacun dans son univers (ils ne se regardent pas d’ailleurs au début), puis ces dieux se matérialisent dans l’extase provoquée par la danse. Au début, c’est calme d’ailleurs, la danse ressemble à des volutes de fumée.

Les danseurs doivent essayer d’être dans une forme d’opposition dans le corps, pour créer une force d’amortissement.

A partir de la phrase principale, les chorégraphes ont crée des phrases complémentaires appelées « orbite ». Les phrases vont résonner entre elles, et vont s’absorber, comme une émulsion. Ainsi la 3ème phrase, on trouve un premier contact physique, dos à dos. Un peu comme le discours d’Aristophane, dans Le Banquet de Platon, les danseurs sont collés dos à dos, c’est le début de la fusion entre deux personnes.

Jalet commence à corriger les danseurs, même si visiblement ce n’est pas son propos aujourd’hui. Il veut nous donner les clefs pour profiter pleinement du spectacle. Il leur dit d’essayer d’utiliser le minimum d’énergie possible. Il faut jouer sur une forme de résistance, notamment quand on danse avec le corps de l’autre. Il faut penser au dessin de la spirale dans l’espace, il faut que le corps se prolonge.

Si il n’y a pas de solistes dans le ballet, il y a tout de même des formes d’isolations. Un peu comme dans le Sacre de Pina, il y a toujours une personne qui ne fait pas partie du groupe. Un couple qui se scinde et hop un solo démarre. Là encore, cela crée des oppositions par rapport aux phrases déjà existantes. Ce qui intéresse les chorégraphes, ce n’est pas la forme du vase, mais comment le liquide se déplace dans le vase. On voit bien avec les extraits montrés aujourd’hui, que le geste est exploité dans toutes ses configurations, dans toutes ses orientations, décliné et transformé pour former un tout harmonieux, qui va nous faire entrer en transe.

Boléro de Damien Jalet & Sidi Larbi Cherkaoui Aurélie Dupont en répétition

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Marina Abramovic tiendra une conférence publique (en anglais) mercredi 24 à 20h. Gratuit, sur réservation, clic