Fabien Révillon

Tournée de l’Opéra de Paris à Montréal, Paquita attise l’été indien.

Les Québécois n’aiment pas les faux pas. J’en ai d’ailleurs fait les frais en récoltant une amende de 42$ en traversant un passage piéton avant le bonhomme vert… Le ton était donné dès le premier jour. Contrairement à moi, le Ballet de l’Opéra ne fît pas de faux pas et fut bien accueilli.

Théâtre de Montréal

Montréal est une métropole d’Amérique du nord avec son port, ses buildings avec sirènes hurlantes, son grand parc et son quartier des arts dans la lignée d’un «Lincoln center » New-yorkais. Les Québécois sont un peuple attaché au spectacle vivant comme le témoigne l’implantation du cirque du soleil ou simplement la forte présence d’affiches annonçant la venue de l’Opéra National de Paris aux Grands Ballets Canadiens. La « Place des Arts » regroupe plusieurs salles de spectacles dont la fameuse salle Wilfrid-Pelletier. Lorsque que j’ai demandé où se situait cette dernière à un autochtone, je n’ai pas su éviter le lapsus en demandant où se trouvait la salle Wilfrid-Piollet. La salle W-P surmontée, d’affiches toujours à propos de Paquita, ponctue une grande dalle-promenade cernée par un musée, un auditorium et un Starbucks. L’endroit est vivant et étonnement calme. Le temps est maussade et en ce jeudi 16 octobre vers 17h, le quartier grouille de danseurs de l’opéra sortant de répétition et profitant d’un bref instant de répit avant la première. Ce moment n’était pas arrivé depuis 1967 à Montréal date de la dernière venue de l’ONP. Comme toujours lors des tournées à l’étranger les danseurs n’auront eu qu’une journée de libre pour reconnaitre un peu le terrain touristique de cette ville. Frustration légèrement atténuée par la proximité du théâtre avec les hauts lieux touristiques, la dimension humaine de cette ville et de l’efficacité de son métro.

Samedi 18 octobre

Après avoir écumé à pied plusieurs quartiers et restaurants de la ville la veille, place aux choses sérieuses. Ce soir, à 20h, je vais voir Paquita. Les précédentes représentations semblent avoir connu un grand succès avec un public en nombre malgré le coût élevé des billets. J’ai déboursé 70$CAD pour une 4ème catégorie comprenant un angle mort. On ne pénètre dans le bâtiment que par un sous-sol comme lorsque l’on entre dans un building de la défense directement depuis le métro. Les foyers sont vastes, lumineux et surtout dotés de nombreux fauteuils avec petites tables, accessoires dont ne bénéficient pas les spectateurs de Garnier. La décoration est assez « fin des années 60 » sans mal vieillir pour autant. Ici, la bourgeoisie Montréalaise s’offre à mes yeux sans lourdeurs et affiche une moyenne d’âge assez basse. On y boit, on y cherche la bonne porte pour accéder à sa place, les sponsors sont bien visibles. Ironie du sort Air France partenaire de la tournée a infligé un rare incident commercial à certains danseurs avec un retard de 10h à l’arrivée à Montréal.

Paquita Montréal

Je m’installe dans ma loge de côté lorsque la causerie de présentation du spectacle vient de se terminer sur la scène du théâtre avec Agnès Letestu comme invitée. Cette dernière ne manquera pas de saluer de nombreux admirateurs et signer des autographes assise sur le proscénium avec son ravissant sourire. Un programme souple de 64 pages en couleur est offert, il comporte de belles photos, l’argument du ballet, le générique et les habituelles publications institutionnelles. Le spectacle va commencer, le noir se fait, les personnes âgées toussent une dernière fois, les cordes finissent de s’échauffer pendant que la voix enregistré rappel qu’il est interdit de filmer ou de prendre des photographies. C’est Faycal Karoui, un grand habitué de l’Opéra de Paris et des salles nord-américaines qui dirige ce soir l’orchestre des Grands Ballets Canadiens. Paquita commence, et, dès le lever de rideau, on sent un murmure de fascination de la part du public. Ce même public qui fait preuve d’une grande spontanéité et d’honnêteté. Il n’hésite pas à éclater de rire sans retenue lorsque Laura Hecquet brise une assiette pour faire diversion pendant la scène de la « Paëlla ». Il en va de même pour la pantomime également très réussie de François Alu. L’acte 1 aura été marqué par la blessure d’Arthur Raveau en sortant de la première phase du Pas de 3. Il est remplacé après les variations de ses deux partenaires par Fabien Revillon qui aura très bien assuré la continuité. Arthur Raveau précise sur sa page Facebook qu’il souffre d’une rupture du tendon d’Achille et devra subir une opération. Souhaitons-lui un prompt rétablissement. Les tournées peuvent parfois réserver des scènes n’ayant pas le même comportement que Bastille ou Garnier et peuvent provoquer des accidents mais j’ignore si cela est la réelle raison de l’accident d’A Raveau.

Le Ballet se termine en apothéose, un public debout, applaudissant sans retenue le couple du soir formé de Laura Hecquet (Paquita) et Karl Paquette (Lucien). Laura Hecquet a fait une très belle prestation et remporte un très vif succès. Pari réussi pour elle dans cette prise de rôle. Cette représentation s’inscrivait dans une série de 5 spectacles en 4 jours, on peut donc saluer le corps de ballet d’avoir assuré ce défi physique avec brio. Le spectacle est fini et la foule quitte la salle en rivalisant de superlatifs à propos de cette Paquita, les petites filles miment des pas de danse fatiguant le bras de leur mère.

Laquita Montréal 2

Paquita fait donc figure d’excellent produit d’exportation pour les aficionados d’Amérique du nord, friands de romantisme à la française. Souvent critiqué à Paris, ce ballet me plaît. Le Pas de 3, la Paëlla, les tambourins, le poison, le bal… tants de morceaux efficaces dont je ne me lasse pas. Les américains s’ils vont admirer le ballet de l’opéra, c’est bien pour le répertoire classique et non une quelconque aventure contemporaine hors-sujet. De la même manière que des Français viennent au Canada admirer des lacs, chutes d’eau ou une forêt poly-chromatique d’automne. Le répertoire a été mis en valeur et a probablement fait oublier l’arrivée rapide de l’hiver ce jour-là à Montréal.

Un dernier jour off permettra aux danseurs de se reposer ou de visiter certaines contrées du Québec avant de repartir à Paris. Cette tournée est une réussite pour les Grands Ballets Canadiens, qui auront réservé un accueil chaleureux et d’excellentes conditions de travail au Ballet de l’Opéra de Paris. Après Chicago et New-York l’an dernier, la réputation est belle et bien renouvelée outre-Atlantique.

 

Les incontournables à Montréal 

Fairmount Bagel : Bagels cuits au feu de bois et revendiquant le premier bagel dans l’espace.
74, rue Fairmount ouest Montréal (Québec) H2T 2M2

Le musée de la Pointe-à-Callière : Musée retraçant l’histoire de Montréal, ludique et très instructif.
350 Place Royale, Montréal, QC H2Y 3Y5

Le jardin botanique : Jardin d’acclimatation version Montréal
4101 rue Sherbrooke Est, Montréal, QC H1X 2B2

Le Parc du Mont-Royal : superbe espace boisé affichant une grande palette de couleur et offrant un beau panorama sur toute la ville.

Olive & Gourmando : lieu pour un brunch idéal avec sandwich petit-dejeuner et soupes remarquables.
351 Rue Saint Paul Ouest, Montréal, QC H2Y 2A7

Café du nouveau monde : restaurant très sympathique à proximité de la place des arts, je vous conseille l’aile de Raie avec le quinoa.
84 rue St Catherine, Montréal

Article écrit par Ploutim merci à lui !

Les désordres admirables de Samuel Murez

Désordres avec Samuel Murez, Lydie Vareilhes, Takeru Coste, Ludmila Pagliero, Matthieu Botto, Léonore Baulac, François Alu, Fabien Révillon, Hugo Vigliotti, Laura Hecquet, Jérémy-Loup Quer. Représentation du samedi 8 juin 2013 au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison.

Samuel Murez est un artiste est un artiste très doué. Quand on voit la qualité de son spectacle et le bonheur qu’il procure, on se dit qu’on aimerait voir plus souvent ce type de talents mis en avant sur la scène actuelle française.

Désordres est un spectacle comme on a peu l’habitude d’en voir dans les théâtres parisiens, car il mêle l’exigence technique classique, à une scénographie ultra léchée, le tout avec un fond humoristique qui emmène petits et grands. Ceux qui s’attendaient à un gala de danseurs pouvaient rester chez eux, Désordres, c’est bien plus que cela.

Désordres 3ème étage Samuel Murez  photo Julien Benhamou

 

Le spectacle est composé d’une suite de pièces qui met en scène la virtuosité et l’élégance chorégraphique. Ainsi la valse qui ouvre le bal donne le ton. Tout s’enchaîne avec une belle fluidité. Les difficultés techniques semblent inexistantes. Les danseurs utilisent l’espace et leurs qualités techniques comme rarement. La diversité et la complexité des chorégraphies écrites par Samuel Murez permettent de voir l’étendue des danseurs du groupe. Dans Quatre, Matthieu Botto, François Alu, Fabien Révillon et Hugo Vigliotti se montrent plus virtuoses que jamais. Les sauts sont époustouflants, les tours n’en finissent pas de tourner. Tout est impeccablement réglé sur la musique et dans l’espace. Takeru Coste est un éblouissant partenaire avec Ludmila Pagliero. Ils créent ensemble ce pas de deux très sensuel alors que les instructions techniques sont leur seule musique.

Les pièces qui composent le spectacle sont liées par une narration fantastique. Un chapelier nous guide vers cette aventure où l’on va croiser le désormais mythique duo de « ME2 » qui se démultipliera en me9. L’unité sonore est elle aussi assurée. On retrouve des jeux de sons, qui se déclenchent à la suite de certains mouvements, comme dans Book Dance, où les protagonistes s’électrocutent entre eux. Les personnages ont une identité forte et attirent de façon magnétique le regard. Les personnages un peu gauches de Book Dance sont terriblement charmants. Le personnage du rêveur incarné par Hugo Vigliotti est sans doute le plus fort car c’est celui qui est capable de provoquer beaucoup de tendresse et qui possède un fort potentiel comique, par ses mimiques et son angoisse du monde du travail. Les qualités techniques et artistiques d’Hugo Vigliotti en mettent plein la vue.

Hugo VIgliotti Dans Désordres

Samuel Murez a l’intelligence de comprendre que ce qui fait un spectacle ce sont tous les détails qui le composent. Il ne laisse rien au hasard. Les lumières y sont extrêmement travaillées et sont une grande partie de la réussite. Les douches de lumières qui s’allument ça et là nous surprennent, les nuances des couleurs sont bien ajustées, tout les effets sont réglés au millimètre et à la seconde près. Pas un écart, pas une erreur, le spectacle est tenu de bout en bout, avec brio et on en ressort complètement ébloui. C’est drôle, beau, plein de surprises et de rebondissements. Assurément, un de mes gros coups de coeur de cette saison.

La troupe de 3e étage sera cet été au très prestigieux Jacob’s Pillow Festival du 31 juillet au 4 août.
Relire mon interview de Samuel Murez, clic

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Prix de la danse AROP 2011

 

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©Elendae

Vendredi soir c’est la course, je sors de chez moi en catastrophe, mais je ne sais toujours pas courir en jupe et avec 10 cm de talons. Du coup, je fais patienter la souris, qui je pense, a loupé par ma faute le début du discours. Moi aussi par la même occasion. J’arrive en plein discours d’Héloïse Bourdon, qui semble émue et dont le discours est bien préparé. Héloïse Bourdon, si vous ne la connaissez pas, et bien il va falloir ouvrir vos mirettes pendant les ballets, car c’est quelque chose. 20 ans, une technique incroyable, un des plus beaux ports de tête du corps de ballets, une élégance dans les bras, bref, quand elle est sur scène, elle ne peut pas vous laisser indifférent. L’année dernière vous l’avez peut être vue dans le lac (Czardas, ou les grands cygnes) ou en Rosaline dans Roméo et Juliette. Je ne l’ai pas beaucoup vue danser l’an dernier mais je l’ai vue au concours où elle était une très belle Odette. Le prix est amplement méritée tant la jeune femme fait l’unanimité. Douce et souriante, elle charme l’assemblée.
Juste le temps pour moi d’apercevoir Elendae et de la rejoindre au centre du foyer. C’est maintenant au tour de Fabien Révillon de se voir remettre le fameux prix. Le discours est plus libre, il est plus à l’aise, mais avec autant de sincérité. Petite attention particulière pour Karl Paquette qu’il remercie chaleureusement pour ses conseils et son soutien. L’intéressé en est touché. J’avais beaucoup aimé Fabien Révillon au concours l’an passé. J’avais trouvé qu’il avait une volonté particulièrement forte de montrer ce qu’il avait dans le ventre.

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©Elendae

Les discours et les multiples remerciements terminés, voici venu le temps des petits fours et discussions entre balletomanes. Palpatine et la souris ne sont pas loin. Voilà Joprincesse, twitteuse de choc, mon amie E***. Il n’y a pas beaucoup de danseurs dans la salle ce soir, mais par contre ça grouille de têtes grises qui ne décollent pas du buffet. Résultat, on n’a pas eu accès aux petits fours salés, heureusement on se venge sur les sucrés.. Les bloggueurs, twitteurs & cie, une équipe de choc ( et de gourmands…) ! La conversation continue sur le débat existentiel sur Lyon, à savoir qui fait le week end du 17-18 décembre AROP. J’en suis, ainsi que E***, je crois que Jo va y participer. Reste
plus qu’à convaincre les autres. Si vous hésitez, lisez mon compte rendu de celui fait il y a deux ans. J’en garde un super souvenir. La salle se vide, il faut dire qu’il n’y a plus de champagne au bout d’une heure. On est donc prié de quitter le grand foyer, juste au moment où je me serai bien lancée dans une longue traversée de grand jetés! Qu’importe, je ferai des entrechats avenue de l’Opéra en allant manger un ramen, avec les survivants de cette soirée. Elles sont tout de même très agréables ces mondanités.

Prochain rendez vous mondain : la remise des prix lyriques au Grand Hôtel le 22 novembre.