étoile

Myriam Ould-Braham nommée étoile

APO0476002.jpg

© Agathe Poupeney

Quelle année ! Myriam Ould-Braham a été nommée étoile ce soir dans La Fille Mal Gardée, ballet de Frederick Ashton. On attendait ce titre depuis longtemps pour cette
jeune danseuse, talentueuse et avec des qualités rares. Danseuse atypique, toujours surprenante, ce petit bout de femme a la capacité de prendre les rôles avec un talent certain. La légèreté de ses bras n’est plus à démontrer quand on a vu sa Nikiya, sa force de caractère dans sa Juliette l’an passé, son evanescence dans Naïla. Elle a l’intelligence des grandes étoiles qui savent s’approprier avec un rôle, faire que la technique serve le rôle.

instagr.am4.jpg

© Elendae

Après Josua Hoffalt et Ludmila Pagliero, une troisième étoile vient rejoindre la constellation de l’Opéra de Paris. Merci à Elendae pour sa vidéo vite postée, qui même derrière mon écran, me
donne des frissons.

Félicitations à cette très belle ballerine !

 

Dates importantes :

1996 : entre à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris.
1999 : est engagée à 17 ans dans le Corps de Ballet.
2001 : Coryphée
2002 : Sujet
2005 : Première Danseuse.

Prix Carpeaux en 2002, Prix Massine en 2005 et Prix de l’AROP en 2005.

 

Rencontre Arop avec Clairemarie Osta

LPH0838072.jpg

© Laurent Philippe

J’arrive en retard, de quelques minutes, je manque la présentation de Jean-Yves Kaced et les premières questions de Brigitte Lefèvre. E*** me fait un rapide résumé, qui en gros revient à la bio de Clairemarie Osta. Elle a commencé la danse par les claquettes, elle
en est d’ailleurs championne de France. Elle entre à l’Opéra de Paris en 1988, elle est nommé étoile en 2002, à l’issue de Paquita. Elle a reçu plusieurs distinctions, dont le Prix de l’Arop, une médaille de bronze à Varna, elle est Chevalier des Arts et des Lettres et Chevalier de la légion d’honneur.

Brigitte Lefèvre : Cela a toujours été dans tes projets d’être danseuse ?

Clairemarie Osta : J’avais le projet d’être heureuse avant toute chose. Au moment où je me suis tournée vers la danse, c’était une des
conditions. Pour être heureuse, j’avais besoin de danser. La problématique était donc comment avec cet art, moi j’existe.

Brigitte Lefèvre : Jeanine Monin, qui était ton professeur de danse à Nice, disait « ce sera la première danseuse étoile issue de Nice ». Tu le savais non ?

Clairemarie Osta : Je ne le savais pas. C’est elle en tous les cas qui m’a fait réaliser que j’allais être danseuse.

Brigitte Lefèvre : Ah, tu as du oublier, ta maman m’avait dit que tu le savais. La nomination d’étoile, tes rôles, tout cela ce sont encore des souvenirs très vibrants. J’aimerais que tu nous parles de ta façon d’interpréter les rôles. Je sais que tu apprécies beaucoup le travail d’Isabelle Huppert, qui dit souvent qu’avant un rôle, elle est une page blanche que le personnage et son histoire vont venir combler.

Clairemarie Osta : C’est très mystérieux. J’ai confiance quand j’aborde un rôle, parce que je ne vais pas avoir à l’inventer. J’ai confiance dans le chorégraphe qui a tellement réfléchi pour créer le rôle. Mon travail de mémorisation est très rapide, parce que finalement, tout cela est inscrit dans la musique, dans le style chorégraphique et parce qu’on les a vus plein de fois. J’écoute les conseils des maîtres de ballet. Et puis il y a une part de medium. Il y a une vibration indescriptible, quelque chose de plus large que je ne pourrais expliquer. Il y a Clairemarie et Manon, par exemple. Clairemarie n’est pas sur scène, elle reste en coulisses. Sur scène je vis vraiment l’histoire de mon personnage.
Bon, dimanche, Clairemarie a eu du mal à rester en coulisses ! Il m’a fallu un acte pour que Manon prenne le dessus.

APO0739028.jpg

© Agathe Poupeney

Brigitte Lefèvre : Nous avons eu l’occasion de te voir dans de nombreux rôles. Tu as été la première à danser Tatiana. Quand on est artiste, il y a un moment magique, celui avant que le rideau se lève…Il y a une sorte de cérémonial. Et, quand vous cherchez Clairemarie, normalement, vous le ne la trouvez pas. Pour Onéguine, tu étais assise sur la méridienne, les jambes allongées. Est-ce que tu méditais ?

 Clairemarie Osta : Pas vraiment. Mais ce moment est comme une seconde naissance. Il y a une attente avant le lever du rideau. Le ballet Onéguine est construit avec une tension particulière, il faut se mettre dans cet état d’esprit.

 Brigitte Lefèvre : Parlons un peu de technique. C’est quoi pour toi la technique ?

Clairemarie Osta : Pour moi, c’est découvrir une langue et son goût, et puis ensuite, c’est atteindre un certaine niveau pour pouvoir s’en servir. Après il faut l’entretenir, pour avoir le plus de possibilités, pour être disponible pour les ballets.

 Brigitte Lefèvre : Quel est le rôle qui t’a posé le plus de problèmes ?

 Clairemarie Osta : Ahh ! Je crois que c’est Gamzatti. Je ne l’aimais pas. Je préférais l’autre, non pas ambition ou grade dans les rôles, mais je n’aimais pas ce personnage. Alors j’ai dû me mettre à sa place, me dire qu’elle avait été élevée comme cela, qu’il était normal de vivre ce qu’elle vit avec Solor. J’ai alors pensé qu’il était impossible pour elle de vivre son destin autrement, ce qui me l’a rendue plus sympathique.

Question du public : Pouvez-vous nous parler un peu plus de vos relations et méthodes de travail avec Roland Petit, notamment dans
Clavigo et Carmen ?

Clairemarie Osta : C’était le choix de Roland Petit de me prendre pour Clavigo. Son envie était motivée par rapport au personnage de Marie, qui est l’incarnation du romantisme, de la féminité. Il avait choisi Nicolas (Le Riche, son compagnon à la ville, NDLR) et il fallait que ce soit crédible que je puisse mourir d’amour pour lui. Bien sûr, ce n’est pas si facile, car l’intimité n’est pas la même en scène. Il fallait donc ensuite transcender le rôle. Mais dans le studio, il y avait déjà tellement imaginé dans sa tête. Cela lui est venu très facilement, comme si il l’avait rêvé. L’autre aspect du travail de Roland, c’est son souci que notre qualité de danseur « classique » soit montré. Pour lui, c’est un dessin esthétique, académique. Par exemple dans Carmen, il joue sur l’en-dedans/en-dehors, et cela a un côté très érotique. Mais pas seulement. Il faut faire une 5ème très provancante par rapport à l’en-dedans, pour montrer la capacité que l’on a de faire cette cinquième. C’est un peu « regardez, je suis capable de le faire, c’est magique ! ».

 Brigitte Lefèvre : Roland Petit était un personnage extraordinaire et effrayant ! Il avait une relation compliquée avec les femmes. Il était très marqué par Zizi Jeanmaire. Pour Clavigo, il avait bien sûr choisi son danseur de prédilection qu’est Nicolas Le Riche. Pour le rôle de Marie, il m’avait dit « Vous n’avez pas de danseuse romantique ! ». Roland Petit n’a jamais pu s’enlever l’image de Zizi.

LPH0048062.jpg

© Laurent Philippe

Question du public : Quels sont vos projets ?

 Clairemarie Osta : J’ai envie de profiter. Après avoir pris le visage d’autres, le visage de ma vie réelle m’attend. La relation entre danse et transmission m’intéresse beaucoup.

Question du public : Qu’est-ce qui a changé depuis que vous êtes entrée à l’Opéra de Paris ?

Clairemarie Osta : Je n’ai pas encore fait le voyage en arrière ! D’un côté, il y a l’institution, qui a une mission et cela se passe sans nous. Au moment où on le vit, on a l’impression que c’est à nous. C’est du présent pour nous. Comme toutes les nouvelles générations, on a l’impression qu’on réinvente le monde. On ne fait que passer. Et le temps passe très très vite.

Brigitte Lefèvre : C’est vrai qu’on a la sensation que cette maison nous appartient. Je pars dans deux ans et en fait, on a pas le temps de penser au futur. On ne s’en soucie pas. L’heure des bilans sonne très très tard. C’est une maison magnifique, dans laquelle on reste danseur, même si on ne fait que passer. On se sent héritier de quelque chose. On me dit souvent, « vous leur faites tout danser ». Je réponds non. On danse des choses différentes. D’ailleurs, comment se situe t-on quand on danse en même temps Robbins et Mats Ek ?

Clairemarie Osta : C’est une préparation différente. Il y a une exigence totale dans les deux. On vit un déchirement à chaque fois qu’on quitte un studio pour répéter dans un autre et vice-versa. C’est une manière de se rendre compte de quoi on est capable. On est totalement engagé, on se sent vivant à chaque fois. C’est une alternance qui coûte, pas du point de vue des courbatures, parce que ça ce n’est pas bien, mais c’est quelque chose qui vous apporte beaucoup.

Brigitte Lefèvre : Il y a bientôt la tournée aux Etats-Unis. Tu vas y danser Giselle. Chacun a sa Giselle, quelle est la tienne ?

Clairemarie Osta : C’est un bon exemple de la réalité de la transmission. Quand on est sujet, on doit porter le reste du corps du ballet. J’étais la plus petite, donc la dernière des Willys. Patrice me disait toujours, « il faut qu’on te voit, sinon il y en aurait une de moins ». Ensuite j’ai dansé le rôle des vendangeurs et pour m’échauffer, je dansais le rôle de Giselle. Je vous avais dit « J’espère que vous avez compris ».. Je n’ai pas eu de complexe.

Question du public :  Nicolas Le Riche a t-il été un partenaire particulier ? Parlez-vous beaucoup de danse à la maison ?

Clairemarie Osta : Non, on parle très peu de danse à la maison. Les distributions ne dépendaient pas de moi, j’ai eu beaucoup de partenaires, avec qui j’ai partagé des choses différentes.

 Brigitte Lefèvre : Pour ma part, je ne tiens pas particulièrement à ce que les couples dansent tout le temps ensemble. C’est important de construire sa propre carrière.

Question du public : Vous avez un regard très réfléchi, très structuré sur votre art. Avez-vous eu le désir de chorégraphier vous même ?

Clairemarie Osta : Pour l’instant non. J’ai aimé toute ma place comme interprète.

Question du public : L’émotion peut-elle être aussi forte quand on est danseuse dans le corps de ballet ?

 Clairemarie Osta : Oui, il faut s’en persuader ! Blague à part, il y a des transes indescriptibles dans le corps de ballet, quand on danse toutes ensemble et c’est un privilège souvent féminin. Bien sûr dans Giselle, dans Bayadère. Le Lac des cygnes reste bien entendu inégalé. Il y a une vie du groupe, une inertie. C’est une addition d’énergies.

Question du public : Comment avez-vous vécu le 13 mai ? D’autant que dans le dernier acte votre personnage meurt.

Clairemarie Osta : Quand je danse, je pense que le public vient voir Manon, pas Clairemarie Osta. Là, c’est moi qu’on venait voir. C’était dur. J’avais la frustration de ne pas pouvoir laisser paraître mon émotion intime. Clairemarie était très présente. Tellement, parfois que dans le dernier assemblée, avant de mourir dans les bras de Des Grieux, je me suis dit « oh ben non, j’y vais pas! ». Je sais qu’il y a eu un film j’aimerais bien voir mon visage à ce moment là.

Brigitte Lefèvre : Tu as été nommée étoile en matinée. Tu as fait tes adieux en matinée, pour tes filles. Elles sont danseuses ?

Clairemarie Osta : Non, pas pour l’instant, elles sont trop jeunes.

APO0402030.jpg

© Agathe Poupeney

 

Rencontre Arop avec Laurent Hilaire

654442_sans-titre.jpg

© Anne Deniau

 

Première rencontre AROP pour ce deuxième semestre et c’est Laurent Hilaire qui va partager avec nous, pendant une heure et demi, sa vie de danseur, de maître de ballet, associé à la direction de
la danse. Brigitte Lefèvre  commence la conversation, puis ce sont les membres de l’Arop qui la continuent, la directrice assistant à la représentation Robbins/Ek.

 

Brigitte Lefèvre : Je ne cache pas tout l’admiration que j’ai pour Laurent Hilaire. J’étais même une groupie quand il était danseur.

Je voudrais évoquer quelque chose qui m’a beaucoup touché, c’est la transmission du ballet Bayadère. Beaucoup se souviennent de Laurent, héroïque Solor. C’est un rôle extraordinaire, où on
imaginait mal quelqu’un d’autre que lui et aujourd’hui, des danseurs nous prouvent qu’ils peuvent prendre la relève. Je suis touchée que ce soit Laurent Hilaire qui transmette, non seulement le
rôle de Solor, mais surtout tout le ballet. Il a remonté l’ensemble de la production, pour revenir à ce qui a été fait la première fois. L’objectif est de revenir à l’origine tout en sachant
qu’on voyage.

 

Je vais commencer par une question simple : pourquoi as-tu fait de la danse ?

 

Laurent Hilaire : En fait j’ai commencé par la gymnastique. Et puis j’ai déménagé et je suis arrivé dans un club qui était un peu moins bien.
J’avais 7 ans et toute l’attention était portée sur moi, notamment en compétition. J’ai aimé ce premier contact avec le public. Ensuite, c’est un concours de circonstance. Un copain de mon frère
faisait de la danse et il paraissait que c’était bien. J’ai eu un professeur intelligent qui ne m’a pas gardé pour faire le rôle masculin dans le spectacle de fin d’année. Je suis donc allé
passer le concours de l’école de danse que j’ai eu. J’ai eu la chance très tôt de monter sur la scène de l’Opéra, car j’étais petit page.

 

Brigitte Lefèvre : Est-ce que la gymnastique t’as aidé ?

 

Laurent Hilaire : Oui, ça aide à ne pas avoir peur dans les sauts. En gymnastique on n’a pas peur de se propulser. Quand on n’a pas d’appréhension
pour sauter et se lancer en l’air, c’est 50% de la réussite d’un pas athlétique.

 

Brigitte Lefèvre : Est-ce qu’il y a un professeur, qui t’a donné plus ?

 

Laurent Hilaire : Oui, il y a Alexandre Kalujni (pardon pour l’orthographe). Il dirigeait la classe d’étoile. A l’Opéra, on prend les cours en
fonction de sa classe, quadrille, coryphée, sujet, premier danseur, étoile. Ce professeur m’avait donc proposé de venir. Il était athlète et avait un grand sens de la musicalité. Il m’a appris à
sauter sur le 1. Cela veut dire qu’on attend pas le « et » quand on compte 1 et 2. En fait, cela permet de rester plus suspendu en l’air. Il proposait aussi un merveilleux travail d’articulation,
de travail du corps. Les gens qui voulaient avancer, allaient travailler avec lui. En tous les cas, c’est toute la base de mon travail, qui m’a permis de tenir jusqu’à la fin de ma carrière dans
de bonnes conditions. 

 

Brigitte Lefèvre : Tu as rencontré Noureev dans ce cours, non ?

 

Laurent Hilaire : Oui, toujours dans la classe, j’étais dans mon coin, et là je vois entrer Rudolf Noureev, en sabots, peignoir, bonnet, thermos.
Il regarde la salle et vient se mettre à la barre à côté de moi. Je me suis dit « oh ça va être compliqué ». Il avait ce regard inquisiteur. Il ne me restait plus qu’à travailler. J’ai travaillé
pendant un mois à côté de lui, c’était ma première rencontre avec lui. Il a du voir le danseur que j’étais. quand il est revenu à Paris, il m’a choisi pour danser aux Champs-Elysées pour danser
avec Elisabeth Maurin.

 

Brigitte Lefèvre : Je pense que Laurent Hilaire a une sincérité artistique, parce qu’il donne tout ce qu’il sait. C’est sa noblesse, comme dans le
rôle de Solor.

 

Laurent Hilaire : Il faut que je vous dise qu’en coulisses, Brigitte me salue comme dans la Bayadère avec la main sur le front ! (rires).

 

Brigitte Lefèvre : ah si tu donnes toutes nos privates jokes ! Revenons à Noureev. C’était un moment très particulier quand il est arrivé à la
tête de cette compagnie. Il y avait une ferveur dans la troupe, et en même temps, Noureev a été très rejeté. Et puis, il y a eu cette Bayadère avec ce trio Hilaire/Guérin/Platel et tout le monde
a en tête ce trio là. Tu nous as parlé de technique, qu’est ce que tu peux nous dire sur la théâtralité ? Comment tu fais pour transmettre la théâtralité, car il y en a beaucoup dans
Bayadère ?

 

Laurent Hilaire : En fait, dans tous les ballets, il y a un schéma qui est très clair, et dans ce schéma, il y a finalement une grande liberté. Je
pense à Josua Hoffalt qui a pris possession du rôle et j’ai une grande satisfaction à le voir danser. Je suis retourné aux sources, c’est un mouvement à faire si l’on veut redonner du sens aux
choses. Il faut rendre la simplicité comme une évidence. Ensuite les choses peuvent évoluer. On peut faire évoluer un personnage sans le dénaturer.

 

Brigitte Lefèvre : Tu as dansé Le Parc, à sa création. Aujourd’hui, tu le transmets aussi. Tu vois une évolution ? Comment tu
appréhendes la technique ?

 

Laurent Hilaire : Il faut s’imprégner de l’ambiance qu’un chorégraphe met sur un plateau, comment il organise le travail. Il faut regarder et se
demander quelles sont les priorités. il faut observer la façon dont un chorégraphe s’adresse aux danseurs, comment il leur parle, comment les danseurs s’imprègnent du style. Un danseur a besoin
de digérer.

Rudolf Noureev donnait peu d’indications par exemple. Il pensait que la chorégraphie suffisait et nourrissait le danseur. Les ballets de Rudolf sont difficiles, en cela.

D’autre part, il faut toujours se mettre en tête quand on est danseur l’idée d’aller plus loin. Il n’y a jamais aucune économie. Quand on met un pied en scène, l’énergie doit être totale. que ce
soit difficile c’est notre problème. On se nourrit de sa propre énergie. C’est à ce moment là, qu’on est suspendu et que c’est magique.

 

Brigitte Lefèvre : Maintenant tu es associé à la direction. Comment ça se passe ? Tu regrettes le temps où tu dansais ?

 

Laurent Hilaire : Je n’ai aucune nostalgie. J’ai fait de belles rencontres. C’est grâce à toi, si à la fin de ma carrière j’ai pu évoluer vers ce
métier de maître de ballet. Pour moi remonter un ballet, c’est lui redonner de la vie. Mais se trouver face à 80 danseurs, ce n’est pas facile. On ne cesse d’apprendre. C’est une véritable
épreuve que l’on arrive à transcender.

J’ai mis plus de temps à transmettre avec les filles. D’abord parce que la technique de point m’était inconnue. Je n’ai jamais dansé la belle-mère dans Cendrillon.

 

Brigitte Lefèvre : Quand j’ai pensé à toi comme maître de ballet, associé à la direction, Patrice Bart m’a dit que je faisais un très bon choix.
Vous êtes différents, dans le style, dans le répertoire. De toutes façons, c’est difficile de satisfaire 154 danseurs, si on y arrivait ce serait extraordinaire, alors on essaye de faire les
meilleurs choix.

 

Laurent Hilaire : J’ai des convictions. Je crois qu’elles sont bonnes. C’est un défi que cette fonction. En ce moment dans Bayadère, il faut
rassembler autour de soi une dynamique pour faire respirer 32 ombres ensemble. Il faut qu’elles s’écoutent entre elles. Il faut qu’il y ait une résonance entre les danseuses. Chacun doit
travailler pleinement et chacun dans ses responsabilités. Je suis très attentif à appliquer mes convictions. On peut demander beaucoup aux danseurs techniquement. Après chaque représentation est
un nouvel enjeu. Il faut se fixer un objectif. On doit être à l’écoute de ça. Cet engagement a un intérêt commun. Ainsi la scène devient un carré magique.

Il ne faut jamais perdre de vue qu’on est au service d’une oeuvre, d’un public. Le jour où un danseur perd cette notion là, cela devient un fonctionnaire, au sens péjoratif du terme. On perd le
côté artistique.

 

Brigitte Lefèvre : C’est vrai que l’Opéra de Paris est une compagnie reconnue dans le monde entier. C’est sans doute un des plus beaux répertoires
au monde. En outre, l’adaptabilité est de plus en plus rapide. il y a quelque chose qui s’inscrit déjà dès l’école de danse. Les danseurs ont déjà beaucoup d’appétit. L’éclectisme c’est quelque
chose de fort.

 

Laurent Hilaire : J’étais à la création de In the middle. On allait au delà. C’est un moment qui aide à construire. Au début, on était
nombreux, puis peu à peu, cela s’est vidé. Seuls les jeunes sont restés. On avait envie de vivre quelque chose de différent.

 

Question : A l’école française, on travaille beaucoup sur le pied. Qu’en est-il du haut du corps ?

 

Laurent Hilaire : Lacotte apprenait la respiration. Il disait « marquez mais faites les bras ». J’insiste désormais beaucoup là dessus. Je pense
souvent à l’école russe pour les bras. C’est toujours bien de s’enrichir. J’ai beaucoup dansé au Royal Ballet. Dans les scènes, où le corps de ballet fait un peu décor, tous les danseurs étaient
dans leurs rôles. Il n’y avait aucune retenue. Il y a une vraie tradition théâtrale.

Quand on arrive à vivre pleinement comme on vit un rôle c’est une véritable création. Quand on a conscience de soi même, de ce que l’on fait, on arrive à quelque chose d’assez exceptionnel. C’est
un état de bonheur, de grâce. Je le souhaite à tous les artistes.

Aujourd’hui, je suis tourné vers le présent et je me passionne pour ce que je fais. Il faut essayer de donner les clefs, sans oublier que l’on peut pas aller plus vite que la maturité, la pudeur.
Chaque danseur est différent. Il faut savoir et sentir à quel moment on peut pousser un danseur. Sur scène, on est seul face à ce challenge qu’est une représentation. Il faut donc laisser de
l’autonomie à l’artiste, car sur scène, il ne pourra s’en remettre qu’à lui même. Il faut donc aller au delà du confort. En fait, il n’y a pas de règle, donc il faut aller sur la scène, toujours
avec le même investissement. Je leur dit souvent de se donner les moyens. C’est un travail de l’esprit. Je vais vous donner un exemple avec Rudolf Noureev. Un soir de décembre Rudolf m’a appelé
pour un Gala du 31 décembre. Rudolf n’est pas quelqu’un à qui l’on dit non. Il m’annonce au téléphone toutes les chorégraphies que je devais danser ; plus de trois que je ne connaissais pas. J’ai
regardé les vidéos toute la nuit, le lendemain j’ai pris l’avion et le soir je dansais. Je ne me suis pas posé de question parce que je n’avais pas le choix. On peut faire des choses qui nous
dépasse. J’ai un souvenir de La Belle aussi avec Sylvie Guillem, où j’avais du me surpasser. La soirée de nomination de Ludmila illustre bien ce que peut être notre métier.

 

Question : Vous avez parlé de Sylvie Guillem. Cela pose la question du rapport avec l’institution. Quel est votre rapport justement
avec cette institution ?

 

Laurent Hilaire : Sur le fond ça n’a jamais été un problème. J’ai toujours assumé un côté et l’autre. J’ai réussi à m’organiser. C’était important
pour moi d’aller voir d’autres publics, j’avais besoin de rencontrer d’autres choses.

 

Question : Vous avez pensé à quitter l’Opéra ?

 

Laurent Hilaire : Oui une fois pour des raisons de structure. Mais le directeur de l’Opéra de l’époque a su me retenir. Pour revenir à Sylvie,
c’est quelqu’un de très entier dans sa façon de partager. Elle ne tire jamais la couverture à elle. On est dans un rapport de vérité, de sincérité avec elle.

J’ai plein de souvenirs de rencontres, de personnes, je pense à Ghyslaine Thesmar, qui est une personne rare, qui parle de la danse avec beaucoup de couleurs. J’ai un souvenir aussi de Pavarotti
sur scène qui fut un éblouissement. C’est cela que je cherche. Le meilleur souvenir que j’aimerais laisser c’est l’émotion.

 

Question : Avez-vous fait des découvertes dans la Bayadère ?

 

Laurent Hilaire :  Déjà le tableau ! C’était toujours mon visage dessus ! On y a ajouté le visage de Josua, pour la reprise.

Il n’y a rien de plus essentiel que de revenir à la source. Il a fallu que je me mette dans l’optique de Rudolf. Je reprends les vidéos. Il y a des choses qui évoluent. La chorégraphie se suffit
à elle même. Il y a aussi bien sûr le travail du chef d’orchestre, qui met en valeur la musique et avec le ballet c’est formidable.

 

 

 

 

 

 

 


 

Partager l’article !
 
Rencontre Arop avec Laurent Hilaire:

© Anne Deniau

 

Première rencontre AROP pour ce deuxième semestre et …

La Bayadère au cinéma

apo0888031.jpg

© Agathe Poupeney

Je n’avais jamais pensé aller voir un ballet de l’Opéra de Paris au cinéma, Garnier étant à 5 minutes de chez moi. Il se trouve que j’ai eu deux invitations par Pathé Live suite à un concours. J’avais déjà vu des retransmissions du Bolchoï en direct, qui sont d’une grande qualité.

Je rejoins la salle Marignan sur les Champs Elysées, accompagnée de mon professeur de danse. On commence par être stupéfaite par la moyenne d’âge. On frôle les octogénaires. Je pensais que le cinéma aurait l’avantage de démocratiser l’Opéra, mais non. En fait, c’est un public qui n’a sans doute pas eu de places en première catégorie et qui réserve pour le cinéma. La salle est pleine à craquer. Je ne sais pas si le tarif est attractif. C’est 27€, peut être trop cher pour une famille, et tout de même ce n’est pas la même chose qu’être dans la salle.

Le cinéma a l’avantage d’être au plus près de la scène, voire même sur scène. Le désavantage c’est que l’écran est un rempart à l’émotion. On n’applaudit pas au cinéma (même quand on est très tenté !). On écoute la salle acclamer les danseurs. L’autre inconvénient c’est que la caméra fait des choix, et des fois, on aimerait être une petite voix qui lui dirait « Fais un plan large, il se passe quelque chose à cour ! ». On voit par contre mieux les expressions des danseurs et les jeux du visage. Je ne sais pas si les danseurs ont plus de pression du fait d’être vu par des milliers de spectateurs en Europe, mais être filmés de si près laisse peu de droit à l’erreur. On voit aussi plein de choses que l’ont ne peut pas voir, parce que , scoop, on a que deux yeux.

apo0888038.jpg

© Agathe Poupeney

Entre les mains, la distribution n’est pas la bonne. En effet, la belle Dorothée Gilbert s’est blessée, elle devait être remplacée par Mathilde Froustey, qui elle aussi se fait mal. Ludmila
Pagliero qui avait dansé le rôle en 2010, mais pas distribuée dans cette série, est appelée pour danser Gamzatti. Une répétition plus tard, elle abandonne Garnier pour se retrouver à Bastille, elle passe du contemporain au classique avec une certaine aisance. Si Brigitte Lefèvre a donc choisi de la nommer, ce n’est pas un hasard. En tous les cas, c’était la petite surprise de la fin de la soirée. Deux nominations sur une série, c’est un beau cadeau qu’ a fait Brigitte Lefèvre. J’apprends après, que la décision s’est faite une heure avant la fin du spectacle.

Ce fut une belle représentation. J’ai regardé des choses que je ne peux pas voir d’ordinaire. Aurélie Dupont est un diesel incroyable ! Au premier acte j’ai trouvé qu’elle ne dévoilait pas toute sa danse, mais alors au troisième, et de si près ! Diagonale de déboulés époustouflante, bas de jambes superbes. Le pas de deux de IIIème acte était vraiment très beau et plein de sensibilité. Mon professeur de danse, qui a le même âge me disait que c’était souvent comme cela, mais qu’on vit des choses plus fortes, qu’on fait les choses différemment et que finalement on y prend peut être plus de plaisir.

Josua Hoffalt est un Solor toujours aussi élégant. Son titre d’étoile désormais au dessus de sa tête, il m’a semblé plus détendu et a pu montrer son personnage  à travers une danse aérienne et techniquement impeccable. Les sauts dans la coda du troisième acte, notamment les sysones battues. J’aime beaucoup cette coda d’ailleurs je trouve vraiment, que l’explosion finale est belle. Les ombres qui piétinent ensemble, les pirouettes attitudes des trois ombres, les deux diagonales de Solor et Nikiya avec cette poigne, c’est vraiment bien réglé et ça vous emporte. Et en même temps, ça reste irréel, on reste dans une atmosphère surnaturelle. Au cinéma, avec les effets de caméra, cela accentuait ce côté là.

Mention spéciale au sourire de Charline Giezendanner. En danse Manou et en ombre, elle a brillé ce soir par une danse délicate et une énergie débordante. J’ai adoré ses deux variations.

En somme, le cinéma c’est sympa, mais cela ne remplacera jamais la salle, dans laquelle je serai toujours frustrée de ne pas être dans la salle pour vivre l’instant qu’est un spectacle vivant.

LPH0656067.jpg

© Laurent Philippe

  • Distribution du 22 mars 19h30
Nikiya Aurélie Dupont
Solor Josua Hoffalt
Gamzatti Ludmila Pagliero
L’ Idole dorée Florimond Lorieux
L’ Esclave Alexis Renaud
Manou Charline Giezendanner
Le Fakir Allister Madin
Le Rajah Stéphane Phavorin
Le Grand Brahmane Yann Saïz
Soliste Indienne Sabrina Mallem
Soliste Indien Julien Meyzindi
1ère Variation Héloïse Bourdon
2è Variation Charline Giezendanner
3è Variation Aurélia Bellet

 

 

 

Ludmila Pagliero, la bella estrella

201103-024.jpg

© Sébastien Mathé / Ludmila Pagliero

Ce soir, je me suis rendue au Gaumont Marignan, pour revoir La Bayadère. J’avais envie de voir pour la première fois le ballet de l’Opéra de Paris au cinéma. L’expérience fut excellente, je vous en parlerai plus longuement dans un compte rendu détaillé. Au moment où la salle de cinéma s’est rallumée, Brigitte Lefèvre est arrivée seule, sur scène. En remerciant d’abord Ludmila d’avoir remplacé Dorothée Gilbert au pied levé, blessée quelques jours auparavant, elle décide ensuite de lire le discours de Nicolas Joël.

Ludmila Pagliero est nommée étoile, dans ce rôle de Gamzatti. La jeune femme est très troublée, se jette dans les bras de la directrice de la danse, et sur ses lèvres on peut lire « merci merci merci » d’une sincérité émouvante. saluts au public, puis, elle se tourne vers son partenaire, Josua Hoffalt, qui la prend dans ses bras avec une joie non dissimulée. Aurélie Dupont applaudit avec son plus grand sourire et regarde sa partenaire avec reconnaissance.

Ludmila Pagliero est arrivée dans le ballet de l’Opéra de Paris en 2003 après une carrière au Ballet national du Chili, puis un passage rapide à l’ABT. Elle a vite monté les échelons, s’est fait sa place, pas toujours facilement, quand on ne vient pas du « moule » Opéra. Heureusement que l’Opéra de Paris est une institution pleine de contradictions, qui sait récompenser au bon moment les artistes. Aussi à l’aise dans du contemporain que dans du classique, avec une technique impeccable, Ludmila Pagliero est une artiste étonnante car souvent là où on ne l’attend pas. Comme ce soir, elle est montée au ciel des étoiles. Elle brillera désormais encore plus ses rôles. Félicitations à elle !