Eleonore Guérineau

Danseurs chorégraphes édition 2013

Ce type de soirée devrait être organisée bien plus souvent tant les personnalités des artistes de la compagnie sont intéressantes et singulières. Chacun a montré un langage bien particulier, une atmosphère, un style. Narratifs ou abstraits, les pièces présentées ont ravi les spectateurs.

Saluts danseurs chorégraphes

La soirée s’ouvrait avec Premier Cauchemar de Samuel Murez. Chorégraphe désormais confirmé et reconnu, sa compagnie 3ème étage est de grande qualité. Tout comme l’extrait de cette pièce. Fumée blanche, lumière bleutée, un homme en pyjama, les cheveux ébouriffés se retrouve entouré d’une armée de cols blancs, aux yeux figés, presque sanguinaires. Ils vont le harceler, tel des automates mués par un seul objectif. C’est admirablement réglé, rien n’est laissé au hasard. Les passages de groupes avec les mallettes de travail sont très bien ficelés. Des lignes de danseurs se succèdent avec une utilisation de l’espace inventive. Murez a l’intelligence de la construction des ensembles. On se croirait dans l’apprenti sorcier avec cette oppression des hommes en costumes, mais qui est amusante pour le spectateur. C’est très réussi, trop court, il faudra donc absolument voir la pièce en entier.

Interprètes : Hugo Vigliotti (Le Rêveur / Alfred), et Lydie Vareilhes, Laura Bachman, Léonore Baulac, Leila Dilhac, Claire Gandolfi, Camille de Bellefon, Emma d’Humière, François Alu, Jeremy-Loup Que, Antonio Conforti, Takeru Coste, Niccolo Balossini, Axel Alvarez et Loïc Pireaux (les bureaucrates).

Premier cauchemar

On passe dans un autre registre, complètement différent, et plus abstrait avec Deux à deux du jeune Maxime Thomas. On est ici dans la recherche de la forme. Le couple évolue ensemble. Au début, ils ne se regardent pas. Puis, ces deux êtres vont entrer en osmose. Les formes très rectilignes s’adoucissent sans perdre leur qualité. Les danseurs dansent comme les notes passent d’une ligne à l’autre sur la partition. Cela se complexifie à mesure qu’on avance, sans que le spectateur ne se perde.

Interprètes : Letizia Galioni et Maxime Thomas.

Letizia Galloni, Maxime Thomas dans Deux à deux

En attendant l’année dernière, est une pièce très graphique. Fond rouge, seule l’ombre de Lucie Fenwick apparait. A la fois élégante et imposante, elle déploie ses bras tels des ailes. Les formes se répètent, puis le corps disparaît dans une lumière éblouissante. On vit une belle expérience visuelle. Grégory Gaillard fait ensuite évoluer Lucie Fenwick dans l’espace, toujours avec une répétition des gestes. C’est très doux, presque suave par moment, plein de poésie.

Interprète : Lucie Fenwick.

Kaléidoscope est une pièce « signature ». Allister Madin a construit ce Kaléidoscope en 4 volets, qui lui ressemblent beaucoup. Le 1er tableau avec Fanny Gorse est très beau. Elle, sublime dans ce costume de mousseline noire transparente, bouge, très sensuelle. Les mouvements du tissu font à eux seuls chorégraphie. Les teintes d’Espagne ajoutent du piquant à ce solo enivrant. J’ai beaucoup aimé le dernier volet de cette pièce. Les garçons tenaient une corde blanche tendue, tandis que les filles dansaient à cette corde comme on danse à une barre. Ambiance très sombre, seule la corde étaient éclairée et les jeux de lumières avec les corps des filles plongeaient le spectateur dans une ambiance à nouveau très sensuelle et plein de volupté. On ne peut s’empêcher aussi de penser aux pièces de Decouflé, et à celle qui porte le même nom. Allister Madin travers un univers puis un autre, danse, cirque, jeux de lumières, tout cela se mélange dans une forme nouvelle.

Interprètes : Fanny Gorse, Caroline Osmont, Gwenaëlle Vauthier, Camille de Bellefon, Allister Madin et Hugo Marchand.

Fanny Gorse dans Kaleidoscope

J’ai adoré Smoke Alarm de Julien Meyzindi, surtout pour les mouvements choisis et la matière dans laquelle ils étaient produits. Un homme pyromane se détache de son addiction par amour pour une femme. La danse était très en tension, avec des arabesque qui faisaient office de respiration. Les gestes étaient très dessinés dans l’espace, le pas de deux était très fluide. On sentait beaucoup de travail et de répétitions. Rien n’avait été laissé au hasard, chaque pas était mûrement réfléchi, pour faire sens dans la sortie de la caverne de cet homme fou qui s’assagit par amour. J’ai été transporté par le style de Meyzindi, élégant et princier, comme l’est le danseur.

Interprètes : Alice Renavand et Alexandre Gasse.

Alexandre Gasse dans Smoke Alarm

Encore un changement d’atmosphère Songes du douanier d’Alexandre Carniato et Morgane Dragon. On s’installe dans un tabelau du Douanier Rousseau. Animaux et oiseaux se déplacent dans cet univers. On ne voit que les jambes de Letizia Galloni, transformée en un paon magnifique. Les personnages se font tantôt animaux, tantôt charmants gens du monde discutant en mouvement. Aurélien Houette y est, comme à son habitude troublant, tant il est capable de s’approprier tous les langages. Ce rôle lui donne à nouveau un visage fascinant. Charlotte Ranson est délicieuse, et Carniato prend une allure très animale et juste pour mener cette petite troupe. La pièce porte bien son nom ; ce songe nous balade à travers les couleurs d’un tableau.

Interprètes : Letizia Galloni, Charlotte Ranson, Aurélien Houette et Alexandre Carniato.

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La dernière pièce présentée, Stratégie de l’hippocampe de Simon Valastro,
met en scène une famille avec leur chien. On se croirait dans un film tant les costumes et l’ambiance est bien réalisée. La pièce présente les différents rapports qu’il peut exister dans une famille qu’on ne choisit pas. Beaucoup d’amour peut y naître, beaucoup de désamour aussi. On assiste au repas où les enfants se disputent (Eleonore Guérineau est une petite fille telle qu’on pourrait se l’imaginer dans les livres de la Comtesse de Ségur), au deuil de la mère, incarnée par Eve Grinsztajn, qui s’illustre avec beaucoup de grâce  dans un long solo, très bien écrit qui retrace avec brio, les pensées noires, qui habitent l’esprit de cette femme. Il faut également saluer la prestation de Jean-Baptiste Chavignier

Interprètes : Eve Grinsztajn, Éléonore Guérineau, Alexis Renaud, Hugo Vigliotti et Jean-Baptiste Chavignier.

Stratégie de l'hippocampe

Très jolie soirée, on espère que sous l’ère Millepied ce type de soirée se renouvellera, puisque c’est son souhait de créer un espace de création pour que les artistes puissent exprimer aussi leur idées chorégraphiques. Une belle édition cette année en tous, qui mériterait plus de lumières et de dates. Un seul petit regret, aucune danseuse ne s’est essayé à l’exercice. Peut-être dans deux ans !

Concours de promotion Opéra de Paris 2012 femmes

Aujourd’hui a eu lieu le concours interne de promotion de l’Opéra de Paris. J’y ai assisté, je vais vous donner mes impressions qui n’engagent que moi. Merci de rester cordial si vous laisser un commentaire, cet évènement provoque souvent les passions.

Le jury était composé de Brigitte Lefèvre, Laurent Hilaire, Clotilde Vayer, Karen Kain, Christian Puck, Fabrice Bourgeois, Dorothée Gilbert, Ludmila Pagliero, Nolween Daniel, Céline Palacio, Ghyslaine Reichert, Karl Paquette.

  • Quadrilles à 9h30

3 postes à pourvoir

Classement :
1. Sae Eun Park, promue
2. Emilie Hasboun, promue
3. Marion Barbeau, promue
4. Léonore Beaulac
5. Gwenaëlle Vauthier
6. Jennifer Visocchi

Variation imposée : La Bayadère chorégraphie Rudolph Noureev d’après Marius Petipa, Acte III, variation de la Première Ombre, montrée par Clothilde Vayer. Vidéo, clic.

Mes impressions : La variation imposée était très difficile techniquement. Elle présente de nombreux passages périlleux, notamment la diagonale de grand développé. Ne pas finir en cinquième dans les sysonnes du début est impardonnable. Le changement de rythme et d’humeur de la variation n’est pas non plus aisé. On passe de quelque chose de très retenu à une explosion de joie. Qui dit variation très technique, dit malheureusement élimination facile.
Emma D’Humières signe une jolie variation, elle allonge ses mouvements, on la croit immense. Claire Gandolfi est très fluide dans sa variation. Sophie Mayoux est quant à elle très délicate, et pleine d’éclat dans cette première variation. Jennifer Visocchi se distingue par son port de tête majestueux. Miho Fuhji est très belle au début de la variation, mais au changement de tempo, elle semblait plus crispée. Emilie Hasboun et Sae -Eun Park dansent une variation techniquement impeccable.
Côté variations libres, Sae-Eun Park a dominé le concours avec un Grand Pas impeccable. Elle a eu beaucoup d’aisance, de grâce, il n’y a avait pas à débattre ! Emma D’Humières montre de nouveau de belles qualités dans Robbins. Claire Gandolfi s’attaque à Forsythe avec poigne ; elle aurait pu y mettre encore plus de puissance. Jeniffer Visocchi semble prendre beaucoup de plaisir dans sa Juliette, très mutine, elle charme l’audience. Amélie Joannidès m’a séduit par sa fraîcheur et son élégance. J’ai beaucoup apprécié la Giselle de Miho Fuhji, j’aime la retenue de cette danseuse, qui est décidément tout en finesse. Marion Barbeau affirme sa personnalité dans la Flûte. Emilie Hasboun est drôle et pétillante dans Arepo.

Mes cinq favorites : Sae Eun Park, Claire Gandolfi, Emma d’Humières, Emilie Hasboun, Miho Fuhji.

Variation libres :

Gwenaëlle Vauthier, Le Corsaire, variation lente, d’après Marius Petipa.
Jennifer Visocchi, Roméo et Juliette, Acte I variation du bal, Rudolf Noureev.
Marion Barbeau, Suite en Blanc, La Flûte, Serge Lifar
Léonore Baulac, Le Lac des Cygnes, acte III Cygne noir, Rudolf Noureev
Julia Cogan, Casse-Noisette, acte II, variation de Marie, John Neumeier.
Emma D’Humières, The Four Seasons, l’automne, Jerome Robbins.
Leila Dilhac, Dances at the Gathering, la danseuse en vert, Jerome Robbins.
Lucie Fenwick, Bakhti III, Maurice Béjart
Miho Fujii, Giselle, Acte I, Marius Petipa
Claire Gandolfi, In the Middle somewhat elevated, William Forsythe
Emilie Hasboun, AREPO, Maurice Béjart
Amélie Joannidès, Sylvia, Pas de deux, George Balanchine
Lucie Mateci, Suite en Blanc, La cigarette, Serge Lifar
Sophie Mayoux, The Four Seasons, le printemps, Jerome Robbins
Caroline Osmont, Paquita, variation de l’étoile, Marius Petipa
Sae Eun Park, Paquita, Grand Pas, Pierre Lacotte
Ninon Raux, L’histoire de Manon, variation de la maîtresse de Lescaut, Kenneth Mc Millan.

  • Coryphées à 11h40

3 poste à pourvoir

Classement :
1. Marine Ganio, promue.
2. Eléonore Guérineau, promue
3. Pauline Verdusen, promue
4. Laurène Lévy
5. Charlotte Ranson
6. Letizia Galloni
Variation imposée : Don Quichotte chorégraphie Rudolph Noureev d’après Marius Petipa Acte II, scène 2, variation de Dulcinée, montrée par Aurélie Dupont. Vidéo clic.

Mes impressions : Dans cette variation, tout est dans la suspension. Elle compte de nombreux passage délicats. Les fouettés du début bien sûr et aussi les ronds de jambes à la seconde sur pointes avec la jambe pliée. Il faut bien sûr être très aérienne, Dulcinée étant la femme rêvée de Don Quichotte.
Dans cette variation, je suis bluffée par l’incarnation de Letizia Galloni. Je la trouve aérienne, touchante, inaccessible, bref une vraie ombre dans un rêve. Eléonore Guérineau est égale à elle-même, juste dans tout ce qu’elle touche. Charlotte Ranson rayonne, cette danseuse a quelque chose de magnétique dans le regard. Laurène Lévy semble très à l’aise techniquement, elle a aussi de très jolis bras. Laure-Adélaïde Boucaud montre une grande maîtrise lors de la diagonale relevée sur pointes. Marine Ganio est très juste dans cette variation, aussi bien dans la technique que dans l’interprétation.
Dans les variations libres, malgré le fait que je n’aime pas cette variation, Marine Ganio est très belle dans Les Mirages. Très musicale, elle étire le temps et ses mouvements. Elle met beaucoup de nuances dans sa danse. La variation de la danseuse en vert est un bon choix pour Pauline Verdusen. Galloni finit de me convaincre avec sa Gamzatti. Guérineau a tout compris de la sensualité exigé par Roland Petit. Sa Carmen est érotique, tout comme celle de Laurène Lévy, qui séduit par ses longues jambes. L’Esmeralda de Laure-Adélaïde Boucaud est trop sage à mon goût, cela manque de fougue. Malgré un léger déséquilibre  la fin de sa variation, Charlotte Ranson est convaincante dans la variation de l’automne.

Mes cinq favorites : Letizia Galloni, Eléonore Guérineau, Laurène Lévy, Marine Ganio, Charlotte Ranson. 

Variations libres

Lydie Vareilhes, As time goes by, Twyla Tharp
Pauline Verdusen, Dances at the Gathering, la danseuse en vert, Jerome Robbins
Laure-Adélaïde Boucaud, Notre-Dame de Paris, Acte I, Roland Petit.
Letizia Galloni, La Bayadère, acte II, Gamzatti, Rudolf Noureev
Marine Ganio, Les Mirages, variation de l’Ombre, Serge Lifar
Eléonore Guérineau, Carmen, variation de la Taverne, Roland Petit
Laurène Levy, Carmen, variation de la Chambre, Roland Petit
Aubane Philbert, Le Lac des Cygnes, acte II, Cygne blanc, Rudolf Noureev.
Charlotte Ranson, The Four Seasons, l’automne, Jerome Robbins.

  • Sujets :

1 poste à pourvoir

Classement :
1. Valentine Colasante, promue
2. Amandine Albisson
3. Aurélia Bellet
4. Héloïse Bourdon
5. Laura Hecquet
6. Sarah Kora Dayanova

Variation imposée : Le Lac des cygnes chorégraphie de Rudolph Noureev d’après Marius Petipa, Acte II, variation d’Odette, montrée par Agnès Letestu. Vidéo, clic.

Mes impressions : Outre la difficulté technique de la variation, les tours arabesques, les grands développés à la seconde, il fallait bien sûr assurer au niveau des bras !
Il y en a une qui excelle en la matière, C’est Héloïse Bourdon. Cette fille devait être un cygne dans une vie antérieure tant ses bras sont ailés. Amandine Albisson est un joli cygne, ses tours arabesques sont planés. Mathilde Froustey est un cygne comme celui de Baudelaire, avec une sorte de spleen dans le visage, ce qui la rend très touchante. Charline Giezendanner propose elle aussi une interprétation intéressante, tout comme Kora Dayanova, dont les bras n’en finissaient pas de s’allonger. Valentine Colasante est un joli cygne même si j’ai trouvé ses bras un peu raides dans la diagonale de fin. Laura Hecquet est très aérienne et évanescente, elle flotte sur la scène.
Les variations libres ne permettent pas vraiment de départager les candidates. Mathilde Froustey excelle en Carmen.  Aurélia Bellet envoûte avec Bakhti III. Les mirages d’Amandine Albisson sont comme un rêve éveillé. Héloïse Bourdon aurait peut être du choisir un autre registre de variation pour sa libre. On ne découvre pas d’autre aspect de sa personnalité dans cette variation d’Etudes. Kora Dayanova est pétillante dans cette variation de Robbins. Sa danse est fluide, elle impose son style. La Carmen de Valentine Colasante manque de piquant à mon goût. Le tutu de Sabrina Mallem nous réveille, mais je ne suis pas sûre que ce soit un bon choix de variation.
Le classement de cette classe est surprenant. Il a déjà fait couler beaucoup d’encre sur Twitter et Facebook. Je suis pour ma part un peu déçue, mais dans les règles de l’ONP le jury est roi et ce n’est pas demain la veille que cela va changer.

Mes cinq favorites : Ouh là exercice très difficile. Ce qui est sûr c’est que j’aurais promu Mathilde Froustey. Ensuite je dirais Kora Dayanova, Amandine Albisson, Héloïse Bourdon, Aurélia Bellet.

Variations libres

Séverine Westermann, The Cage, variation de la Novice, Jerome Robbins
Amandine Albisson, Les Mirages, variation de l’Ombre, Serge Lifar
Caroline Bance, Clavigo, variation de l’étrangère, Roland Petit
Aurélia Bellet, Bhakti III, Maurice Béjart
Héloïse Bourdon, Etudes, variation de l’étoile, Harald Lander
Lucie Clément, Other Dances, 2ème variation, Jerome Robbins
Valentine Colasante, Carmen, variation de la Taverne, Roland Petit
Sarah Kora Dayanova, Other Dances, 1ère variation, Jérôme Robbins
Mathilde Froustey, Carmen, variation de la Chambre, Roland Petit
Charline Giezendanner, Bhakti III, Maurice Béjart
Christelle Granier, Dances at the Gathering, la danseuse en vert, Jerome Robbins.
Laura Hecquet, Notre-Dame de Paris, Acte I, Roland Petit.
Sabrina Mallem, Sylvia, Pas de deux, George Balanchine
Caroline Robert, Other Dances, 1ère variation,Jérôme Robbins

D’autres impressions ailleurs : Danses avec la plume, Danse Opéra, A petits pas, Impressions Danse,

Dernière de Roméo & Juliette, Gilbert/Hoffalt.

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Samedi, alors que toute la blogosphère se rend à la représentation en matinée pour voir la prise de rôle de Myriam Ould-Braham, moi crevée après mon cours de pilates, je choisis la sieste. Après
le réconfort, l’effort, je file à mon cours de danse classique, et cours enfin à la billetterie où je retrouve Pink Lady qui tentait de nous avoir
des pass.

Dernière soirée Roméo et Juliette, pas encore tout à fait remise de celle de jeudi, c’est avec excitation et pleine d’attentes que je m’installe au fond du parterre. Dès le début du
premier acte
, je me fais la réflexion qu’il y a encore plein de détails dans les costumes et les décors que je découvre. Josua Hoffalt montre d’emblée qu’il est à la hauteur du rôle. Je
suis séduite tout de suite par son visage juvénile et son allure innocente. Un peu joueur, un peu timide, il tente une approche plus fine avec Rosaline. Laura Hecquet interprète cette dernière et le rôle lui va très bien. Elle n’en fait pas trop, joue de ses bas de jambes, tout en restant distante de ce Roméo qui ne l’intéresse pas. Mercutio, Allister Madin, et Benvollio, Yann Saïz, s’accordent très bien autour de ce Roméo. Je ne me lasse pas du combat entre les deux familles que j’avais trouvé la première fois un peu long. Cette partie permet aux danseurs du corps de ballet de montrer ce qu’ils peuvent faire en matière de jeu. Les frappes de pied sur le sol, tout l’inspiration des danses de caractère, que l’on retrouve tout au long du ballet, met bien en valeur les qualités artistiques et techniques de ces danseurs. C’est d’ailleurs plaisant de voir un ballet sans tutu, sans pointes (ou presque!). Les qualités musicales, rythmiques et théâtrales des danseurs sont évidentes, j’apprécie le côté danse populaire de ce passage du ballet. Cela me fait penser à la conférence sur les danses de bal que j’avais vue au CNSMDP. A la fin du combat, Tybalt entre sous les traits de Stéphane Phavorin (réflexion commune avec Pink Lady: « Mais qu’est-ce que c’est que ce bouc peint sur son visage?! »). Ce genre de rôle un peu noir, de personnage mystérieux lui va bien. Je l’avais adoré en Rothbart dans le Lac, il portait une puissance et une majesté qui m’avait tout de suite impressionnée. Il est un
Rothbart très différent de Stéphane Bullion, moins sanguin peut être. Techniquement comme toujours chez Phavorin, c’est très propre et il prolonge toujours les mouvements avec une intensité, une nuance, que j’aime beaucoup. Après l’arrêt du prince, nous retrouvons Juliette dans sa suite princière (tout est princier cette semaine!) accompagnée de ses amies, parmi elles on reconnaît la frimousse de Mathilde Froustey, Charline Giezendanner, Eleonore Guérineau, Daphnée Gestin, de Myriam Kamoinka et Juliette Gernez. Je n’en ai pas beaucoup parlé dans mes comptes rendus précédents, mais là où dans le Lac des cygnes j’avais trouvé que le corps de ballet s’épuisait à mesure des représentations, j’ai trouvé que là, il était parfait. Peu d’erreurs, et surtout on sentait que les danseurs et danseuses du corps de ballet s’amusaient, se faisaient plaisir sur scène. Cela change bien sûr tout le partage avec le public, et le spectacle n’en ai que meilleur.

Revenons à notre chambre de Juliette. Dorothée Gilbert, prend l’option d’une Juliette très joueuse, avec son regard naïf, complètement désintéressée (peut-être trop?) par cet
homme que sa mère et son cousin lui proposent. Je mets un peu de temps à comprendre le personnage qu’elle veut incarner, la couleur qu’elle veut donner à Juliette. En fait, d’un coup j’ai bizarrement la crainte qu’elle joue toujours le même personnage féminin que peut être Swanilda ou Clara. Je n’avais jamais vu Dorothée Gilbert dans un rôle tragique et c’est à ce moment là du spectacle que j’ai un doute.

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Le Bal des Capulets me permet d’admirer une dernière fois Delphine Moussin en Dame Capulet. On ne sait toujours rien de son statut, de sa carrière. Bizarre tout de même les
silences de l’Opéra de Paris à ce sujet. On a l’impression d’un tabou, alors qu’un communiqué de presse simplifierait tellement les choses. Enfin si il n’y avait que cela dans les silences de l’Opéra de Paris. La danse des chevaliers est toujours aussi bien réalisée, et rythmée. Allister Madin montre ses talents de Marcutio et s’en sort à merveille. Les tours sont toujours bien exécutés, et ses sauts ont pris de l’amplitude. Il donne au personnage une fraîcheur et s’amuse de toutes les bêtises qu’il doit éxécuter. Provoquer Rosaline, provoquer Tybalt sans jamais oublier un regard complice vers Benvollio, interprété avec brio par Yann Saïz, Allister Madin montre avec ce rôle (n’oublions pas son Inigno dans Paquita) qu’il a toutes les qualités pour entrer dans la classe des solistes.

C’est dans cette scène de bal que je vois Dorothée Juliette affiner son rôle de Juliette. A la vue de Roméo, son regard devient intrigué et c’est en séductrice discrète qu’elle s’impose sur la scène. Elle se fond parfois dans le groupe qui danse pour en ressortir par le bout de la pointe. Avec Josua Hoffalt c’est un partenariat qui fonctionne très bien. Attentif et rigoureux, il met en valeur sa partenaire tout en oubliant jamais son rôle. Il est un Roméo, lui aussi intrigué par ce sentiment soudain. Il tombe amoureux de cette jeune femme ; il lui dévoile ses sentiments, tout comme il délie sa danse. Il est léger et offre un spectacle très réjouissant.

La scène du balcon est très belle, Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt forment un joli couple. Ils sont deux amants très « dansants », leur amour est bien montré par la danse plus
que par l’interprétation. Ils montrent que la chorégraphie est forte, et qu’elle est narrative sans pantomime. La musique jour aussi son rôle puisque chaque personnage a sa phrase qui revient à un rythme différent pour exprimer les sentiments qui le traversent. C’est une belle démonstration de spectacle vivant dans toute son acception.

R&J2

 

Sur la place principale, je ris beaucoup en regardant Allister Madin et Yann Saïz s’amuser de la nourrice. Je trouve que leur duo est top. Ils sont justes dans leur
interprétation, très très drôles. Arrive le passage des acrobates que j’apprécie beaucoup dans la rigueur du travail de groupe. Je suis par contre en désaccord complet avec les costumes et ce ridicule petit string… passons ce détail technique peu seyant. Les drapeaux, c’est comme les épées, cela fait toujours son effet. C’est impressionnant.

Le mariage par sa simplicité est touchant. La chorégraphie des voeux avec les les bras que respectent Roméo et Juliette en suivant le prêtre, me plaît beaucoup. C’est très
romantique et la complicité du prêtre qui approuve cet amour sincère, dans ce lieu si petit et si obscur, réduit par le jeu des lumières, ajoute sa touche à l’aventure romanesque.

De retour sur la place, Roméo ne dit mot à ses camarades. Mais Tybalt qui se doute de la belle affaire arrive sur la place et ne supporte plus les provocations infantiles de
Mercutio. Phavorin se rue sur Mercutio. J’ai la sensation que tout de suite Mercutio montre sa supériorité d’un point de vue du combat. Allister Madin joue très bien la mort de Mercutio et son visage se transforme à mesure que le sang coule sans que s’en aperçoive ses camarades. De même dans le combat qui oppose Tybalt et Roméo, Tybalt semble bien plus en confiance et à l’aise dans le maniement de l’épée. La prétention n’a rien de bon chers amis, et Tybalt meurt d’un coup de poignard qui plonge Roméo dans un mutisme corporel. Dame Capulet hurle son chagrin sur le cadavre tandis que Juliette est sous le choc. Dorothée Gilbert montre une Juliette qui prend acte du dilemme auquel elle va être confontrée sous peu. Sa saisie du poignard est intime, ça va se jouer
entre elle et elle-même.

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L’acte III met de nouveau en valeur le couple. Tout de blanc vêtus, vierges l’un et l’autre, leur destin ne semble prendre qu’un seul chemin. Les regards ont changé, ils sont
transits d’amour, mais si désespérés. Roméo banni subit une condamnation pire que la mort, à laquelle ne peut se résoudre Juliette. Epouser Pâris ne peut être désormais qu’un cauchemar, duquel elle essaye de s’échapper. Dorothée Gilbert est une Juliette désobéissante mais pas insolente. Elle se résout, à épouser Pâris, une fois le stratagème mis en place avec le prêtre. Le retour des fantômes de Tybalt et Mercutio est parfait. Je l’ai déjà dit mais je vais radoter un peu, ce ballet est un vrai film. Dans le pas de quatre Juliette s’échappe pour laisser s’exprimer sa rage, les autres personnages restent en pause. Le rêve de Juliette donne des aspects fantastiques au ballet. Elle flotte entre les fantômes de Tybalt et Mercutio. Le rêve de Roméo tient plus au domaine du
merveilleux (réflexion de Pink Lady, qui me fait trop rire  » pourquoi il ne rêve pas que de Juliette? »). Sous les oliviers de Mantoue, l’exil semble presque doux et agréable, avec toutes ses
jeunes femmes, telles des vestales. J’aime beaucoup « le passage de relais » entre Juliette et Ebnvollio qui ce soir se passe comme une glissade légère entre les deux interprètes. Dorothée Gilbert et Yann Saïz étirent leurs mouvements, on dirait que le film ralentit. Au réveil le regard affolé de Roméo, au son de la mauvaise nouvelle prend le dessus sur le décor idyllique. Il ne faut pas comparer, mais c’est en voyant Josua Hoffalt que je repense à Matthieu Ganio. Roméo se jette trois fois en arrière dans les bras de Benvollio. Je me souviens donc à ce moment là des sauts de Matthieu Ganio qui étaient si hauts et avec une amplitude défiant la gravité.

La scène du caveau et de la mort des deux amants est toujours aussi marquante. Le cri de Juliette, la mort de Roméo, le coup de poignard dans le coeur, me donnent toujours autant d’émotions. Je ne sais pas si je suis bon public, mais je suis rentrée dans l’histoire une fois de plus et je suis désespérée une nouvelle fois de cette fin tragique.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je dirais pour finir que les trois distributions que j’ai vues m’ont plu. J’ai préféré la distribution Pujol/Ganio qui m’a mis une claque, pardonnez moi l’expression, mais j’ai eu une vraie émotion forte et une révélation pour Laëtitia Pujol ce soir là. Les Mercutio ont été géniaux, Emmanuel Thibaut par son aisance à la scène, MatthiasHeymann par ses sauts si amples et Allister Madin par sa rigueur technique et son jeu. De même, les Benvollio que j’ai vus m’ont enchantés, j’ai beaucoup aimé Christophe Duquenne dans ce rôle,
car parfois j’ai l’impression qu’il est triste, un peu renfermé et là j’ai trouvé qu’il rayonnait, qu’il s’éclatait, et du coup sa danse était impeccable. Les Rosaline m’ont plu mais je regrette de ne pas avoir vu Sarah Kora Dayanova dans ce rôle. La musique était géniale, une vraie réjouissance d’entendre autre chose que du Tchaïkowsky ou du Minkus. Pink Lady m’a donné l’eau à la bouche pour aller voir la version qui se donne à Londres, j’espère que j’aurais un jour l’occasion de voir ça.

  • Distribution du 30 avril 20H00
Juliette Dorothée Gilbert
Roméo Josua Hoffalt
Tybalt Stéphane Phavorin
Mercutio Allister Madin
Benvolio Yann Saïz
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Laura Hecquet

 

Serguei Prokofiev Musique
Rudolf Noureev Chorégraphie et mise en scène
(Opéra national de Paris, 1984)
Ezio Frigerio Décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano Costumes
Vinicio Cheli Lumières