Elena’s Aria

Elena’s Aria d’Anne Teresa de Keersmaeker

Une femme perchée sur des talons entre et s’installe dans un fauteuil, sors un livre et lit. Elle murmure parfois ses mots, c’est une histoire d’amour. Une histoire d’amour d’un point de vue féminin. Elle se lève tout comme le rideau, et le décor apparaît. Des chaises, de toutes les couleurs, rouges, bleues, noires, jaunes, vertes. Au sol, un cercle tracé à la craie au sol. Gare à celui qui voudrait y mettre du sens. 5 femmes sur scène, perchées sur de beaux escarpins noirs, s’observent. Avachies élégamment, de dos, certaines observent les autres qui glissent, dans une chorégraphie douce, d’une chaise à une autre.

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Elena’s Aria est une pièce qui se mérite. Il faut aimer le silence et décrypter les micros mouvements qui se révèlent par touches. Ils vont construire peu à peu une phrase qui ne sera révélée qu’au bout de deux heures. La pièce est comme impressionniste, les mouvements apparaissent, sont repris plus tard. Ils ressortent comme les touches de couleurs d’un tableau. Les couleurs des chaises semblent s’activer. La musique est elle aussi donnée par petits touches. Elle semble venir de loin, du fond de la coulisse de jardin. Puis le silence s’installe, une femme retourne lire un livre.

Elena's Aria

La pièce force le respect et la fascination. Les danseuses semblent entrer en transe, l’espace devient un terrain de jeu. Sur quelles chaises vont-elles aller ? Comment la chorégraphie va t-elle s’agrandir ? Va-t-on à nouveau ressentir ce frisson quand elles tournent sur le cercle ? Voir évoluer Anne Teresa de Keersmaeker est totalement captivant. Sa manière de bouger, la précision de ses gestes, la fluidité de son corps, ainsi que ceux de ses partenaires sont marqués par un langage très riche, très nuancé, qui implique le sol et quelque chose de plus aérien.

La fin de la pièce est extrêmement forte. La phrase chorégraphique est reprise et enchaînée. On entre avec les danseuses comme  dans une transe. Une soufflerie retentit et le rideau se baisse, comme si tout ce qu’on venait de voir était emporté par le vent. Cela a saisi la salle, cela se sent dans l’atmosphère. Les cinq danseuses s’avancent avec des chaises et s’assoient. La sonate en ut majeur de Mozart résonne, comme une petite cantate de l’enfance. Elles dansent sur les chaises, en bougeant seulement leurs bras et leurs bustes. C’est très émouvant car chaque millimètre de peau met quelque chose en jeu. On ressort de la pièce un peu rêveur, avec la sensation d’avoir vécu un voyage en apesanteur.

Avec Anne Teresa De Keersmaeker, Michèle Anne De Mey, Nadine Ganase, Roxane Huilmand, Fumiyo Ikeda.

Nouvelles de 2013 n°12

Retour de l’activité sur le blog après quelques semaines de pause. Pause sur le blog, ne veut pas dire pause sans danse. J’ai assisté à la représentation du Gala des écoles. Ce fut une belle soirée, l’occasion de découvrir la vitalité et l’énergie de toutes ces jeunes danseurs venus du monde entier. Les écoles du monde entier ont eu le privilège et l’honneur de défiler toutes ensemble, c’était vraiment un très beau moment.

Jeunes danseurs dans le petit foyer de la danse

J’ai aussi assisté à la rencontre avec Damien Jalet, qui était toujours aussi intéressant qu’à la répétition publique (clic). Un peu décevant cependant de ne pas avoir entendu Sidi Larbi Cherkaoui sur cette création, il aurait été intéressant de confronter leurs approches et d’en savoir un peu plus sur leur façon de créer à deux. La même semaine, la rencontre avec Marina Abramovic était tout à fait passionnante, même si elle n’avait rien à voir avec son travail qu’elle a fait pour le Boléro. Elle nous a présenté son nouveau projet et a lancé son site internet, clic. La fin de semaine m’avait permis de découvrir une première séance de travail de la soirée mixte. La soirée est très bien équilibré. Les deux Faunes sont un diptyque fascinant. L’oiseau de feu de Béjart avait fait l’objet d’un mauvais procès dans mes souvenirs. J’ai redécouvert cette pièce avec beaucoup de plaisir et je l’ai appréciée je pense, un peu plus à sa juste valeur. Quant au Boléro Cherkaoui/Jalet/Abramovic, j’ai été envoûtée par la scénographie fascinante, les lumières, la chorégraphie tournante. On est presque frustré de ne pas avoir plus yeux pour tout voir car les images sont multiples et se démultiplient sans cesse. Il était bien difficile de prendre des places pour cette soirée et je la découvrirai à la dernière le 3 juin.

Boléro Cherkaoui Jalet

J’ai revu Le petit chaperon rouge de Joël Pommerat à la Maison des Métallos, avec beaucoup de plaisir. J’ai aussi fait un visionnage d’une bonne partie de l’intégrale de Jacques Demy, j’irai bientôt voir l’expo à la cinémathèque.

Je suis allée faire un tour dans l’Allier et j’en ai profité pour découvrir le CNCS. Pour le moment, le musée ne se consacre qu’à des expositions temporaires. Costumer le pouvoir portait sur les différents costumes que l’on put retrouver dans les films, opéras qui représentent les personnages qui ont le pouvoir. On découvre les costumes des Adieux à la reine, de Jeanne d’Arc, de Vatel, d’Atys, etc. Tous plus somptueux les uns que les autres, c’est un spectacle presque vivant de voir ces costumes mis en valeur avec une très belle scénographie.

Costume de la reine dans le Lac des cygnes de Bourmeister

Pour réaliser que nous sommes bien au printemps, j’ai pris la direction de Giverny pour revoir la maison de Monet. A cette saison toutes les tulipes sont magnifiques, les parterres de fleurs sont une orgie pour les yeux. Les touristes sont peu nombreux et on peut déambuler à l’infini le long des allées fleuries ou au bord des nymphéas tant aimés du peintre. La balade fut aussi l’occasion de voir l’exposition Signac. Le peintre fasciné par Seurat, commence lui aussi à entrer dans le pointillisme pour ne plus en découdre. L’exposition est bien pensée, les techniques de Signac et ses aspirations sont bien expliquées.

Maison de Claude Monet

Le printemps boudant toujours la capitale, j’ai fait un week-end 100% expositions. Les parisiens étant en week-end, l’exposition Keith Haring paraissait presque vide. Des bâches en vinyle aux dessins dans le métro, on navigue à travers les différents engagements du peintre. Son trait reste le même et sert chaque conviction. Très prolifique, l’exposition retrace l’esprit bouillonnant de ce peintre. Il suffit de quelques mètres pour se retrouver dans le Palais de Tokyo, et voir l’exposition Julio Le Parc. Art cinétique, une autre manière de percevoir le mouvement. On a envie d’aller plus loin, alors vite on va découvrir l’expo Dynamo au Grand Palais. Un peu trop grande mais fascinante, on erre dans des labyrinthe déroutants, où les repères sont brouillés. Épileptiques s’abstenir mais pour les autres, c’est à la fois déroutant, régressif et très jouissif. A noter, la saison est ouverte pour les cartes Sésame.

  •  Les sorties de la semaine

Anna Teresa de Keersmaecker s’invite au Théâtre de la Ville avec deux spectacles. Cette semaine, juste pour quelques jours, il faut découvrir Elena’s Aria. Cette pièce est une des premières où ATDK a travaillé sur le silence. Oubliez Rain et sa musique répétitive, plongez dans un univers mystique faite de grandes voix auxquelles les corps se suspendent. Dansé par 4 femmes, la pièce est une réflexion sur le silence et la pause, en danse comme en musique.
Plus d’infos et réservations, clic

Elena's Aria (c) Herman Sorgeloos

Bien entendu vous pouvez toujours aller voir la soirée mixte à Garnier et découvrir le Boléro de Cherkaoui/Jalet/Abramovic. Les articles parleront sans doute mieux que moi de ce spectacle :

The Financial Times, Laura Cappelle, clic
Le Monde, Rosita Boisseau, Le Boléro en pleine transe cosmique, clic
Culturebox, L’opéra Garnier pris dans la transe du Boléro, clic
JOL presse, MArina Abramovic revisite le Boléro, clic
La dépêche, Un Boléro irrésistible, clic
Paris Match, Philippe Noisette, Marina Abramovic enflamme le Boléro, clic

MAG dans Le Boléro photo d'agathe Poupeney

  • En vrac

La saison 13 14 du Théâtre du Rond Point est en ligne, clic. A ne pas manquer, Dada Masilo, Golgota de Bartabas, Pippo Delbono, Aurélien Bory et Pierre Rigal, entre autres. Regardez bien la saison, d’autant que les places au Rond-Point sont vraiment abordables.

ITW de Ludmila Pagliero dans Grazia, clic

Un livre sur Eleonora Abbagnato est sorti et est en vente à la Boutique de l’Opéra de Paris, clic

En mai sur Mezzo retrouvez un programme spécial Sacre du printemps avec ceux de Béjart, Nijinsky, Gallotta, Scholz, Delente.

Revoir l’émission Architecture sur ARTE consacré au Palais Garnier, clic

Réécouter Radio Vinyle sur France Inter Avec Blanca Li, clic

  • La vidéo de la semaine