Marcel Schneider me racontait souvent autour d’un bon repas et d’un bon vin dans sa maison de campagne l’impression qu’il avait eue et l’émotion ressentie la première fois qu’il avait vu les ballets russes de Diaghliev à Paris.
Mon coup de cœur va pour l’Après midi d’un faune de Nijinsky. Considéré comme fou, Nijinsky présente dans cette pièce tout son génie et son non académisme. Jugé scandaleux la première fois qu’il fut montré, aujourd’hui il continue d’interloquer les spectateurs. Les spectateurs de ma loge, apparemment novices, semblent choqués, vu leurs commentaires. Pour eux, ce n’est pas de la danse. Or pour moi tout est là. Ces gestes qu’a inventés Nijinsky sont merveilleux. Ils sont chorégraphiés au millimètre près. La justesse de la scénographie, véritable démonstration géométrique, éblouit le regard. La douceur du mythe russe nous enchante grâce à la musique de Debussy. C’est là le grand génie de cette pièce. Elle parvient avec peu de choses à nous replonger
dans des histoires merveilleuses ; petit à petit se bâtit dans notre imagination un univers fantasmagorique alimenté en permanence par l’apparition des nymphes, les sauts du faune et cette danse du voile dans laquelle la séduction paraît sans limite. A mon sens, l’après midi d’un faune est un des plus grands ballets du XXème siècle. Le génie de Nijinsky que l’on aperçoit ici, se déploie entièrement dans le Sacre du Printemps (pour ceux qui ont eu la chance de le voir à Bordeaux, sous la direction de Charles Jude).
Le Tricorne est l’exemple le plus frappant de la collaboration entre artistes. Ici, c’est Pablo Picasso qui a été mis au travail pour la création. Il a réalisé les décors et les
costumes, qui sont sublimes, éclatants de couleurs et de formes. Là encore, le génie russe est à l’œuvre. L’œuvre est totalement hispanique, costumes, décors, musique (par un compositeur hispanique (Manuel de Falla) mais bien sûr chorégraphie. Ceux qui attendent les pointes et les tutus peuvent rentrer chez eux. On est sur une place d’un village en Espagne et les gens dansent, claquent des doigts, tapent dans les tambourins. Nous sommes passés le temps d’un précipité, de la taïga mystérieuse à un petit port le long de la Méditerranée. Quel spectacle avec José Martinez qui contribue au voyage!
Le Spectre de la rose est un exercice réussi. Je dis exercice, car cela représente pour moi un exercice de base (qui n’en pas pas pour autant aisé) en matière de chorégraphie. Prendre un poème, et délabyrinther les mots pour en faire des gestes. Inventer ce langage corporel pour traduire les mots de Théophile Gautier. L’atmosphère du poème est habilement retranscrite et présente la même douceur.
Qu’effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir. »
Le spectacle se clôt dans une ambiance russe. Le titre est déjà l’objet de l’exotisme et du voyage vers ce grand pays. Petrouchka est un drame qui touche chacun. Un pantin,
malheureux à cause de son humanisation par un grand sorcier et de son amour non partagée pour une poupée russe, nous touche et nous émeut jusqu’à la dernière minute. Petrouchka mélancolique rêve d’une vie meilleure où il s’échapperait de cette boîte avec sa jolie poupée, laquelle ne pense pas à Petrouchka mais qui est totalement éprise du Maure. Petrouchka est battu, humilié. Le pantin de chiffon a le coeur qui saigne. Il est par son amour et sa passion devenu plus humain, tellement humain qu’il en meurt. Le sorcier se croît tiré d’affaire, ce n’est qu’un pantin de chiffon, mais non, l’âme de Petrouchka est là et hante cet ensorceleur de poupée. L’amour de ce pantin est sans limite est flotte sur les décors, sur les visages et dans toute la salle du Palais Garnier. Petrouchka a quelque chose de magique, nous sommes aussi des pantins ensorcelés qui, absorbés par le spectacle tragique, sommes confrontés à une réalité bien morose au tomber
du rideau. Que dire de la prestation de Nicolas Le Riche… rien une fois de plus parfait. Le masque de Petrouchka reste sur son visage même pendant le salut, il doit être bien difficile de sortir de ce rôle très touchant.
A NE PAS MANQUER!! RETRANSMISSION LE VENDREDI
1ER JANVIER À 13H50 SUR FRANCE 3
- Revue de presse sur le net
Article du Figaroscope à propos de la soirée de gala du 16
décembre
Article du Figaroscope à propos de l’exposition sur les ballets russes
- Et dans les kiosques
Hors Série DANSER sur les Ballets russes
Connaissances des arts sur les ballets russes
- Quelques vidéos disponibles sur le net
Noureev dans l’Après Midi d’un faune.
- Distribution du 20 décembre 2009
LE SPECTRE | Emmanuel Thibault |
LA JEUNE FILLE | Clairemarie Osta |
LE FAUNE | Jérémie Belingard |
LA NYMPHE | Amandine Albisson (changement dernière minute à place d’Émilie Cozette) |
LE MEUNIER | Jose Martinez |
LA FEMME DU MEUNIER | Stéphanie Romberg |
PETROUCHKA | Nicolas Le Riche |
LA POUPEE | Eve Grinsztajn |
LE MAURE | Stéphane Bullion |
LE CHARLATAN | Michaël Denard |