Cunningham

Soirée Gillot-Cunningham

Marie-Agnès Gillot l’a dit plusieurs fois, pas d’histoires dans sa création. Et pourtant on ne peut s’empêcher d’avoir en tête l’histoire de Marie-Agnès Gillot. Un décor qui ressemble à un rêve, une cour et un jardin comme sur un plateau de théâtre, mais un jardin imaginaire comme dans la tête d’une petite fille. Dans ce jardin, des abeilles, des animaux bizarres, des nuages noirs, des sapins qui marchent sur la pointe des pieds. Les apparences sont trompeuses, les genres sont flous, dès le début. Tout le monde en pointes, avec des képis sur la tête. De loin, on voit à peine la différence. Les femmes ont dans les mains des pointes empilées. Tous se dirigent vers la statue au fond de la scène. Polygone aux multiples faces, les danseurs grimpent dessus, disparaissent en partie. Dans ce jardin, on peut se cacher à pleins d’endroits. Derrière un rocher ou un mur, dans un sapin, derrière une fenêtre. Les danseurs jaillissent sur un sol miroir glissant. Tel un fantasme que la pointe devienne comme un patin, le lino permet des slides (glissades), notamment dans un long passage de traversées, dont on aurait peut être apprécié un peu plus de diversité dans les gestes. Parmi les moments suspendus, il y a le solo de Vincent Chaillet qui semble si à l’aise avec les pointes que ses tours semblent infinis, ses arabesques encore plus longues que d’habitude. Le reflet dans le sol donne un aspect très onirique. En hauteur on ne pourrait que regarder le sol, sorte de souvenir éphémère que nous laisse parfois le spectacle vivant, plus ou moins flou. Les deux trios entre Chaillet, Pujol et Renavand sont des moments suspendus, comme détachés du reste. Chaque « morceau » me semble être une sensation différente. On retrouve beaucoup des sensations bauschiennes dans le passage de l’Agnus Dei. On ne peut que penser à la troisième partie d’Orphée et Eurydice.
On ne passe pas un mauvais moment, la pièce est courte, la musique est belle. Ce lino est une piste à exploiter, dans d’autres pièces. Il y a beaucoup de l’histoire de la danseuse dans cette pièce, jusque dans le décor où sa colonne vertébrale est exposée en fond de scène. Les apparences sont trompeuses, on peut danser, quelque soit les obstacles ou les contraintes.

Le ballet de Cunningham, Un jour ou deux, est un envoûtement dont on ne ressort pas indifférent. Cela commence là aussi dans le flou. On aperçoit des formes, vertes, derrière un rideau de mousseline. La musique de John Cage commence à résonner. Mélange de sons pré-enregistrés et percussions, cela sonne dans toutes les loges. Peu à peu, la danse se dévoile, comme un code à décoder. Mais chez Cunningham, il n’y a rien à comprendre, juste du geste qui se dessine dans l’espace. Les formes infinies de Cunningham m’ont toujours fascinée. Les rythmes de danseurs intérieurs varient. Des lignes courbes se forment. Le langage ne va pas nécessairement en crescendo, toutefois, les danseurs sont de plus en plus nombreux sur scène. Les duos, trios, et plus s’enchaînent, la musique continue aussi sa valse en s’intensifiant. Le son vous englobe, s’enroule autour de vous, et vous regardez la danse qui se déploie avec toujours plus de grâce. La scénographie est simple mais terriblement efficace. La scène est coupée en deux, aux 2/3 de la scène. Un rideau de tulle sépare les deux espaces, comme un miroir renversant. Au fond le rideau de scène ressemble à une immense sculpture de métal magnifiée par les éclairages. Une diagonale perce cette construction scénique. Le mouvement reprend le dessus. Chez Cunningham le geste est toujours en tension, comme si rien jamais n’était au repos. Tout n’est que mouvement, le danseur va au bout d’une arabesque pour enchaîner sur une contraction. L’air semble une matière avec laquelle il faut travailler, dans laquelle on trace des traits fins ou épais. Les danseurs ne sont plus des individualités, même si on remarquera la présence scénique de Stéphanie Romberg, dont la technique semble défier les contraintes d’équilibres de Cunningham. Les personnalités s’effacent, le groupe semble un corps entier, dont les différentes parties s’expriment et révolutionnent le tout en permanence. Plus la pièce avance, plus on perd ses repères. On se laisse donc porter par la danse, comme dans une poésie dont les mots se chuchotent à nos oreilles.

La soirée Gillot/Cunningham est à voir jusqu’au 10 novembre.
Plus d’infos et réservations, clic.
A lire ailleurs :
NYTimes IHT, Roslyn Sulcas, Recreating Merce Cunningham, Frame by Frame, clic.
Les balletonautes, Le plafond de l’Opéra Garnier, clic.
Le destin d’une princesse à Paris, clic.
Impression danse, Cinquante nuances de Cunningham, clic.
Le JDD, Marie-Agnès Gillot met les garçons sur pointes, clic.
France Info, Première chorégraphie de MAG pour le ballet de l’ONP, clic.
Paris Match, Portfolio de Philippe Petit, Sous Apparence non trompeuse, clic
Les photos d’Agathe Poupeney, clic.
Culturebox, Gillot/Cunningham épure et austérité, clic.
Canalplus La Shortlist du Grand Journal, clic.

Danser sa vie au Centre Pompidou

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Mercredi s’ouvrait la nouvelle grande exposition du Centre Pompidou, intitulée Danser sa vie. J’ai fait l’inauguration en deux parties. Le matin je suis allée à Videodanse. C’est un dispositif, qui a permis de numériser de nombreux films de danse, que ce soit des documentaires, des spectacles filmés, ou encore des performances visuelles ayant trait à la danse. Tous les premiers jeudi du mois, vous pouvez d’ailleurs découvrir un ou deux films, selon la programmation, au cinéma du musée (avec le Laissez-passez, l’entrée est gratuite).

Alain Seban (directeur du Centre Pompidou) nous présente assez ému et pas peu fier, le programme qui va avoir lieu durant toute la durée de l’expo. Plus de 150 films à voir et à revoir, allez voir sur le site et faîtes votre sélection.

On commence donc par voir la captation d’un spectacle de Jérôme Bel, Pichet Klunchun and myself (2005). Je n’avais jamais vu ce spectacle, mais il est dans la lignée de ceux fait avec Véronique Doisneau et Cédric Andrieux.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas son travail, le principe est simple. Faire parler un danseur de son travail, le faire illustrer son propos avec des pas de danse. Avec Cédric Andrieux, qui parle de son parcours via la compagnie de Merce Cunningham ou avec Véronique Doisneau, qui raconte le quotidien d’une danseuse à l’Opéra, Jérôme Bel laissait les artistes seuls en scène, se confier à un public. Là Jérôme Bel se met en scène avec Pichet, pour confronter leurs cultures respectives. Pichet est danseur de Khôn thaïlandais, sorte de danse traditionnelle, anciennement noble, reconverti en attrape touriste par toutes les agences de voyage.

Le dialogue n’est pas inintéressant, mais il me lasse parfois, surtout l’attitude de Jérôme Bel, qui à mon sens joue parfois le faux naïf. Bien sûr qu’il y a besoin de faire comme si, de jouer à celui qui ne connaît rien, mais des fois, il est à la limite et cela m’a mise mal à l’aise. Il tente aussi d’expliquer son point de vue, comme artiste contemporain occidental. Là aussi le point de vue me semble simplet. En gros, en Europe, il y a trois choses importantes pour le développement de l’art contemporain : l’état, les artistes et le public. L’état donne de l’argent aux artistes sans savoir quels sont leurs projets et le public vient voir les artistes, sans savoir ce qu’ils vont voir. Par conséquent, le public étant averti, Jérôme Bel ne comprend pas pourquoi, le public demande parfois à être remboursé (The show must go on…). Il défend aussi sa conception de mettre à égalité le public et l’oeuvre d’art, de rendre l’art accessible à tous. Je ne suis pas forcément en contradiction avec tout ce qu’il dit, mais c’est plutôt la manière dont il le dit… A la fin de la projection, il arrive devant une salle pas très accueillante, il faut bien le reconnaître, mais avec des mots assez froids en retour. Il nous dit que de toutes façons ce n’est qu’un film, que ce n’est pas le spectacle et que les musées et les films c’est enterrer l’art… Je ne vous dis pas l’ambiance de la salle qui se vidait peu à peu…Pas très réussie cette ouverture et c’est bien dommage, car ce dispositif est vraiment super et il y a plein de films à voir. Je ne reste pas pour le petit verre proposé suite à la projection, car j’avais la veille fait un petit vol plané dans un couloir, et radio et kiné m’attendaient…

Je reviens tout de même le soir, en bonne compagnie, pour prendre le temps de visiter l’exposition.

J’ai apprécié cette exposition, mais elle n’est à mon avis pas abordable pour des gens qui ne connaissent pas la danse et c’est un peu là, le reproche qu’on peut lui faire. L’exposition est bâtie autour de trois axes :

  • La danse, comme l’expression de la subjectivité
  • La danse et l’abstraction
  • La danse et la notion de performance.

Ces axes permettent de voir comment la danse a dialogué avec les arts visuels tout au long du XXème siècle, et comment ils se sont influencés.

La première partie, est plutôt intéressante et accessible. On entre en regardant une grande toile de Matisse, tout en ayant à l’oeil ce jeune homme qui fait une performance au
sol. L’ambiance est donnée, on veut un peu déstabiliser le visiteur qui va être trimballé d’une époque à une autre, d’un courant à un autre, d’un art à un autre. Dans les salles, les musiques de Stravinsky et de Debussy s’entremêlent.

Au milieu de la deuxième pièce, L’après midi d’un faune, dansé par Nicolas Le Riche trône au milieu de photos d’Isadora Duncan, grande prêtresse d’une danse libre de toutes contraintes artificielles.

On retrouve toutes les mouvements qui ont contribué à produire une danse contemporaine libre, avec Laban, Mary Wigman, Kurt Joss. La nature est au centre de cette nouvelle danse, il y a beaucoup de photos de jeunes gens qui dansent, souvent nus dans la nature. Kurt Joss c’est un des maîtres d’une certaine Pina Bausch et cette première partie se referme sur Le Sacre du Printemps, dansé par le Tanztheater en 1978, vidéo qui n’est pas d’ailleurs pas d’une grande qualité.

J’avais assisté à une conférence intéressante au Théâtre de la ville à ce sujet, à relire là. Cela permet de remettre un peu d’ordre dans cette partie d’histoire de la danse.

Dans la deuxième partie de l’exposition, il s’agit de comprendre comment la danse a participé à l’abstraction en art, avec des courants comme celui du Bauhaus. On trouve des extraits de danses futuristes, avec des costumes qui géométrisent le corps, qui le rendent artificiel. On est alors loin d’un corps proche de la nature comme dans la première partie. Il va être question de rationaliser la danse peut être. Comment faire des lignes et des points se demande alors William Forsythe. Laban continue ses recherches et veut lui aussi contraindre la danse dans un vocabulaire que l’on pourrait noter. La pièce sur le Bauhaus est impressionnante, des vieux costumes trônent au centre de la pièce, entourés de croquis de Laban, de dessins pour des mises en scène plus que carrées ! Les couleurs primaires font la loi dans les productions présentes. Cette partie se termine sur Alwin Nikolais, maître en la matière d’abstraction, jugez plutôt.

 

La dernière partie de l’exposition est un peu un fourre-tout à mon sens. On veut y montrer plein de choses, qui ont parfois peu de rapport entre elles. On y voit cependant des oeuvres intéressantes. J’ai beaucoup aimé le Wahrol sur Cunningham, ou l’espace consacré à la danse pop. On y erre un peu, car il y a beaucoup de choses avant. Je crois que la prochaine fois, je commencerai par cette partie, pour mieux comprendre pourquoi cela a été présenté comme cela.

Dans l’ensemble, c’est une belle exposition et c’est un pari risqué de faire une exposition sur la danse. J’ai découvert des tableaux, certains dessins aussi, qui m’ont beaucoup plu. On voit bien les oeuvres et la circulation est facile. A la librairie, il y a de beaux ouvrages, notamment une anthologie de textes sur la danse, qui est formidable

  • A lire, à voir…

Le catalogue raisonné de Jérôme Bel, où il s’explique en partie de ses oeuvres.

A voir, un extrait du spectacle de Jérôme Bel ici.

Le site officiel de Jérôme Bel

Saison 2011 -2012 au Théâtre de la Ville (danse)

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Les deux escaliers sont pris d’assauts par la foule. Les ouvreuses distribuent à tour de bras des brochures de papier glacé où se trouve la nouvelle saison. La présentation commence très en retard. Emmanuel Demarcy – Mota prend la parole pour présenter sa nouvelle programmation.Je vous retranscris tel quel.

« Il y a eu une rythme soutenu dans la programmation cette année. On passe sans cesse de la danse, au théâtre et à la musique. Nous allons garder des axes importants :

  • Développer la démarche d’inviter de grands metteurs en scène internationaux. Bob Wilson par exemple
  • prolonger les spectacles en langues étrangères, le théâtre sans texte, ou la danse sans mouvement.
  • toutes les oeuvres de Pina Bausch on été présentées au TDV, cela va se poursuivre l’an prochain.

A ce moment là de la saison, nous en sommes à 245 000 spectateurs. Nous sommes un théâtre d’une grande modernité, qui développe des formes artistiques variées et libres. C’est un lieu relais entre les arts et les disciplines. Nous sommes le théâtre qui accueille le plus d’artistes étrangers. Cela ne veut pas dire que la création française n’est pas présente. La création est un concept fondamental, le mot n’est pas galvaudé.

Le Théâtre de la Ville est une des salles les plus difficiles de Paris. Ce fut un grand rêve au moment de sa construction (années 50), d’en faire un théâtre populaire. C’est aujourd’hui un public nombreux, vaste et mélangé qui s’y rend. C’est un lieu des découvertes.

Pour les enfants, nous avons établi un parcours avec plusieurs théâtres. C’est un parcours enfance-jeunesse-adulte ; il y aura 8 spectacles dans des lieux différents.

La saison prochaine st composée de 26 projets théâtre, 27 projets danse et 36 concerts soit 88 programmes et 482 représentations.

Je fais un détour par l’actualité. Vont bientôt commencer les chantiers d’Europe qui s’appelleront l’année prochaine, les chantiers du monde. Cette année, c’est une association de la Grande Bretagne, de l’Italie et du Portugal pour faire 7 spectacles, 3 concerts et 7 lectures. Les spectacle d’ouverture sera avec deux acteurs anglais. On aura un spectacle de Young Wick, un de Patrice Chéreau dont ce sera la deuxième création au TDV cette année. Cela va durer 10 jours.  »

Je n’ai pas pu écouter la suite de la présentation car je devais filer à Garnier voir Rain !

La voici la voilà la nouvelle saison danse du TDV :

 

  • Tour of Duty (création 2011) KLP Sofian Jouini 7 au 11 septembre
  • Japan (création 2011) Simon Tanguy suivi de Petites perceptions/Le royaume des ombres/D’un pays lointain Noé Soulier du 15 au 20 septembre
  • Can we talk about this?  DV8, Lloyd Newson, création 2011,  du 28 septembre au 6 octobre
  • Enfant  de Boris Charmatz, création 2011,  du 12 au 16 octobre
  • Courts-circuits de François Verret, création 2011,  du 17 au 19 novembre
  • Birds with Skymirrors de Lemi Ponifasio, création 2010,  du 23 au 26 novembre
  • …have you hugged, kissed and respected your brown Venus today? de Robin Orlin du 26 novembre au 3 décembre
  • Cédric Andrieux concept Jérôme Bel  du 8 au 23 décembre
  • Suite for Five / Quartet / Xover de Merce Cunnigham du 15 au 18 décembre
  • RainForest / Duets / Biped de Merce Cunnigham du 20 au 23 décembre
  • Exposition universelle de Rachid Ouradame du 4 au 10 janvier
  • La curva d’Israël Galvan, création 2011, du 12 au 17 janvier
  • Le nombre d’or de Marie Chouinard, création 2011, du 20 au 25 janvier
  • Le bénéfice du doute, de Christian Rizzo, création 2011 du 30 janvier au 1er février
  • The art of not looking back (création 2009), suivi de Uprising de Hofesh Shechter du 14 au 29 février
  • Solaire de Fabrice Lambert (création 2010) du 5 au 10 mars
  • 1980 – Ein Stück von Pina Bausch de Pina Bausch par le Tanztheater de Wuppertal du 20 avril au 4 mai
  • Cesena d’Anne Teresa de Keersmaeker et Björn Schmelzer création 2011, du 10 au 19 mai
  • Grenade les 20 ans, création 2011, par le groupe Grenade et Josette Baïz du 21 au 25 mai
  • A Louer de Peeping Tom (création 2011) du 29 mai au 2 juin
  • La création du monde 1923 – 2012 de Faustin Linyakula par le Ballet de Lorraine (création 2012) du 20 au 23 juin
  • SoLo iN TiME, de Savion Glover (création 2011) du 26 juin au 6 juillet

Si vous voulez voir quoi que ce soit dans cette liste, il faut vous abonner! et oui politique pourrie du Théâtre de la Ville, il n’y a aucun quota de place pour le jour même, une ligne
téléphonique bondée, un service de résa internet qui ne vous affiche qu’au dernier moment que le spectacle est complet! Oui je suis un peu énervée contre ce théâtre car sous couvert d’un esprit bien pensant, avec « un public mélangé » mouais plein de bobos surtout, plus bourgeois que bohèmes d’ailleurs, il est impossible de se rendre dans ce théâtre si on n’est pas abonné. Toi le nouvel abonné tu devras attendre que les anciens abonnés se réabonnent avant que ton dossier ne soit examiné. S’abonner dans ce théâtre c’est pire que de comprendre l’administration d’un fac française.

Alors je vais m’abonner, je vais aller voir les spectacles de Pina Bausch, de Cunningham (attention un seul sur les deux, si vous vous abonnez vous ne pouvez pas voir les deux!) le deuxième programme car je veux revoir Biped,  ATDK, Robin Orlin, revoir Cédric Andrieux et je rajouterai James Thierré qui est classé dans théâtre, il revient avec Raoul.

Pour vous abonnez, passez au TDV et prenez la brochure et le formulaire d’abonnement. ou vous pouvez les télécharger sur le site du théâtre ici.