Convergences

Convergences Don Quichotte Rudolph Noureev

Amphithéâtre Bastille, samedi 16h, Karl Paquette Ludmila Pagliero Clotilde Vayer et Elena Bonnay entrent sur le plateau pour répéter Don Quichotte. On rentre très vite dans le vif du sujet, Clotilde Vayer n’a pas de temps à perdre, il faut corriger par rapport à ce qu’elle a vu la veille.

Elle ne va pas ménager les deux danseurs. Souvent le maître de ballet prend le temps de raconter aux spectateurs l’histoire, mais là c’est fait en vitesse TGV. Elle va leur faire répéter les variations des trois actes, presque en entier.

L’acte I présente les deux personnages principaux. Kitri est la fille de l’aubergiste Lorenzo, que ce dernier veut marier au riche Gamache. Hors de question pour cette Barcelonnaise au caractère bien trempé, qui est amoureuse de Basilio. On commence par voir l’entrée de Kitri. Elle arrive en courant sur la place de Barcelone. « Quand tu cours Ludmila, j’ai besoin de voir que tu cherches Basilio ».  Le regard doit aller partout. Clotilde Vayer a noté toutes ses corrections sur une feuille, elle vérifie que ses conseils ont été bien compris. J’ai apprécié le travail de Ludmila, qui dès l’entrée montre une Kitri forte, à la tête haute. Sa technique de pointes est assez remarquable. Son délié de pied quand elle fait le grand développé est très joli. Karl Paquette doit retravailler son manège surtout les fouettés arabesque. Kitri et Basilio se retrouvent, ils jouent de séduction. Ils s’embrassent derrière l’éventail. Clotilde Vayer les arrête à ce moment là, Karl Paquette n’en perd pas son humour « C’est plus long normalement le baiser », ce à quoi la maître de ballet (devrais-je dire maîtresse ? ça sonne mal..) lui répond que là « c’était un peu téléphoné ». Il faut que ça arrive sans que l’on s’y attende. Clac l’éventail s’ouvre et hop, Basilio renverse Kitri pour l’embrasser.
L’adage de l’acte I est très difficile. « Karl tu peux avoir plus de contact avec elle » dit Clotilde Vayer au danseur, qui se montre un partenaire très puissant. Il s’adapte complètement à la danseuse, ce travail a du être fait auparavant, car il n’y a pas de problème au niveau des prises dans les portés. Si Karl Paquette doit être proche de sa partenaire, Ludmila doit prendre plus de risques « ça doit être dangereux » dit elle à propos d’un développé à la seconde qu’elle doit garder le plus possible avant que le danseur lui fasse faire le fouetté arabesque. L’exigence de Clotilde Vayer est élevée, et elle ne laisse rien passer, « là je suis de profil, c’est très intéressant ». De profil, on voit mieux si les jambes sont au maximum de l’en-dehors. « Quand tu lèves la jambe, le poids du corps doit aller vers le bas, pour permettre d’alléger le haut ».
On passe à la variation des castagnettes. « Ludmila ce ne sont pas des vagues, mais des castagnettes que tu dois faire avec tes mains ». Sur cette variation, l’étoile rencontre un problème de musicalité, « écoute la musique une fois d’abord ». « Ce n’est pas que je ne comprends pas, c’est que c’est trop rapide ». Clotilde Vayer demande à Elena Bonnay d’accélérer le rythme de la variation pour que Ludmila se surpasse, ce qu’elle fait à merveille. La diagonale de tours cinquième est exemplaire, elle enfonce à chaque fois le talon dans le sol dans une cinquième parfaite. Pas assez pour la répétitrice, il faut que les tours avancent, ils sont trop sur place. Elle remet l’étoile au travail qui n’a pas eu le temps de reprendre son souffle. Clotilde Vayer explique ensuite au public que le premier acte de Don Quichotte est le plus cardio, car les deux solistes ont très peu de temps pour reprendre leur souffle et ils sont toujours en scène, donc dans leurs personnages. Par ailleurs le premier acte et le passage des Dryades est ce qui reste du travail de Marius Petipa. Fin de l’acte I, pas de deux de Kitri et Basilio avec les portés très impressionnants où la danseuse est portée à bout de bras. « Ludmila tu es trop lente à monter, Karl il faut la monter en 1 temps. Attention, ne la monte pas autant, tu es fort, et tu la gères, mais c’est dangereux. »

On passe à l’acte II. Kitri et Basilio ont fuit Barcelone, Lorenzo, Gamache, Don Quichotte et ses hallucinations dans lesquelles  il confond Kitri avec Dulcinée, un amour passé. Ils sont au camp des gitans. Dans la version de Marius Petipa, il y avait cinq actes. Le pas que nous allons voir n’existait pas. Les corrections vont vite, Clotilde Vayer les fait avant qu’ils refassent ce pas de deux. « Il ne faut pas perdre du temps à remonter quand vous êtes au sol. » Le pas de deux se file, Clotilde Vayer corrige ensuite les ronds de jambe à la seconde qui doivent être plus généreux et plus ensemble. Elle se demande aussi si le début du pas de deux était clair… « Vous avez compris ce qu’ils font? » Karl Paquette lance la boutade « on a fait un bébé ». Oui je pense que tout le monde avait compris…

Dans l’acte II, Kitri se transforme en Dulcinée car on plonge au milieu du rêve de Don Quichotte. Bienvenue au monde des Dryades, les nymphes de bois qui habitent ce monde merveilleux. Ludmila Pagliero passe la variation qui avait la veille des problèmes de musicalité. Clotilde Vayer nous dit de compter dans notre tête « 1, 2, 3, 4, 5 ». C’est assez terrible de nous avoir dit ça, car à chaque équilibre on a cela en tête…

On arrive au IIIème acte. Les danseurs commencent par répéter l’adage. « Karl ne sois pas en retard sur la musique, Ludmila ne décale pas la jambe mais seulement le haut du corps. » La fatigue commence à se sentir, ils n’ont pas bu et ils n’ont pas eu une minute de répis. Les pointes de Ludmila Pagliero cassent, on les voyaient se courber de plus en plus à mesure que l’heure de répétition avance. « Je voudrais que les pirouettes aillent crescendo ». Elle corrige les regards, les bras des partenaires qui bougent.
On enchaîne avec la coda, et franchement chapeau à Ludmila Pagliero qui fait ses tours fouettés avec des pointes cassées ! Karl Paquette doit refaire ses tours, Clotilde Vayer veut en voir trois au lieu de deux dans les tours suivis.

Répétition intéressante, comme d’habitude, qui nous a éclairé sur des détails techniques. Ludmila Pagliero promet d’être une Kitri flamboyante, pleine de fougue. Rendez-vous le 16 novembre !

Don Quichotte, plus d’infos et réservations sur le site de l’Opéra de Paris, clic.
A lire ailleurs : A petits pas, Danses avec la plume.

Rencontre autour de La Source

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La saison des rencontres convergens à l’amphi Bastille reprend enfin avec une répétition publique de La Source. Je n’avais pas de place, inscription tardive à l’Arop dont le contingent de places pour ce genre d’évènement a été réduit, mais je rentre et retrouve quelques balletomanes. Je m’installe avec AS*** mon amie de khâgne, cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas vues, mais la classe prépa, ça crée des liens indestructibles (il fallait bien l’être…).

Brigitte Lefèvre entre et nous parle bien sûr de l’actualité. Elle nous donne des nouvelles de ses danseurs qui trouvent très agréable de danser Phèdre. Pour elle, cette saison est sous le signe du merveilleux, cela se poursuit avec la Source.

Puis elle revient sur Roland Petit, en disant qu’il nous a quitté en faisant cette mauvaise plaisanterie. Elle évoque la difficulté à rendre hommage à un grand chorégraphe. C’était très compliqué d’organiser un gala, elle a donc opté pour une soirée cinéma avec la projection du  Rendez-vous et de Proust car Roland Petit aimait la façon dont ils avaient été filmés.

Jean Guillaume Bart fait son entrée et Brigitte Lefèvre revient sur leurs premières discussions autour de ce ballet. La première évocation date de 1997. Brigitte ne manque pas de rappeler les qualités de Bart, comme danseur et grand pédagogue. La dernière fois que La Source a été dansée en France, c’était lors de l’inauguration du Palais Garnier, on en a dansé un extrait.

Myriam Ould Braham, Florian Magnenet ainsi qu’Eléna Bonnay, la pianiste, entrent sur le plateau. Myriam est l’esprit de la Source, Florian est Djémil, le jeune chasseur qui vient se reposer tous les jours près de cette source. On va nous montrer un extrait du premier acte où Djémil a été laissé comme mort. Pour plus de précisions sur l’histoire, j’ai fait un résumé plus complet .

La scène qui est présentée est celle où Naïla rencontre Djémil. Il faut bien comprendre qu’elle n’est qu’une petite chose fragile, une enfant, qui va tomber amoureuse de ce beau
jeune homme. Lui est intrigué par ce personnage merveilleux, il veut la connaître sans lui faire de mal. Elle est douce, délicate, il a arraché sa fleur magique. Quand elle apparaît, elle est un peu comme une bête effarouchée. Jean Guillaume Bart insiste beaucoup sur le travail des extrémités. Il montre, il est minutieux, il corrige. Un élève de mon cours de danse avait eu la chance de prendre un cours avec lui, et je savais qu’il était un pédagogue merveilleux. On aurait dit un sculpteur qui avait de la terre dans les mains. Il la manie, la transforme avec tant de délicatesse. Il utilise plein d’images, car il pense qu’elles sont parfois bien plus efficaces que de grand discours. Il évoque Fred Astaire, compare Naïla à un ruisseau qui doit onduler, tant il est insaisissable. Il revient sur la difficulté de cette scène. Il n’y a pas beaucoup de danse, d’un point de vue technique. Il y a du vide et c’est dur de combler  le vide. Il se rappelle avec émotion la variation d’Albrecht, où il n’y a rien à faire à part remplir le vide, remplir la musique et l’espace, avec une intention. Cela s’acquiert avec la maturité, mais une fois qu’on y parvient c’est un bonheur immense. C’est cela qu’il faut chercher dans cette première scène, en se laissant porter par la musique. Jean-Guillaume Bart a d’ailleurs l’oreille fine et est très exigeant. Il ne tolère pas un retard d’un quart de temps. Parlons de la musique du ballet d’ailleurs, c’est un « mix » entre Delibes et Minkus. C’est la seule chose que je redoute un peu dans ce
ballet. Minkus mélangé à Delibes… bon je verrai bien.

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Dans cette première scène, Myriam Ould Braham dévoile son personnage avec tendresse. Elle est délicieuse et correspond complètement à ce rôle. Délicatesse et douceur sont les mots qui s’accordent avec sa danse et la personnalité de Naïla. Florian Magnenet est toujours en pleine ascension, donc au top.

Jean-Guillaume Bart décide de nous présenter une autre scène. C’est un pas de deux dont il a fait l’ajout. Dans la création originelle, il y avait très peu de pas pour les hommes, et très peu de pas de deux. Il a donc procédé à des ajouts pour que ces messieurs aient un peu de matière (pour ma plus grande joie!). La salle est comblée et c’est avec de grands applaudissements que la salle les remercie.

Prochain rendez vous le 12 novembre avec Cendrillon. En passant je remercie chaleureusement J*** pour la place qu’elle m’a réservée pour le 12.

Les distributions de la source sont là.

A voir le superbe diaporama d’Anne Deniau avec les photos des coulisses

La Source, du 22 octobre au 12 novembre, séance de travail AROP le 18 octobre, répétition générale le 21 octobre.

Léo Delibes, Ludwig Minkus Musique
Marc-Olivier Dupin Réalisation
Jean-Guillaume Bart Chorégraphie
Eric Ruf Décors
Christian Lacroix Costumes
Dominique Bruguière Lumières
Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart Dramaturgie