Hier soir, on s’y attendait, on le savait et pourtant, même sans surprise l’émotion est belle. Après une agréable soirée, une bayadère qui m’a enchantée, voilà qu’arrivent les caméras, certaines
personnes dans la salle se lèvent, Brigitte est en talons, Agathe Poupeney se faufile à côté de ma rangée avec un gros télé-objectif. Les applaudissements vont bon train, les bravos fusent, on
sent que l’ambiance est chaude ce soir dans la salle. Les balletomanes ne s’y sont pas trompés, ils sont tous au rendez-vous. Le rideau se relève, un micro est installé, cris de joie dans la
salle. C’est la première fois que je vois une nomination et j’ai le coeur qui bat pour l’artiste qui va être récompensé pour son travail, son investissement, sa générosité, son talent.
Josua Hoffalt rejoint le ciel étoilé de l’Opéra de Paris. Il est nommé dans un des plus grands rôles du répertoire. C’est un titre mérité, qu’il a reçu avec une émotion sincère. Félicitations à
lui, c’est un danseur que j’apprécie beaucoup et qui saura faire honneur à ce titre.
Week-end chargé, mais la semaine à venir l’est aussi. Je n’ai pas pu voir FASE d’ATDK au Centre Pompidou, c’était complet. Cette semaine, plein de belles choses à voir, des ballets, du
théâtre, la nouvelle saison qui arrive bientôt.
La sortie ballet de la semaine : La Bayadère
Ah voilà enfin le grand ballet de Noureev qui revient à l’Opéra, à Bastille à mon grand désespoir mais qui revient quand même ! Je l’avais vu à Bastille en 2006 avec Aurélie Dupont et Nicolas Le
Riche. J’en garde un bon souvenir car j’avais une jolie place de première catégorie. Je me souviens aussi que j’avais raté Carlos Acosta et impossible d’avoir une place. Bastille permet d’avoir
un décor qui semble immense, mais Garnier donne tellement plus d’émotions… Peu importe l’essentiel reste le ballet. Parlons du ballet justement. Alors pour l’histoire, nous voilà plongé dans un
décor exotique. Au premier acte, nous découvrons notre héroïne Nikiya, belle bayadère vivant dans un temple. Le grand prêtre est amoureux d’elle mais elle refuse cet amour, car
elle aime en secret Solor, un jeune guerrier. Aidés par le Fakir, les deux amants se retrouvent la nuit. Au deuxième acte, on se retrouve dans le palais d’un Rajah, dont la fille
est bientôt en âge de se marier. Son père lui a justement trouvé un beau guerrier, Solor. Il lui fait cadeau d’un portrait de cet homme. Quand Nikiya débarque au palais, elle voit alors en
Gamzatti (la fille du Rajah) une rivale. Elle se permet alors de lui dire que le coeur de Solor lui appartient, ce qui lui coûtera la mort un peu plus tard. Arrivent les fianciailles de Gamzatti
et Solor, pendant lesquelles on voit diverses danses se succéder. Danse Manou, l’idole dorée, la danse indienne (qui n’a rien d’indienne…), solo, grand pas de deux, bref la totale pour arriver
au superbe solo de Nikiya avec son panier de fleurs. dedans un serpent lui mordra le cou et la fera mourir sous les yeux anéantis de Solor. Au troisième acte, dit l’acte des
ombres, on découvre Solor qui se morfond dans l’opium. Est-ce un rêve qui s’ensuit ? Ou le fruit de l’imagination de Solor ? Il retrouve Nikiya dans cet acte en blanc et peuvent s’aimer pour
l’éternité.
Côté distributions, on est plutôt gâtés. Une jolie première distribution avec Aurélie Dupont et Josua Hoffalt, ce qui permet au second de travailler encore plus
ce partenariat. Dans les seconds rôles, on reverra Mathilde Froustey dans la danse manou, Allister dans le Fakir. La deuxième distribution permet une prise de rôle pour une
deuxième étoile, Emilie Cozette, que nous avons découvert lors de la répétition
publique. On donne sa chance à François Alu qui avait coupé le souffle à tout le monde lors du concours interne. Il dansera le rôle de l’idole dorée, rôle qui lui permettra
de s’envoler. Une petite date pour la sujet Héloïse Bourdon, qui va pouvoir s’exprimer de façon formidable, avec Stéphane Bullion en partenaire et la belle Kora Dayanova en Gamzatti, qui elle
aussi va pouvoir montrer toute l’ampleur de sa danse. Myriam Ould-Braham, après son joli rôle dans La Source, se voit attribuer 3 dates, avec pour partenaires Florian Magnenet
et Mathilde Froustey. Dernière distribution, la belle Zakharova, invitée pour l’occasion. Dans l’ensemble, on redonne une vraie place aux sujets, qui se voit danser de jolis rôles, à qui on donne
une place pour se préparer au travail de soliste. La série donne très envie, tant pour les seconds rôles que pour les premiers. J’ai la chance pour l’instant d’avoir des places pour le 7 mars, 4
et 11 avril. Je vous raconterai ces soirées et espère que les pass jeunes me permettront de voir les autres.
Orphée de Montalvo Hervieu revient à Chaillot du 06 au 10 mars. Ce spectacle avait été crée en 2010 à Chaillot. On y retrouve toute la poésie du duo de chorégraphes. Les
dispositifs vidéos sont les mêmes que dans les autres spectacles. Les chorégraphes mélangent les genres, ainsi on découvre un danseur unijambiste qui fait du hip hop, des danseuses classiques aux
jambes interminables, tout comme ces échassiers qui agrandissent l’espace scénique. C’est un joli spectacle, plein de tendresse. On passe un bon moment, on rit, on est ému.
Chorégraphie Dominique Hervieu et José Montalvo
Scénographie, conception vidéo José Montalvo
Costumes Dominique Hervieu assistée de Siegrid Petit-Imbert
Musiques Claudio Monteverdi, Christoph W. Gluck, Philip Glass, Francesco Durante, Pau Casals, Giovanni Felice Sanches, Giuseppe Maria Jacchini, Luiz Bonfa, La Secte Phonétik, Sergio
Balestracci
Chanteurs et musiciens : Soanny Fay (soprane), Julien Marine (contre ténor), Sébastien Obrecht (ténor/violoncelliste), et au théorbe en
alternance Florent Marie / Diégo Salamanca
Pendant ce temps, il se passe des choses au Théâtre de la Ville-Abbesses. Solaire est une création de Fabrice Lambert qui se joue du 5 au 10
mars. Cette pièce est une création qui date de 2010. Elle est construite avec un jeu de lumières important. Ainsi, comme avec de la musique, les mouvements des danseurs répondent
à ceux des lumières. Il joue sur les contrastes entre les matières des corps et celles des lumières.
conception & chorégraphie Fabrice Lambert assistante à la chorégraphie Hanna Hedman conception lumières Philippe Gladieux interprétation lumières Mehdi Toutain-Lopez son Frédéric Laügt avec la participation d’Alexandre Meyer costumes Alexandra Bertaut
avec Madeleine Fournier, Clémence Galliard ou Hanna Hedman, Fabrice Lambert, Ivan Mathis, Stephen Thompson
Côté théâtre, un pièce qui me fait bien envie au Théâtre de la Colline, Se trouver de Luigi Pirandello du 06 mars au 14 avril 2012. Cette pièce est une
réflexion sur l’être. Le personnage principal est une actrice, qui peut perdre son être essentiel dans la fiction d’un rôle. Se trouver pose la question du soi, de la réalité de l’être.
Emmanuelle Béart tient le rôle principal dans cette mise en scène de Stanislas Nordey, qui a déjà adapté entre autres Les Justes de Camus.
Pour plus de renseignements et réserver, suivez le lien.
En vrac
Dimanche 11 mars, il y a une flashmob pour la Journée de la femme au Trocadéro. Plus d’infos en suivant ce lien.
Ce lundi 5 mars ouverture des réservations internet pour Le Barbier de Séville, Hippolyte et Aricie, Arabella et plusieurs concert à l’amphithéâtre Bastillle. Attention
ouverture à 9h ! Suivez le lien.
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Vendredi 9 mars aura lieu la séance de travail Mats Ek/Robbins, réservée entre autres, aux membres de l’AROP.
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Pour revoir l’émission de France 5, sur l’Opéra de Paris, et Raymonda rendez vous sur Pluzzz.
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La compagnie Eco présentera Peau d’âne à l’automne 2012 à Chaillot. C’est le chorégraphe Emilio Calcagno qui en signera la chorégraphie. Plus d’infos ici.
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Un nouveau blog consacré à la danse vient de faire son apparition sur la toile. Pour le découvrir, suivez le
lien.
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Nouvelle rumeur sur la prochaine saison, que j’ai eu lors d’une conversation avec quelqu’un qui travaille à l’Opéra : il y aura surement Le Lac des Cygnes, l’an prochain
à Bastille. La question des adieux d’Agnès Letestu ne se pose plus dans ce cas là.
Bonus vidéo de la semaine
Pour ceux qui ne la connaitrais pas, une petite vidéo d’héloïse Bourdon, ici à l’école de danse.
La Bayadère est un ballet qui attire les passions des spectateurs. Elle a une longue histoire avec l’Opéra de Paris. Remontée par Noureev et présentée au public en 1992, c’est à la fois son
dernier ballet et de loin le plus réussi. Grand ballet classique c’est 3h de bonheur, mêlant kitsch, faste, belles variations, un acte blanc avec la plus belle entrée sur scène qui existe. Je ne
sais pas combien de fois j’ai vu La Bayadère mais je sais qu’à chaque fois ce fut une grande fête, tant ce ballet est beau.
Aujourd’hui nous avons assisté à une répétition formidable avec Laurent Hilaire en maitre de ballet. Il a été le premier Solor, le rôle a été crée pour lui, sur lui, c’est avec
un grand enthousiasme qu’il transmet à Karl Paquette et Emilie Cozette, tout ce qu’il sait sur ce ballet.
C’est une prise de rôle pour Emilie Cozette, qui a dansé Gamzatti et les ombres. Elle incarne ici Nikiya, l’héroïne de ce ballet. Nikiya est une Bayadère une danseuse indienne
qui vit dans un temple. Elle rencontre Solor, ils tombent amoureux et il jure de l’aimer. C’est sans tenir compte des volontés de son père de le marier à Gamzatti, princesse. Nikiya découvre
cette union et affirme à Gamzatti que Solor est amoureux d’elle. A leurs fiançailles, Nikiya danse pour Gamzatti et Solor. De la corbeille qu’elle tient dans les mains surgit un serpent qui la
mort à la gorge, elle meurt. Solor la retrouve dans ses rêves après avoir fumé beaucoup d’opium. Ils peuvent s’aimer à tout jamais. Voilà pour vous résumer l’histoire, pour celles et ceux qui ne
la connaîtraient pas. Karl Paquette avait déjà dansé le rôle de Solor, quand il était premier danseur.
Pas de Brigitte Lefèvre aujourd’hui, c’est qu’elle commencerait presque à nous manquer. Laurent Hilaire rappelle tout de même que c’est Brigitte qui a voulu que ce soit Emilie Cozette et Karl
Paquette qui présentent cette rencontre. Karl Paquette débarquait fraîchement du Palais où il répétait Dances at the Gathering de Robbins et disait en avoir un peu plein de bras… Pas de chances
pour lui Laurent Hilaire ne l’a pas épargné des portés. Au piano, s’installe Elena Bonnay, à qui Laurent Hilaire adresse plein de compliments et il y a de quoi, quand on sait le travail de ces
chefs de chant.
Ils vont répéter le pas de deux du premier acte. Nikiya trouve l’excuse d’aller remplir sa cruche pour sortir du temple et retrouver Solor, rencontré un peu plus tôt. Laurent
Hilaire va donner beaucoup de conseils, avec de l’humour, se mettant à la place de l’un et de l’autre. Il justifie chaque geste, qui doit avoir du sens. Quand Nikiya court, il faut qu’elle
transmette ce bonheur de se retrouver. Au premier claquement de mains, elle entend Solor, au deuxième elle se retourne, ensuite il faut qu’elle exprime cette grande joie en courant vers lui et en
se jetant dans ses bras. Ce n’est pas un pas de deux de séduction donc il faut faire confiance à son partenaire dans les portés, et avoir un regard sûr. Nikiya se sent belle avec Solor, elle
n’est pas là pour le séduire. « Reste avec lui, contre lui, tu es heureuse d’être là ». Hilaire danse avec eux dans un second plan, c’est merveilleux de le voir accompagner ces danseurs avec une
tel engagement. Pour les portés, il demande à Emilie Cozette de monter plus tôt son bassin et pour ça elle doit faire confiance à son partenaire. Laurent Hilaire affine chaque détail pour que la
chorégraphie soit lisible dans l’espace par le spectateur. Il parle de vague quand Solor porte Nikiya, car c’est une image douce, à ce moment là, ils nagent dans le bonheur. On sent que Laurent
Hilaire revit son ballet, qu’il prend un infini plaisir à transmettre. Il leur fait part des volontés de Noureev « Rudolph voulait ça pour les regards ».
Il corrige aussi la musicalité sur certains passages. Il ne faut pas anticiper la chorégraphie sinon elle perd de son sens. Si Nikiya tourne la tête avec un sourire, c’est parce Solor a essayé de
l’embrasser, il faut donc attendre qu’il essaye. Il faut profiter de cet instant, des regards, pour que le public comprenne et aussi pour être juste, dans la musique.
D’un coup, Solor doit déclarer sa flamme, comme si elle grandissait et que cela devenait une nécessité de dire à Nikiya, tout l’amour qu’il a pour elle. « Sors lui le grand jeu Karl, c’est ton
amoureuse pendant une heure ! « . Il insiste sur l’exagération de la pantomime sous le regard amusé des spectateurs. La déclaration doit être incisive, « Karl tu dois être le leader de l’action ».
Il faut redonner du sens à tout cela, c’est le seul moyen de redonner de la vie aux grands ballets classiques. Lors du grand porté, Emilie Cozette ne saut pas assez dans les bras de Karl
Paquette, par peur semble t-il. C’est toujours fascinant de voir que même après l’avoir fait des centaines de fois, la peur persiste. Il faut dire que c’est tout de même une certaine hauteur.
Laurent Hilaire parle aussi des manipulations dans ce genre de pas de deux. Moins il y a de manipulation, mieux c’est car ce n’est pas toujours joli de voir des bras qui cherchent un dos ou une
hanche pour un tour. Il faut donc se servir le plus possible de la chorégraphie pour les manipulations et pour que cela semble le plus naturel possible. De même que si l’on danse en musique, on a
plus de chance d’être juste dans son corps, il en est de même en couple.
Le maître de ballet décide d’en remettre une petite couche à Karl Paquette pour lui faire travailler la musicalité d’un solo du dernier acte. C’est le public qui se régale.
Comme toujours, une rencontre intéressante, mais avec un couple qui manque encore de complicité. Chacun est dans sa bulle, et ne se livre pas vraiment à l’autre. Ce sont les débuts des
répétitions, laissons encore du temps à se couple pour s’épanouir.
La Bayadère, Opéra Bastille du 07 mars au 15 avril 2012.
Les 2 et 4 avril, étoile invitée : Svetlana Zakharova
Extrait Vidéo
Si vous voulez voir l’extrait dansé par Laurent Hilaire et Isabelle Guérin, il se trouve à 24 minutes.