Hier soir rendez vous à l’Odéon. un peu de théâtre, et du Shakespeare, ça va me faire du bien. Arrivée sur la place, la foule est nombreuse. Ça mange, ça discute, ça bouquine sur les marches du
théâtre. Voilà justement Y*** caché derrière son Monde. La chaleur est toujours au rendez-vous cette semaine. Quel joie d’être en robe légère et d’aller au théâtre, avec cet air doux. Nous nous
installons au parterre, et mes yeux se baladent partout dans la salle. J’aime beaucoup cette salle. Sur scène, pas grand chose, des néons sur le mur du fond. Quelques palmiers, des tables. Tout
est à vue, le décor va se former et se transformer à mesure de la pièce.
Tous les comédiens entrent sur scène, le narrateur annonce la couleur de la pièce. Après un nouvel affront entre Capulet et Montaigu, Roméo apparaît. Au milieu de tous les trublions, Roméo est un
jeune homme romantique, qui a découvert l’amour par la figure de Rosaline. Son cousin Benvollio le taquine. Dès le début on est sous le charme de ce Roméo touchant. Sa diction n’est pas la même
que les autres. Son texte est plus doux, moins cru que celui de Benvollio. Olivier Py renoue avec un certain classicisme, dans le vocabulaire qu’il a choisit. Il ne lésine pas sur les vulgarités,
grossièretés et autres mains baladeuses.
Les rôles sont doubles, les comédiens jouent parfois deux rôles. Rosaline/Juliette, Roméo/Montaigu, Capulet/Paris, Tybalt/Lady Capulet. Olivier Py joue avec les possibilités qu’offre le théâtre
de se grimer, de changer de voix pour interpréter un personnage différent.
Juliette est jouée par une jeune femme fabuleuse. A la fois très sensuelle, mais qui sait vite redevenir enfant. La scène où on lui annonce qu’elle va rencontrer Paris est géniale. La nourrice,
comédienne géniale, pousse sa jeune protégée dans les bras de ce futur mari. On rit beaucoup pendant cette pièce et cela fait du bien. On oublie trop souvent que Shakespeare aime faire rire. Il
le développe simplement dans la tragi-comédie, comme nous l’avons chez Corneille. Olivier Py l’a bien compris. Des fois il en fait un peu trop. La grossièreté dans la parole suffit parfois, quand
elle est associé aux gestes, on frôle la vulgarité. La salle adhère, moi je suis un peu gênée.
J’ai beaucoup aimé la scène de bal. Un rideau de plexiglas rouge coupe la scène en deux. Tous sont masqués, Roméo porte le masque de la mort, comme un signe prémonitoire. Benvollio et Mercutio
sont à la fête, quand Roméo croise le regard de Juliette. Elle danse avec Paris, mais l’abandonne pour courir dans les bras de notre jeune héros. De nouveau tout se mélange, les personnages
disparaissent et on assiste aux ébats de ces nouveaux amoureux. C’est encore une fois assez cru, On ne cherche pas ici l’émotion, on constate l’attraction de ces deux êtres. L’émotion vient
après, au balcon. Là ils ne sont que tous les deux, il n’y a de témoins que les spectateurs. Ils sont libres de leurs paroles, de leurs émotions. Ils sont naïfs, simplement guidés par leurs
sentiments qui grandissent à chaque seconde.
Au marché, la scène avec la nourrice me fait beaucoup rire, cela me rappelle le ballet de Noureev l’an dernier. Benvollio et Mercutio taquine
la nourrice, puis embêtent Roméo. Olivier Py n’oublie pas l’ambiguïté sexuelle de Roméo. Il est jeune il se cherche. Mais ses compagnons ne cherchent pas l’amour comme lui. Son visage a changé,
il est habité par cette nouvelle âme avec qui il ne forme plus qu’un. C’est pour cela qu’il ne répond pas aux provocations du ténébreux Tybalt. Mercutio s’en charge et meurt. Roméo venge son
compagnon. Tybalt meurt, sous les yeux de Roméo, d’emblée rempli de culpabilité.
L’entracte arrive à ce moment là. Je n’ai pas vu le temps passer. Cela aurait pu continuer ainsi. A l’entracte je découvre que la salle est pleine de scolaires. Ils ont été bien absorbés car il
n’y avait pas un bruit dans la salle.
Retour dans la salle. La pièce se retourne alors comme un sablier. Après la comédie on entre dans la tragédie, que l’on avait senti qu’à de courts instants précédemment. On entre dans un univers
noir, plus violent. La scène où Capulet force sa fille à épouser Paris est géniale, d’une violence inouïe. Il se passe la même chose dans le coeur des deux amants. Tout se répercute ainsi pendant
cette deuxième partie qui rassemble les actes quatre et cinq. C’est assez puissant, les éclairages flouent la scène. L’histoire devient un conte tragique. La mort des deux amants de Vérone est
bouleversante. Le silence de la salle en devient presque angoissant.
Il faut aller voir cette pièce, il reste des places en vente sur internet. On ne voit pas le temps passer, les comédiens sont merveilleux, la traduction d’Olivier Py est intéressante, sa mise en
scène est géniale.
de William Shakespeare
mise en scène Olivier Py
version intégrale
21 septembre – 29 octobre 2011
Théâtre de l’Odéon / 6e
traduction : Olivier Py
décor & costumes : Pierre-André Weitz
lumière : Bertrand Killy
assistante aux costumes : Nathalie Bègue
conseiller musical : Mathieu Elfassi
musique au piano interprétée sur scène par Jérôme Quéron
avec Olivier Balazuc, Camille Cobbi, Matthieu Dessertine, Quentin Faure, Philippe Girard, Frédéric Giroutru, Mireille Herbstmeyer, Benjamin Lavernhe, Barthélémy Meridjen,
Jérôme Quéron,
et David Broutté, Fabrice Charles, Gilles Hollande, Vincent Val.
durée : 3h20 (avec un entracte)
production Odéon-Théâtre de l’Europe