Rencontre avec Nicolas Paul et Paul Andreu autour de Répliques


Toujours dans le salon Florence Gould, je m’installe pour la conférence autour de Répliques la création de Nicolas Paul et Paul Andreu actuellement à l’Opéra de Paris. La salle est comble,
comme d’habitude. Mlle Platel fait assoir ses quelques élèves présents dans la salle. Brigitte Lefèvre, Nicolas Paul et Paul Andreu s’installent, le directeur, Jean Yves Kaced, peut nous présenter
la rencontre.

Jean-Yves Kaced : Paul Andreu pour celles et ceux qui ne le connaissent pas est polytechnicien, académicien. Vous avez reçu le prix Florence Gould.
C’est vous qui avez réalisé l’aéroport de Roissy, celui de Nice, collaboré à la Grande Arche de la Défense, construit de nombreux théâtre et le dernier en date le Théâtre National de Chine à Pékin.
Ce n’est pas votre première réalisation de décor, vous aviez aussi fait un décor pour la Comédie Française dans Oh!les beaux jours de Samuel Beckett.
Nicolas Paul vous êtes sujet à l’Opéra de Paris. Depuis 2001, vous avez crée de nombreuses chorégraphie parmi lesquelles on compte Bach suite III, Sona Tontrien, Bubble,
Entre deux entre deux. Votre dernière création est prodigieuse.

Brigitte Lefèvre : J’espère que vous viendrez voir nombreux ce programme. Je pense que vous serez stimulés. Je pense que c’est comme cela que l’on
regarde l’art. Le monde n’est pas ce qu’il est; il peut être vu et perçu autrement. Je serais triste qu’on ait pas ce goût de la découverte. La démarche est importante. Ces trois créations ont été
créées pour l’Opéra de Paris. Ces créations ne peuvent être dansées que si on a eu un socle de danse classique. C’est une soirée qui rend hommage à chaque danseur de l’Opéra. Un ami me disait un
jour « Je savais que l’Opéra de Paris était une grande troupe classique, mais aussi la meilleure en danse contemporaine. ». Nous sommes une académie, c’est un lieu ressource où des choses peuvent
naître. Il faut d’abord apprendre une technique puis on apporte sa propre créativité.
Cette oeuvre a été littéralement construite. Je voudrais commencer par demander à Nicolas Paul pourquoi la musique de Ligetti?
Nicolas Paul : Je l’aime! J’avais déjà abordé différentes sortes de musiques, de différents répertoires. Le cheminement m’a donné envie de me
confronter à de la musique contemporaine. La thématique que j’ai choisie me semblait cohérente avec cette musique.
Brigitte Lefèvre : l’acceptation de Paul Andreu a été bienvenue mais aussi mystérieuse. On se demande comment les choses se construisent. Il y a
souvent des choses qui se construisent et d’autres qui sont des hasards. Je connaissais Paul Andreu. Je lui ai demandé où il en était dans ces projets. « Est ce que tu aimerais faire un ballet? –
oui pourquoi pas ».
Paul Andreu : Je voulais représenter les personnes comme sur les bas reliefs égyptiens. J’aurais aimé cette histoire raconté par la taille des
personnages sur les bas reliefs. J’ai fait part de cela à Brigitte Lefèvre.
Brigitte Lefèvre : Quand on a commencé à parler avec Nicolas Paul, tu m’as parlé de ton état de miroir. Je t’ai dit que ce serait bien que tu
rencontres Paul Andreu.
Nicolas Paul : c’était mes débuts avec un scénographe, je n’avais jamais fait autrement que seul.
Paul Andreu : J’aime cette musique de Ligetti. J’ai cette musique dans mon ipod. Je la connaissais.
Brigitte Lefèvre : Quand on te propose un ballet, comment ça se passe?
Nicolas Paul : Cela s’est fait au cours de nos discussions. Et puis on a toujours un sac d’idées ( 5 ou 10 projets dans la tête). C’est difficile à
définir. Les rencontres permettent de faire un choix. Tout cela doit aiguiller les choix.
Brigitte Lefèvre : Ce qui a été très bien porté c’est la musique de Ligetti dans la première partie Monuments. il faut faire entendre cette
musique au corps dansant. Un son cela s’apprivoise. Je crois que tu as réussi à ce que les danseurs se l’approprient.
Nicolas Paul : C’est d’ailleurs ce qui a permis le dialogue avec les danseurs. Ce changement de casquette provoquaient une appréhension en moi. Pas
du tout chez eux, ils me faisaient totalement confiance. Du coup aussi sur le choix musical. C’est une musique qui n’est pas immobile. Certains ont découvert cette musique et d’autres sont restés
plus sur la réserve.
Brigitte Lefèvre : Je vous recommande le livre de Paul Andreu La maison. Paul tu aimes aussi beaucoup cette musique. Quand on dit Paul
Andreu souhaite faire un décor, on se dit le plateau va être encombré. Comment as tu abordé tous les éléments?
Paul Andreu : J’aime beaucoup la musique moderne et contemporaine et de plus en plus. Quand on commence à rentrer dans cette musique, on l’admet,
quand on l’admet on la comprend et quand on la comprend, on l’aime. Cette musique a une géométrie stricte piquée de notes acides. J’aime les structures sous-jacentes dans les oeuvres d’art. Je suis
déçu quand on me dit que les choses abstraites sont austères. Pour moi elles sont stupéfiantes.
Brigitte Lefèvre : Dans cette première pièce, il y a ces choses très marquées, on ne peut pas dire fluides, mais qui ne s’arrêtent pas. Comment as
tu traité la musique?
Nicolas Paul : Il y a un dialogue dans le premier mouvement, un contrepoids. La musique vaut par elle même. Il fallait trouver un moyen de ne pas
trahir le morceau, d’apporter certaines touches qui n’y sont pas, notamment la fluidité. Il n’y a pas dans la musique de fluidité. La danse est une sorte de liant, une passerelle dans la
musique.
Brigitte Lefèvre : Il faut y mettre un nom, alors Paul est ce que tu considères que c’est un décor?
Paul Andreu : Oui. Je ne connais rien à la danse. Chaque élément est entier, la musique, le décor, et la danse. Les objets qui sont dans l’espace,
qui sont éphémères, je voulais qu’ils soient dans leur ordre, qu’ils soient suffisamment présents pour résister au chorégraphe, il faut que cela le pousse à créer. Il fallait aussi que ce soit
suffisamment flexible pour que Nicolas Paul puisse l’utiliser. La danse ne trahit pas la danse, la musique ne trahit pas la musique, le travail graphique ne trahit pas le travail graphique. Les
trois forment une tresse qui est quelque chose.
Brigitte Lefèvre : Je veux aussi parler de Madgi Hakimi, notre éclairagiste. Cela a été très difficile à éclairer. Cela a demandé beaucoup de
travail. Ce qui était très précis dans l’esprit de Nicolas Paul et de Paul Andreu, ce sont les costumes.
Nicolas Paul : avec Adeline, quand on a réfléchi, on a voulu faire des costumes de couleur chair. Le but était de faire quelque chose qui parlait de façon discrète du dessous plutôt que du vêtement
en lui même.

Spectateur
: Comment le travail de réalisation de Paul Andreu a t-il commencé?
Paul Andreu : Cela a été difficile. On a eu beaucoup de discussion. Il y a deux choses intéressantes dans la vie: la connaissance et l’ignorance. Le
reste est inintéressant. Nous avons établi une confiance réciproque et nous avons essayé des choses.
Brigitte Lefèvre : ma plus grande inquiétude était d’ailleurs cet immense respect. Quand est ce qu’on va y aller?! Ce fut un processus original, un
cheminement particulier.
Paul Andreu : Je n’avais qu’une envie, ne pas faire d’architecture. On avait des choses à se dire sur ce qui est caché sur ce qui est révélé.
Nicolas Paul : on voulait un décor qui interagisse avec les danseurs.
Paul Andreu : c’est différent d’un lieu dans lequel les danseurs évoluent. C’est un tout, une chose, une création chorégraphique.
Spectateur : vous avez dit que le miroir était votre point de départ pour la création. Il y a plusieurs possibilités. Comment faites vous pour faire
un choix?
Nicolas Paul : on choisit le chemin qui nous semble le plus pertinent. Et le miroir dans un théâtre à l’italienne c’est compliqué. La scénographie
est contraignante.
Spectateur : Vous avez parlé de l’organisation des structures sous jacentes et de lutter contre. Comment fait on pour lutter contre Garnier?
Paul Andreu : Je ne me suis certainement pas laissé porter. Il n’y a pas d’architecture qui soit plus éloignée que celle que je pensais que celle de
Garnier. J’aime la beauté grecque, la beauté nue. Le palais Garnier, est d’un parti formidable, tout est dit. Il est d’une clarté aveuglante. Je n’ai pas eu à lutter contre les grandes idées de
Garnier.
Brigitte Lefèvre : Garnier a été très rejeté. Pour moi la modernité c’est le contraste. Pina Bausch disait que son Sacre du Printemps ne pouvait se
danser qu’à Garnier, jamais à Bastille. Le grand ennemi de Garnier est le temps. Je suis très émue de voir que tous les gens associés à ce projet on été porteurs de tout ça.
Nicolas Paul : ce sont les mêmes contraintes, ce sont des données avec lesquelles il faut créer. Ce sont des stimulations.
Spectateur : le ballet est superbe je ne suis pas parvenue à dissocier la danse de la musique du décor.
Paul Andreu : merciiii!
Spectateur : avez vous été influencé par un chorégraphe?
Nicolas Paul :  non c’est impossible de donner un nom, c’est un carrefour d’influences.
Spectateur :  vous avez un style qui est propre et qui n’emprunte à personne.
Brigitte Lefèvre: il y a une question que je me pose sur le sens. A t on besoin de se raconter une histoire? Je ne crois pas.
Paul Andreu : pour moi le sommet de l’art c’est quand un objet est posé et que chacun peut projeter quelque chose de lui. Si un objet d’art vous
donne une direction, il vous brime.

Ce qui ressorti dans cette rencontre c’est donc la notion de choix, de contrainte en art sans quoi la création ne serait rien. Cela rejoint l’interprétation que j’avais posée sur la soirée (
Un avant goût de danse contemporaine… ) L’espace scénique en est
un dans lequel se confinent les corps, mais aussi la musique. J’avais moins perçu cet aspect musical tant le choix m’avait paru naturel, du moins dans la mesure où c’est un choix il ne
m’apparaissait pas comme contrainte. Je suis impatiente de revoir l’oeuvre avec la grille de lecture qui nous a été offerte ce soir.

Vidéo de Paul Andreu à propos de Répliques

http://www.operadeparis.fr/cns11/live/onp/Saison_2009_2010/decouvrir/index.php?lang=fr&CNSACTION=SELECT_CONTENT&content_id=1135&content_type=text&event_id=426&selected_season=354663924

Site officiel Paul Andreu
http://www.paul-andreu.com/

 

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Rencontre avec Nicolas Paul et Paul Andreu autour de Répliques:

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2 réflexions au sujet de “Rencontre avec Nicolas Paul et Paul Andreu autour de Répliques

  1. Laurence says:

    Rencontre très intéressante lundi soir. Merci pour ce compte-rendu, vous avez été plus rapide que moi, le mien ne devrait pas tarder. En attendant, il y en a un du spectacle de samedi soir. A
    bientôt !

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