Il est en danse comme ailleurs des découvertes qui vous marquent. Je me souviens par exemple d’avoir été fascinée par le travail de Kylian, frappée par le charisme de Nicolas Le Riche,
émerveillée devant le Lac des cygnes, touchée par le sourire de Pina Bausch à la fin d’une production au Théâtre de la ville. Il y a des productions qu’il vaut mieux oublier et pourtant leur
médiocrité vous frappe tellement en plein visage, qu’il vous reste un choc visuel qui met du temps à s’effacer. Je ne devais pas aller voir Pietragalla. Quelques semaines auparavant, j’étais
allée au Gala Karl Paquette à Saint Maur. Mes chères balletomanes et moi même discutâmes des choses à voir dans les semaines à venir. Nous étions un peu désespérées de voir le vide des mois à
venir… Amélie et Fab avaient alors évoqué Pietra, mais moi je n’étais pas tentée, mais alors pas du tout. Les monstres sacrées de la danse il faut les voir dans une belle chorégraphie et comme
je ne suis pas convaincue des talents de chorégraphes de la belle Corse…
Dans la journée j’avais vu un merveilleux spectacle, Krafff, plein de poésie et de tendresse j’en étais sortie enchantée. On m’a
proposé par deux fois des places pour le soir, pour aller voir La tentation d’Eve. Signe du destin ou hasard? Je remercie en tous cas A.A. pour ces deux places superbement placées, mais
je le rassure tout de suite, il n’a rien manqué! La générale à Garnier de Giulo Cesare devait être bien plus intéressante.
Le petit rat et sa Maman Souris se sont donc installées en corbeille avec vue plongeante sur la scène. Le spectacle commence avec du retard (grrrr j’ai horreur des spectacles en retard…). La
salle est pleine, je vois que toute la communication de Pietra est d’une efficacité redoutable! Derrière moi, des « fans » de la danseuse, qui sont là pour elle, pour sa présence, son charisme
incroyable.
Dans ce spectacle, Pietra a voulu faire une « histoire » de la femme à travers les âges. Elle choisit une lecture chronologique avec des thèmes de soumission, de combativité, de
rapport de forces avec un mâle sans cesse absent mais on le comprend bien qui a tort (c’est bien connu les absents ont toujours tort..). Cela commence avec une énorme pomme,
rappel de la tentation, qui plonge la femme dans la douleur. Sa danse montre tout de suite la souffrance du corps, de ce désir enfoui pour une sexualité latente. Le voile blanc,
symbole de l’union, de la pureté prend des formes changeantes. Il lui sert aussi à devenir femme enceinte, état apparemment douloureux qui n’est associé en rien à du bonheur.
J’ai trouvé cela plutôt étrange. Son corps devient laid pendant cette phase de la vie d’une femme. Il est crispé et tendu, et je n’ai pas bien compris pourquoi elle avait choisi cet angle
d’attaque de la maternité. La danse est entrecoupée de textes, qui sont des banalités sur la femme. Ils sont tantôt dits par une voix d’homme, tantôt par Pietra elle même, avec une diction ma foi
douteuse. Dans plusieurs interviews, Pietra a déclaré être attirée et vouloir faire du théâtre. Il va falloir rester dans la danse je crois…
Pietra entame un jeu avec une marionnette, c’est plutôt réussi. Je ne comprends pas bien où elle veut en venir mais le numéro est bien exécuté. Elle est au sol, immobile, et seul
ce petit personnage danse. Est-ce sa conscience, un petit compagnon, un gentil génie? Je ne sais pas. Cela devient long et je commence à m’ennuyer. Enfin elle revient à la vie et on peut
poursuivre l’avancée dans cette exploration de l’histoire féminine.
S’ensuit un assez joli numéro avec un grand drap blanc et un masque. L’incarnation de la femme africaine, ou venue d’ailleurs est un moment assez gracieux qui a mon approbation.
La danse est fluide pour la première fois de la soirée et c’est un des seuls moments où j’adhère au propos. Rare moment agréable du spectacle, la suite fut un véritable désastre.
On rencontre tout un tas de personnages dont Jeanne d’Arc. Elle use d’une superbe robe qui est un carcan. A partir de là commence l’abus d’accessoires qui peut être dangereux
pour la santé d’un spectacle (tout comme l’abus de scénographie…). Entre la robe, la tenue de Jeanne d’Arc, la robe du XVIIème siècle, des têtes façon mangas au sol, on étouffe sous le costume
et l’accessoire. On se croirait presque dans un spectacle de transformiste ou d’Arturo Bracchetti. Chorégraphiquement il n’y a rien, c’est creux. Pietra utilise son corps avec des ficelles qui
sont grosses et arrive elle-même à s’enlaidir. Comble du comble quand on voit cette danseuse qui est encore au top de sa forme et qui est d’un grand charme.
Ouf, on s’en sort là encore avec un petit moment de grâce. Au sol un tutu usé, et on reconnait à la musique La mort du cygne. Elle mime alors un vieux
cygne qui a des réminiscences de danse dans les ailes. C’est un moment touchant du spectacle, mais trop court pour me faire oublier le reste.
Un homme fait son entrée sur scène, mais il restera de dos. Pietra se maquille devant une glace et on entend tout un discours remuant des clichés sur la femme. Le discours se
recentre sur la femme artiste et là on touche le fond. Il y a des artistes auxquels il ne faut pas toucher. Pour moi il ne faut pas toucher à Barbara. Je suis une
inconditionnelle de l’artiste, j’aime tout d’elle et ce que j’aime encore plus c’est le regard qu’elle a su avoir sur elle même quand elle a perdu sa voix, à savoir un regard jamais pessimiste,
toujours humoristique, se faisant elle même caricature d’elle même (si vous ne l’avez jamais vu regardez Lily Passion). Il faut beaucoup de talent pour pouvoir danser, mimer, jouer du
Barbara. Voilà notre Pietra qui s’habille d’une robe noire, enfume la salle avec une cigarette sur Ma plus belle histoire d’amour. Clope, paillettes, chapeau, on atteint le summum de
l’accesorisation du spectacle. Elle sort un revolver et paf! Là non, non et non! Non Madame Pietragalla, Barbara n’était pas suicidaire! Prenez une autre artiste si vous voulez jouer le désespoir
artistique, prenez Dalida, mais pas Barbara, ou alors lisez un peu ses textes! Franchement à ce moment là j’hésite vraiment à sortir de la salle. Je suis trop curieuse et poursuis ce spectacle
qui prend une tournure assez dramatique.
Après la femme artiste meurtrie, où je croyais qu’on avait épuisé les grosses ficelles, elle revient en femme de ménage déchaînée qui chante dans un balai. Je me dis qu’on est
dans les années 50-60 et que le supplice va prendre fin. La voilà qui revient en tailleur et en working girl débordée, derrière un écran d’ordinateur, surmenée avec ses coups de
fils. Elle fait une utilisation très mauvaise de la vidéo qui est d’une piètre qualité. Entre tout cela, il n’est plus question de danse, mais de Pietragalla qui singe toutes ces femmes.
Retour aux sources, elle se déshabille et retrouve son costume originel, neutre et un langage du corps qui ressemble à celui du début avec des souvenirs des femmes qu’elle a
croisées sur son parcours. Pour la musique, elle choisit Für Alina d’Arvo Part, ce qui permet un brin de poésie. Elle retrouve sa marionnette qui lui rappelle sa condition originelle.
Pietra veut proposer une lecture féministe de l’histoire des femmes et c’est tout à son honneur. Le langage qu’elle utilise ne m’a pas convaincu, ni son propos qui manque d’humilité et de
modestie. Oui Pietra est un monstre sacré de la danse, mais elle est une mauvaise chorégraphe. Je préfère la voir en vidéo en princesse cygne dans le Lac.
La danseuse est ovationnée et applaudie. J’aperçois à l’orchestre Ariane Dollfus. Nos regards d’indignation se croisent. Parfois il vaut mieux en rire qu’en pleurer.
Eh bien c’était assez… explicite ! Tu peux te vanter d’écrire des critiques qui ressemblent à quelque chose, et qui ne virent pas au règlement de compte bête et méchant de certaines critiques
« officielles ». Dommage que ces grandes danseuses estiment trop vite trop vain de danser de la « grande » danse – qu’elles laissent plutôt les meilleurs chorégraphes écrire quelque chose pour elles.
Le Petit Rat a donc une Maman Souris ?
(mais qu’est-ce que tu apprends à tes élèves, lorsque tu ne les traînes pas à
l’Opéra !)
Oh mais plein de choses, ces chers petits sont nourris!
Oui il vraiment dommage de voir que Pietra ne se paie pas le luxe de se faire écrire de jolies chorégraphies. C’est une si belle danseuse! Quel gâchis!
Ah, cette critique valait le coup qu’on l’attende! C’est marrant, moi aussi, j’ai pensé à Arturo Brachetti. Sinon, j’ai un avis un peu différent. En fait, je crois qu’assez tôt dans le courant du
spectacle, j’ai fait une sorte de deuil de la danse. Je me suis dit que ce n’était pas un ballet, qu’elle ne dansait pas, que c’était plutôt une sorte de performance. Après, elle ne fait
pas dans la nuance, c’est clair et je comprends pourquoi elle peut agacer. J’avoue avoir été partagée entre une certaine déception (elle ne danse pas beaucoup; plusieurs moments ne
sont vraiment pas réussis) et un enthousisame certain (parce qu’elle a quand même un p… de charisme). Et j’ai eu l’impression d’être finalement embarquée malgré moi. D’accord avec toi sur
le petit moment de grâce pendant la mort du cygne. Dommage que cela n’ait pas duré plus longtemps…
Et bien! moi qui me lamentais de ne pas avoir trouvé de place aux dates qui m’intéressaient! je fais mieux de rester avec Caligula! au moins il y a de la danse!
Oui, entre la tentation d’Eve et Caligula, je vote pour Caligula sans hésiter (même si je trouve que ce ballet est assez inégal). Dommage tout de même que Jérémie Bélingard se soit retiré de la
. J’aurais vraiment aimé le voir endosser ce rôle. Il en a le charisme
course – même si c’est pour de bonnes raisons
et la flamboyance.
AA vous demande pardon…
Ce spectacle est effectivement consternant et plus …il met mal à l’aise , quant on pense à tout le potentiel artistique inexploité au profit d’un niveau presque cabaret de la danse., mais
pourquoi un tel gachis et tant de travail pour un si piètre résultat Ce n’est pas la première fois que MCP s’embarque dans des plans pas possibles. Elle est trop électron libre, genre
Patrick Dupont, et son public va se lasser de ses propositions puisqu’elle ne montre que ses faiblesses dans ce combat qu’elle mène hors ONP depuis des années.
Merci pour votre critique, sincere et si ‘serieuse’ malgre la fureur que l’on sent à trqvers vos mots !
Cette danseuse oublie que le spectateur est intelligent, qu’il veut rever : halte a l’explicite ! Place au reve(s) ! Place a de nouveaux/nouvelles choregraphes !