Je ne vous parle de ma déception de mercredi soir, quand la soirée d’ouverture fut annulée pour raison de grève. Je soutiens le mouvement, car elle va aussi dans le sens de mon agacement contre une certaine politique. A lire sur le sujet, l’article de Rue89, pour comprendre la colère des salariés de l’Opéra contre Tardieu.
Du coup, pas de gala, pas de danse, snif, moi qui avait préparé une jolie robe pour l’occasion. Tant pis je me suis réfugiée sur une soirée lecture/tisane. Je me suis régalée en lisant La planète des sages, livre coécrit par Jul et Charles Pépin.
Il y a quelque chose auquel je tiens tout de même, c’est le défilé de l’Opéra de Paris. C’est ma petite madeleine de Proust, cela a un goût de l’enfance. Jeudi, donc je cours après le boulot pour dégoter une place pour au moins voir le défilé. Incroyable j’obtiens un Pass jeune, pour la modique somme de 15€. Et oui, ça aussi, ça a augmenté ! Et pour certains ballets et opéras il faudra débourser 30€ (Orphée & Eurydice, Roméo & Juliette, entre autres). Bref, dans tout ça, le guichetier n’a pas vu son salaire augmenter… je ne vais pas faire de politique ici, mais tout de même, la direction actuelle mène une politique qui ne me plaît guère.
Le défilé me donne toujours autant de frissons et d’émotions. Hervé Moreau fut de la partie, on peut donc espérer le voir prochainement. Retour d’Aurélie Dupont, bien applaudie. Letestu nous fait sa révérence de joli cygne, Gillot capte l’audience d’un regard perçant et bienveillant, Heymann court tel un enfant pour saluer le public et Le Riche est comme à son habitude ovationné.
La soirée commence bien, quel bonheur ce défilé ! Retrouvailles entre blogueuses et twitteuses, Amélie, Fab, et Elendae sont de la partie. On s’émerveille encore et encore de ce moment, on discute de qui a été applaudi, pour qui on a crié bravo, mon seul regret fut
de ne pas être à côté de Fab, avec qui j’ai de bons souvenirs d’applaudissements.
La soirée continue avec Phèdre de Serge Lifar, que Claude Bessy a remonté. Le rideau s’ouvre apparaît un tableau de présentation, dessiné par Jean Cocteau.
Le rideau se lèvre et on trouve une scène avec pour seul décor un théâtre grec sous lequel est écrit le nom de son héroïne ΦΑΙΔΡΑ. Sur scène, Phèdre dans une majestueuse robe noire, avec une cape rouge, la couronne sur la tête donnant tout de suite le statut de cette femme. Dans cette version, la pièce n’est pas découpée en actes, mais c’est une succession de scénettes qui nous racontent l’histoire. L’histoire parlons-en, j’ai une grande capacité à mixer la mythologie dans ma tête et du coup à en oublier les histoires.. J’ai trouvé deux superbes livres qui racontent toutes les légendes, d’une très belle façon : Le feuilleton d’Hermès et Le Feuilleton de Thésée . Ils raviront petits et grands. Alors pour la faire courte, cela se passe à Trèzène, ville du roi Thésée, qui est parti à la guerre. Phèdre est seule au royaume, avec sa servante et confidente Oenone. Elle lui déclare qu’elle brûle d’amour pour Hyppolite, son beau fils. Hyppolite, quant à lui, est avec ses compagnons et veut fuir la ville car il est amoureux d’Aricie, une ennemie du royaume. On annonce que Thésée est mort, Phèdre déclare donc son amour à Hyppolite. Elle regrette et tente de se tuer avec le poignard d’Hyppolite, mais Oenone l’en empêche. Thésée rentre à Trézène, apprend qu’Hyppolite est amoureux d’Aricie. Phèdre l’accuse de l’avoir séduite. Thésée demande conseil à Neptune et bannit Hyppolite. Il meurt dans la mer. Phèdre se sent coupable de son amour, décide d’avouer, boit le poison et meurt. Son père et sa mère viennent pour l’enterrer.
Dès le début, on est plongé dans l’univers de Cocteau. Les tableaux sont des dessins du maître en mouvements. Les couleurs sont vives, les perruques blondes des personnages nous transportent vers un pays lointain. On dirait des petits personnages de dessins animés. La marque graphique de Cocteau est vraiment très présente. Marie-Agnès Gillot interprète une Phèdre majestueuse. L’association avec Alice Renavand, fonctionne très bien, deux femmes fortes, chacune à sa place. Gillot est une Phèdre qui semble en colère au début du ballet. Elle est perdue, ne sait que faire, et s’en remet beaucoup à Oenone. Les regards et les gestes sont francs, avec une puissance entre les personnages. Hyppolite sous les traits de Karl Paquette apparaît. Son costume de super héros
m’amuse. C’est un homme fier, qui croit en son destin, qui croit le maîtriser. Karl Paquette est très bien dans ce rôle, on sent le guerrier qui sommeille en lui. Aricie, son amoureuse, est dansée par Myriam Ould Braham, qui dans son costume de manga japonais, est un petit bonbon sucré. Même si parfois elle semble mal à l’aise avec sa perruque, elle est une Aricie délicate et charmante. Elle ne manque pas d’atouts pour séduire Hyppolite, de belles lignes, une danse légère. Le partenariat avec Paquette fonctionne très bien. Cela semble assez naturel.
Quand Thésée rentre, on reconnaît à peine Nicolas Le Riche. A partir de ce moment là je décroche un peu. Si, si je décroche même avec Le Riche qui danse ! La musique sans doute un peu trop rythmique, pleine de staccato, à en fait tendance à me bercer légèrement. Je ne suis pas convaincue par Le Riche en Thésée. Sa danse est comme à son habitude impeccable, mais peut être trop douce, trop légère, alors qu’à mon sens, il se doit d’être plus dans le sol, plus puissant, puiqu’il faut tenir tête à Phèdre. Là ce soir, je le trouve un peu effacé, pas dans le rôle. Au retour de Thésée, Phèdre est tourmentée, ce que l’on peut voir avec les mouvements circulaires. Oenone essaye de l’aider, de la rassurer, avec une danse bien plus tranchantes, des lignes droites, des pauses dans le mouvement. Il y en a d’ailleurs beaucoup dans tout le ballet. Les danseurs exécutent souvent un même geste à la même place, ou bien se fige dans une posture qui rappelle la course, ou la mort. C’est le cas d’Hyppolite qu’on voit mort sous ses chevaux. La culpabilité de Phèdre découle sur la prise du poison qui la tue. La scène est assez classique, un peu de pas vifs, puis, un ralentissement, sur violons tremblotants, mais c’est efficace. Gillot est une excellente tragédienne, la mise en scène marche bien.
Dans l’ensemble j’ai été interpellée par cette oeuvre. Bien qu’elle soit datée, qu’elle ait un style parfois vieillot, il y a de beaux éléments chorégraphiques, et une belle narration. Est-ce parce que c’est Cocteau qui a signé l’argument, mais j’ai beaucoup pensé à Roland Petit en voyant cette pièce. Lifar a bien entendu sa pâte, qui est forte. C’est un ballet puissant, qui ne laisse pas indifférent. J’attends avec impatience de le revoir, car je crois qu’il y a beaucoup de détails à voir dans cette pièce.
Ma soirée fut un véritable decrescendo. SI Phèdre m’a plu, Psyché m’a horripilée. Je pèse mes mots. Pendant l’entracte, un grand tableau fait office de rideau. Première
impression, je me dis que ce n’est pas très beau. Bon ce n’est qu’un rideau après tout. Le début est plutôt prometteur, une obscurité bleue dans laquelle on distingue 12 danseurs. Ils se mettent en mouvement, avec un mouvement de bras qui grandit au fur et à mesure. J’aime beaucoup l’énergie de ce début, qui est en osmose avec la musique. Il y a une certaine douceur dans les déplacements des danseurs, qui ne manque pas de nuances et d’accents.
Psyché apparait sous un voile noir. Dessous, on devine sa robe de mousseline blanche. C’est assez délicat, elle est transportée et posée au centre de la scène. Ah oui, j’oubliais, la petite piqure de rappel de l’histoire. Psyché ne trouve pas l’amour malgré sa très grande beauté (et quelle beauté ce soir, Aurélie Dupont est radieuse). Vénus, jalouse de sa beauté, ordonne à Eros de lui tirer une flèche afin qu’elle aime le plus laid des hommes, mais Eros est touché par sa propre flèche et tombe amoureux de Psyché. Elle est emmenée dans un palais merveilleux par le dieu Zéphyr. La nuit Eros lui rend visite, mais lui interdit de chercher à découvrir son identité. Les deux soeurs ne l’entendent pas de cette façon, et persuadent Psyché que son amant nocturne est un monstre qui la dévorera. Ainsi elle attend la nuit suivante qu’Eros s’endorme pour le voir avec une bougie. La cire tombe sur l’épaule du dieu qui se réveille furieux de découvrir la trahison de Psyché. Elle est chassée du palais, et se retrouve dans une forêt très angoissante. Mais Eros l’aime toujours et supplie Vénus de calmer sa colère, et de le laisser épouser Psyché. Tout est bien qui finit bien, Eros et Psyché se marient pour le meilleur (oui au royaume des dieux, c’est que pour le meilleur).
A partir du moment où la jeune femme arrive dans ce palais merveilleux, le ballet fut un calvaire pour moi. J’ai eu beau regarder Aurélie Dupont, dont le retour sur scène me ravit, rien n’y a fait, je trépignais de rage sur mon fauteuil. D’abord j’ai trouvé les décors très laids et de mauvais goût. C’était très ringard ces grandes toiles de couleur. En plus l’évidence des fils qui font descendre les morceaux de cartons, non merci. Ensuite, les costumes… à part Psyché qui a une tunique assez jolie, le reste au secours. Au Palais merveilleux, les hommes sont des animaux et les filles des fleurs, et là on frôle tout de même le grotesque. Je ne vous parle pas des pauvres zéphirs qui se trimballent un rideau de douche bleue coupé en lambeaux.. Quand ils ne sont pas en animaux/fleurs ou autres créatures, le beige des justaucorps est affreux. Si Ratmansky cherchait un semblant de nudité pourquoi ne pas faire un académique complet et éviter ce string ventral sur
ces charmants danseurs ? Le pauvre Bullion hérite lui aussi du vilain justaucorps, mais réhaussé d’écailles…
Côté chorégraphie, ce n’est pas mieux, je m’ennuie à mourir. Je trouve ça très gnan-gnan, assez dégoulinant et dans l’ensemble, vide d’un point de vue de la danse. Est-ce bien la peine d’utiliser le langage classique si c’est pour en faire cela? Il manque un peu de saveurs à cette pièce. Les variations qui se succèdent passent et se ressemblent. Dupont est merveilleuse, mais encore faudrait il lui mettre des pas dans les jambes. Bullion en Eros semble moins à l’aise. La première chorégraphie a au moins le mérite de mettre un large sourire sur le visage de Stéphane Bullion, ce qui nous change des rôles plus noirs dans lesquels on le colle. Tout me glisse dessus, je ne suis pas du tout réceptive à cette danse, heureusement à Garnier je ne m’ennuie jamais. La musique de César Franck est superbe et le choeur de Radio France sauve ma soirée.
Je décroche complètement quand Psyché arrive dans la forêt. Voilà nos garçons qui reviennent sous la forme d’animaux des sous bois… Vite la dernière scène, avec Vénus, dansée par Amandine Albisson qui est parfaite et que tout cela finisse… La fin me plonge dans un état d’énervement. Je suis atterrée, un peu comme sonnée devant ce ballet… La salle quant à elle semble apprécier, puisque les bravos pleuvent. Je ne me sens même pas le courage d’applaudir. Je rentre chez moi dépitée, heureusement je retrouve une aropienne qui partage mes impressions, ce qui me rassure un peu. Je retourne voir la soirée samedi, avec une distribution différente, j’espère que ça se passera mieux !
PHEDRE
TRAGÉDIE CHORÉGRAPHIQUE DE JEAN COCTEAU
Georges Auric | Musique |
Serge Lifar | Chorégraphie |
Jean Cocteau | Rideau, décor et costumes |
Distribution du 22 septembre
Phedre | Marie-Agnes Gillot |
Thésée | Nicolas Le Riche |
Oenone | Alice Renavand |
Hippolyte | Karl Paquette |
Aricie | Myriam Ould Braham |
PSYCHÉ
Création
César Franck | Musique |
Alexei Ratmansky | Chorégraphie |
Karen Kilimnik | Décors |
Adeline André | Costumes |
Madjid Hakimi | Lumières |
Choeur de Radio France | |
Denis Comtet | Chef de choeur |
Distribution du 22 septembre
Psyché | Aurélie Dupont |
Eros | Stéphane Bullion |
Vénus | Amandine Albisson |
2 Soeurs | Mélanie Hurel, Géraldine Wiart |
- Bonus vidéo : le défilé du 22/09
Ton « rideau de douche bleu coupé en lambeaux » dans Psyché m’a bien fait rire. Le pire, c’est que tu as raison! C’est assez étrange ces costumes et ces décors. Et ça vaut aussi pour Phèdre. Je
trouve qu’ils en occultent presque la chorégraphie (de là à dire que ça pique parfois les yeux, il n’y a qu’un pas!).