© Michel Lidvac
Je savais que j’avais bien fait de revoir cette distribution. J’ai passé une soirée magnifique. J’espérais avoir un pass et être au plus près de la scène, mais j’ai du me contenter d’un fond de loge. Mal placée au premier acte je n’ai pas vu grand chose. J’ai aperçu avec peine Muriel Zusperreguy et Florian Magnenet. Je ne saurai vous dire comment a été leur pas de deux. J’ai mieux vu le corps de ballet qui se répartit des deux côtés de la scène. Conseil, si il faut oublier la loge 5, vous pouvez aussi oublier la 7 ! J’ai fait de sacrées acrobaties pour voir la scène du rêve.
Ciaravola porte une fois de plus le ballet. Elle est lumineuse, elle vole dans les bras d’un Mathieu Ganio, qui me convainc de plus en plus. Il devient dans cette scène un amoureux transi, il devient cette image dont Tatiana rêve tant. Il la fait voler, leur couple est en parfaite harmonie. Les jambes d’Isabelle Ciaravola s’élancent, glissent. Même avec les trois quart de scène, c’est un pur bonheur. C’est une vraie héroïne romantique, éprise d’un homme mystérieux.
© Michel Lidvac
Pas question de rester là, je rejoins Pink Lady en loge de face. Place au deuxième acte, dans lequel Mathieu Ganio sait être cet Onéguine cynique et insupportable. Il a le
sourire de tout homme indélicat face à une jeune femme fragile. Ciaravola a le talent d’interpréter ces personnages de femmes, comme Tatiana ou Marguerite Gauthier. Pleine d’humanité, elle se plonge dans la psychologie de cette jeune femme, qui vient de subir l’affront du charmant poète. Alors qu’elle ne cherche que son regard, Onéguine est froid, dans tout son corps, dans toute son âme. Ciaravola montre l’hésitation à aller vers lui jusqu’aux bouts des pointes. Florian Magnenet ne fait pas trop le poids face à un Onéguine si puissant. Il est tout le temps sur le même registre et on ne croit pas à son énervement quand Onéguine séduit Olga, dansée par une Muriel Zusperreguy très en forme et à qui le rôle d’Olga va très bien.
Magnenet ne me convainc pas dans la variation de Lenski, cela manque de maturité. Il a trop l’attitude d’un prince, d’un héros, pas d’un homme qui va mourir, qui est blessé car l’orgueil de son ami est parvenu à détruire leurs liens. Si techniquement, il n’y a pas grand chose à dire, je n’adhère pas du tout au personnage qu’il présente.
© Michel Lidvac
Isabelle Ciaravola est à l’apothéose de son art au troisième acte. Radieuse avec Christophe Duquenne en Prince Grémine, sa fragilité resurgit dès l’instant où elle voit son amour d’autrefois. En une demi seconde, les sentiments reprennent le dessus, l’assurance qu’elle avait en dansant avec son mari disparaît. La nouveauté est la faiblesse qui trouble Onéguine et je dois dire que Mathieu Ganio est remarquable. Il est animé par ce « spleen noir » dont parle Pouchkine. Dans son rêve, il est hanté par toutes ces robes. Ganio parvient à traduire ce sentiment nouveau, par une danse qui puise beaucoup d’énergie dans le sol.
Quand il arrive chez Tatiana, il brûle d’amour pour elle. Pas un regard dans ses yeux, elle garde sa colère en elle, se ferme. Il n’y a que lui qui prend ses mains, qui l’enlace. Il tombe à ses pieds, avec le désespoir d’un mourant. Si son amour est toujours intacte, la blessure ancienne également et c’est cela qu’Isabelle Ciaravola donne à voir. Toute l’histoire de Tatiana est dans cette scène. C’est très beau, de quoi vous faire pleurer.
Onéguine est définitivement mon coup de coeur de l’année avec Artifact.
- Distribution du 30 décembre 2011
Eugene Oneguine | Mathieu Ganio |
Lenski | Florian Magnenet |
Tatjana | Isabelle Ciaravola |
Olga | Muriel Zusperreguy |
Prince Gremine | Christophe Duquenne |
Piotr Ilyitch Tchaikovski | Musique |
Kurt-Heinz Stolze | Arrangements et orchestration |
John Cranko | Chorégraphie et mise en scène |
Jürgen Rose | Décors et costumes |
Steen Bjarke | Lumières |
Merci pour ce beau compte-rendu ! pour moi aussi c’est le spectacle de l’année ! et bravo pour la vidéo exceptionnelle !
Oui c’était une représentation magnifique. Ma dsitribution favorite!
Je ne regrette pas d’y être allée non plus ! Je n’ai jamais été déçue par Mathieu Ganio, mais alors là j’ai été plus que convaincue par son Onéguine, mélancolique, froid dans les deux premiers
actes. Je pense que tout a été dit pour Isabelle Ciaravola, elle était magnifique, sa manière de déchirer la lettre et de faire sortir Onéguine m’a donné des frissons…
Merci pour cet article sur un si beau ballet, l’un des plus beaux de l’année pour moi! Je n’ai pas eu la chance de voir cette distribution avec Ciaravola, mais j’ai adoré la première avec Aurélie
Dupont et McKie. Dupont montre une belle féminité et une profonde intériorité. Mais la surprise est venu de McKie qui m’a semblé l’incarnation parfaite d’Onéguine; outre sa technique, j’ai été
surprise par sa manière très légère et fluide de danser. Je n’ai pas vu Dorothée Gilbert dans ce ballet, mais une amie l’a trouvée convaincante dans ce rôle dramatique : l’avez-vous vu?