Nouveau Roman de Christophe Honoré

Hier soir, direction le Théâtre de la Colline pour découvrir la pièce de Christophe Honoré, Nouveau roman. Si certains dans la salle s’attendaient à une lecture ou une reconstitution, il n’en est rien. On ne cherche pas ici la ressemblance physique, Jérôme Lindon le célèbre éditeur des Editions de Minuit est ainsi incarné par Annie Mercier et Michel Butor par Brigitte Catillon. Tout comme les écrivains de ce mouvement, rassemblés autour du charismatique Alain Robbe-Grillet, magnifiquement incarné par Jean-Charles Clichet, la pièce ne se contente pas de rentrer dans les codes du théâtre moderne. La forme de la pièce semble être bien réfléchie par Christophe Honoré.

Cela commence avec Julien Honoré, petit frère du metteur en scène, qui raconte la genèse de la pièce. C’est parce que Christophe Honoré a découvert en premier ces écrivains, notamment Duras, véritable objet de fascination, que le Nouveau Roman a pris une place fondamentale dans sa conception de la littérature. Une fois la petite histoire racontée, Julien Honoré, alias Claude Mauriac, présente les écrivains. Immédiatement on entre dans la pièce. On y croit et ça fonctionne très bien. On brûle les romans du XIXème siècle pour poser les bases d’une nouvelle littérature. Tous y passe surtout Balzac, figure de proue de l’intrigue et des personnages que veulent détruire ces nouveaux écrivains. On notera que Gide et Céline sont épargnés.

Robbe-Grillet fonde le groupe, récupère Duras, interprétée par la délicieuse Anaïs Demoustier, qui doit venir aux Editions de Minuit, puisqu’elle est et l’affirme la meilleure écrivain. Le groupe semble prendre une grande importance. Il faut se rassembler pour faire face à la critique, celle d’Henriot, qui ne comprend pas les formes que défendent Sarraute, Robbe-Grillet, Butor et les autres. Pour renforcer le groupe, il pense à créer une devise, un logo. Grand moment de rires, on est plongé dans l’intimité du groupe. « Les castors font barrage »…

On rit beaucoup dans la pièce, comme quand Claude Ollier présente son prochain livre à ses camarades, sous forme d’un schéma complètement dingue ou encore quand Duras s’expose comme le meilleur écrivain, jalouse le prix de Butor. Les questions du public, pour faire une pause dans le rythme endiablé de la pièce, apporte aussi une touche d’humour. On est dans l’univers d’Honoré, alors on n’oublie pas la chanson. Reprise de la chanson de Maguerite Duras, superbement interprétée par Anaïs Demoustier (Ludivine Sagnier interpète Brigitte Fontaine) . Les écrivains dansent aussi pour mimer leur quotidien, leur travail, leur obsession de la recherche de la forme.

La pièce est ponctuée par des entretiens d’écrivains actuels filmés, comme Philippe Sollers, Marie Darrieussecq, François Bégaudeau. Charles Dantzig tente d’analyser la situation de ce mouvement. Comme tous les mouvements artistiques français, ces écrivains ont été très décriés par la critique, par le lectorat. Ils ont été incompris et en même temps ils font la renommée de la France à l’étranger. Il conclut avec une phrase avec laquelle je suis bien d’accord « La France déteste ses artistes ». Sollers considère aussi que le « Nouveau Roman » est une lueur dans la grisaille littéraire de l’époque et aujourd’hui nous sommes dans la nuit.

Les comédiens sont absolument bluffants, chacun à leur manière, je vous dirai bien un coup de cœur, mais honnêtement c’est un coup de cœur collectif ! J’ai aimé la fougue et le charisme de Julien Honoré, le côté grave et ténébreux de Sébastien Pouderoux, la sensualité de Ludivine Sagnier, l’élégance de Brigitte Catillon, la verve de Jean-Charles Clichet, l’aisance scénique et l’énergie de Benjamin Wangermée, la fausse naïveté de Mélodie Richard, le regard perçant d’Anaïs Demoustier, les fesses de Mathurin Voltz et le jeu inégalable d’Annie Mercier.

J’ai adoré la pièce, on sort de là avec un grand enthousiasme. Honoré parvient à nous redonner envie de lire ces auteurs que j’ai pour ma part découvert à l’école, notamment Sarraute et Duras. La réflexion sur la forme est fascinante et la mise en abyme des principes du Nouveau Roman à la pièce qui se déroule sous nos yeux est très réussie.

Réécouter, India Song…clic

 A lire dans la presse :

Le Monde : Le « nouveau roman » de Christophe Honoré, portfolio, clic
Le Monde : S’affranchir du visible, clic.
Le Monde : Christophe Honoré, la nouvelle vie du « Nouveau Roman », clic
Le Parisien : Ça swingue, le « Nouveau Roman », clic.
Les Inrocks : Une avant-garde telle que le Nouveau Roman est-elle encore possible ? clic.
Les Inrocks : « Nouveau Roman », une aventure théâtrale d’une rare fraîcheur, clic.
France Inter : Christophe Honoré est l’invité de Pascale Clark, clic.
Arte : rencontre avec Christophe Honoré, clic.
Les Echos : Christophe Honoré,  La loi du désir
Bella Figura : L’esprit de Nouveau Roman, clic.

avec
Brigitte Catillon, Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Julien Honoré, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Ludivine Sagnier, Mathurin Voltz, Benjamin Wangermée.

Plus d’infos et réservations, clic.

2 réflexions au sujet de “Nouveau Roman de Christophe Honoré

  1. Bruno says:

    Bonjour,
    Merci pour cette belle critique. Une petite rectification. India Song est interprétée par Anaïs Demoustiers et non par Ludivine Sagnier. La chanson qu’interprète Ludivine est « Dommage que tu sois mort » de Brigitte Fontaine…

  2. Le petit rat says:

    Ah merci. Je ne sais pourquoi j’avais en mémoire la voix de Sagnier sur cette chanson tout le dimanche. Je corrige immédiatement !

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