Qu’est-ce qu’il y a dans vos cauchemars ? A quoi ressemblent vos fantasmes ? Quand vous lisez un conte, quel rôle vous donnez vous ? Toujours le beau sans doute ? Voilà les premières questions qui interpellent le spectateur dès le début de ce spectacle très particulier. Une récitante, qui va s’incarner dans la peau d’une méchante fée, une jeune comédienne très talentueuse, qui interprète sans niaiserie le personnage de La Belle et un prince, au visage ravagé et pourtant terriblement sensuel.
On entre dans ce tableau de Fussli, et on voyage avec ces images pendant toute la pièce. Le regard va être emmené dans un univers qui va troubler sa vision. Les décors sont projetés et dans cesse en mouvement. Certains personnages sont des hologrammes très bien fait. Ainsi plusieurs plans de mêlent, on a l’impression d’être entrés dans un film. Les décors sont très beaux, très soignés.
L’histoire est revisitée dans une version moderne mais qui garde un soupçon de fantastique. Une jeune peintre, obsédée par la mort de sa mère, ne représente que des corps meurtris sur ses toiles. Elle jette de la peinture rouge qui saigne les corps comme son cœur saigne de douleur. Sa conscience est représentée par une sœur qui apparait doublement. Petite, quand elle est gentille, immense quand elle la pousse un peu dans ses retranchements. D’un coup de main, ou en l’enfermant dans son seau, cette sœur envahissante peut disparaître. Dans une de ses rêveries, elle voit ce superbe cheval blanc, qui tourne autour d’elle et qui semble vouloir lui parler. La vision est démente entre cette comédienne et ce cheval qui semble si réel. Elle le suit et arrive au château du prince. Première rencontre, première intrigue, et naissance du désir. Il veut voir ses tableaux, elle veut voir son visage. Le château, gris et triste comme son locataire, est flamboyant à l’intérieur. On voyage dans les pièces, avec le même regard enfantin et curieux que celui de la jeune peintre. Les metteurs en scène parviennent à nous mettre dans les mêmes sentiments et aspirations que les personnages. Les deux personnages se rencontrent ainsi tous les jours et apprennent à se découvrir. Lui exprime clairement son désir. Ils comparent ses pieds à du plomb, ancrés dans le sol. Il est retenu par son apparence, son dégoût de lui même. Elle est troublée par ce sentiment la nuit. Elle dort dans son atelier quand elle rêve du prince. L’hologramme du jeune homme, sans son visage repoussant, se pose sur le lit de la jeune femme endormie. Il commence à la caresser, à l’embrasser, son dos se cambre. C’est très troublant pour le spectateur, de voir ces deux corps se mêler.
Elle retourne chez lui, il la drogue avec un thé aphrodisiaque. Elle s’allonge sur son lit, s’endort. Quel choix s’offre à lui désormais ? Devenir le monstre du tableau à son tour ? Quel rôle veut-il jouer dans sa propre histoire ? La chaleur de la pièce contraste avec la pluie battante contre les vitres. Il se reprend, enrage de son désir, et part.
La mauvaise fée va renforcer l’amour de ces deux êtres. Elle trouble la jeune femme, lui fait croire qu’il est un être ignoble. Elle l’aime elle aussi et n’envisage pas de se faire voler cet amour par une autre. Après quelques temps d’abandon, le cheval blanc, symbole du désir de la belle revient pour l’emmener au château. Elle l’embrasse. Ici pas de transformation. Les apparences ne sont pas trompeuses, cet homme est bien laid, mais il est différent et la comprend. Le texte est poignant tout comme ce tourbillon d’images dans lequel évolue cette histoire.
C’est un spectacle comme je n’en avais jamais vu. La force des images, le texte, le jeu des comédiens, très à l’aise avec tous ces personnages imaginaires, font de ce spectacle un objet singulier qui m’a beaucoup plu. . On passe un moment inoubliable et on ressort avec toutes ces images en tête, parfois cauchemardesques, parfois enchanteresses. C’est très différent de tout ce que j’ai pu voir. Petit bémol sur le rythme du spectacle qu’on aurait aimé peut être un peu plus soutenu. A voir sans aucun doute, par contre, contrairement à ce qui est annoncé, plutôt sans les enfants (- de 12), car l’érotisme et le vocabulaire employé, difficile, ne leur conviendraient pas.
Merci à Youssef B. pour la belle découverte. A voir, sa chronique dans le JT du 21 février, à 30’30, clic
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Une réflexion au sujet de “La belle et la bête par Lemieux Pilon 4D Art”