© MCDC
Dernière ligne droite avant mes vacances (amplement méritées), avant un week-end à Lyon organisé par l’AROP, un détour par le Théâtre de la ville. Pink Lady doit avoir des pouvoirs magiques car elle a réussi à nous dégoter hors abonnement deux places pour voir Cunningham. J’étais donc ravie car je pensais vraiment passer à côté de ce dernier hommage au chorégraphe mort l’an passé. Trois ballets, trois ambiances dans un langage sans cesse renouvelé . De la danse pure et épurée, de quoi vous faire ressortir avec une impression de déjà vu et pourtant, c’est une danse dont le langage parait infini.
Suite for five commence. Un homme danse, puis la lumière s’éteint. C’est un trio qui s’ensuit, puis de nouveau un solo. La pièce est très sombre, les danseurs y sont
comme des puits de lumière. Le rythme est plutôt rapide. Les fouettés de Cunningham qui finissent en contraction attitude, ont ce côté très graphique, que j’apprécie dans les ballets. Je pense souvent à un stylo lumineux qui écrirait dans l’espace en faisant des lignes et des courbes, avec des pauses qui forment des points.
La deuxième pièce, Quartet, m’a beaucoup plus enchantée. J’ai trouvé cela plus fluide, plus liée. La pièce joue sur des décalages comme souvent chez Cunningham entre un
individu et un groupe. Il y a toujours un danseur hors du groupe, qui est là sans être avec les autres, parce que son rythme est plus lent ou plus rapide, parce sa danse n’a rien à voir avec la chorégraphie du groupe, ou tout simplement parce qu’il n’est pas dans la même direction. L’atmosphère de cette pièce m’a absorbée. Le regarde saut d’un danseur à l’autre, comme sur une partition de musique, où l’on suit les notes. Cette danse se fait et se défait sous les yeux d’une salle presque envoûtée par une chorégraphie très bien construite.
La dernière pièce… Xover … comment vous en parler… J’ai adoré la chorégraphie qui faisait un bond en avant dans le temps. Toujours avec ce vocabulaire très codifié
et des académiques blancs, qui mettent plus en valeur les corps que les couleurs vieillottes des années 80, Cunningham propose une pièce moderne, rythmée, où le groupe danse sur la pulsation des respirations. Cela ne pouvait pas être au son de la musique. Les danseurs de la MCDC découvrent toujours la musique en live (au moins pour la première et ils travaillent toujours en silence). Ce soir la musique était une succession de bruits qui m’ont cassé les tympans. Quand la musique porte la danse, puis qu’il y a cette sorte d’union magique, c’est merveilleux. J’aime aussi quand la musique est en décalage, mais qu’elle est aussi un objet de plaisir. Là j’aurai préféré voir la pièce dans un silence religieux. Des crissements, une chanteuse qui baragouine ou hurle dans une langue que l’on ne comprend pas, des bruits qui claquent, qui frappent, des sons trop forts qui m’ont gâché la danse que j’ai pourtant trouvé si belle.
En somme une très jolie soirée, avec de beaux danseurs, n’ayant rien perdu de l’élan de leur maître. Dernier tour d’une compagnie incroyable, dernier hommage à un chorégraphe de génie. Cunningham disait que la danse est un art dans lequel il faut avoir pour d’amour. « Elle ne vous donne rien en retour, pas de manuscrits à mettre de côté, pas de peintures à montrer sur les murs et à accrocher, peut-être, dans des musées, pas de poèmes à imprimer et à vendre, rien que cet instant unique et fugitif où vous vous sentez vivant. Elle est pour les âmes incertaines. »
SUITE FOR FIVE (1956-1958)
chorégraphie : Merce Cunningham
musique : John Cage (extrait de Music for piano)
costumes : Robert Rauschenberg
lumières : Beverly Emmons
pour 5 danseurs
QUARTET (1982)
chorégraphie Merce Cunningham
musique : David Tudor (Sextet for Seven)
décor & costumes : Mark Lancaster
pour 5 danseurs
XOVER (2007)
chorégraphie : Merce Cunningham
musique : John Cage (Aria assemblé avec Fontana Mix de Cage)
décor & costumes : Robert Rauschenberg
lumières : Josh Johnson
pour 13 danseurs
danseurs : Brandon Collwes, Dylan Crossman, Emma Desjardins, Jennifer Goggans, John Hinrichs, Daniel Madoff,
Rashaun Mitchell, Marcie Munnerlyn, Krista Nelson, Silas Riener, Jamie Scott, Robert Swinston, Melissa Toogood, Andrea Weber