Compte-rendus scènes

La Sylphide se lève à l’Est.

Moscou ! Une ville qui semble inatteignable. Souvent dépeinte comme lointaine politiquement mais si proche culturellement.

L’esprit slave est si envoutant. Lorsque je suis arrivé à l’approche de Shermentievo, les plaines de l’oblast de Mocba encore enneigées luisaient sous la pleine lune. Fascinant spectacle, le tout servi par le (très) charmant sourire d’une policière aux frontières russe de l’aéroport.

A l’occasion de cette visite de Moscou, je suis chanceux, La Sylphide me tend les bras depuis le Bolchoï. Dans l’idée, c’est comme aller écouter du Wagner dirigé par Karajan à Bayreuth ou bien aller à la messe de minuit à Saint Pierre de Rome.

La Danse en Russie ? Celle qui donna un grand coup de fouet(té) au début du XXe siècle et perpétue de nos jour le répertoire classique dans sa fidélité et sa réussite. Pour nous français, venir l’admirer n’est pas si simple. Le visa obligatoire pour le tourisme peut s’obtenir via l’ambassade après moult paperasses et après avoir obtenu le fameux « voucher touristique ». Pour ma part il était plus simple de passer par une agence. Bref aussi accessible qu’un Ballet classique à Garnier pour une famille de province. Après tout, ce parcours du combattant rend la conquête de la soirée vécue au Bolchoï encore plus savoureuse.

La neige est déblayée autour du Bolchoï, sa façade à colonnes Grecques brille de mille feux sous un soleil d’or. Les Uber Mercedes aux vitres teintées aux tarifs dérisoires déposent toutes sortes de familles ou groupes devant l’imposant monument qui figure également sur les billets de 100 RUB. En revanche c’est un peu plus à gauche que les choses se passent. La Sylphide se donne sur la « Nouvelle Scène » du Bolchoï inaugurée en novembre 2000 pour continuer les spectacles durant la rénovation du vrai théâtre.

Comme dans tous les restaurants de la ville, le vestiaire est très utilisé, garder son manteau pelisses d’ogres et manchons de vison à l’intérieur est tout à fait inhabituel. Heureusement car ce spectacle va réchauffer l’esprit. Bien que récente, cette salle pourrait fort bien être comparée à un opéra national d’un pays de l’est du fin XIX ou début XXe. Lustres chargés, dorures et marbre, le tout aux angles parfois vifs, constituent l’atmosphère chaleureuse et parfois lourde d’un monument Russe.

  A peine commencée cette Sylphide version Bournonville captive et défile à une vitesse vertigineuse, j’y ressens une très belle direction de la troupe et du spectacle. Pas de temps morts, enchainements parfaits. La composition met bien en valeur la ballerine. Nina Kaptsova, Etoile du Bolchoï et deux fois nominée au Benois de la Danse (excusez du peu) déploie une douce sensualité, dessine des arabesques parfaites, mes yeux ne la quittent plus, c’est si beau ! Nul besoin d’intellect ou d’effort, La Sylphide est là, incarnée et dominante.

  Semyon Chudin alias James a tout d’un beau danseur avec son physique, mais je suis plus séduit par son ennemi, le fameux Gurn. Pour ce dernier, le voleur de fiancée est joué par Artur Mkrtchyan avec une série éclatante d’entrechats 6 dont je n’avais pas le souvenir auparavant. La sorcière malicieusement interprétée par Kristina Karasyova jusqu’au bout, sera également applaudie comme il se doit par le publique. Tout cela vit très joyeusement. Quelque chose dans leurs veines coule et semble provoquer ce spectacle complet. L’ajout des pantomimes disparues et rajoutées dans cette version par Johan Kobborg en 2008 complètent avec délicatesse ce chant de l’âme de la Sylphide.

  Avec Pavel Klinichev à la baguette de l’orchestre du Bolshoï, on retrouve évidemment, dans la fosse, une grande qualité. Un ballet porté par un tel émoi musical donne aux solistes l’opportunité de développer davantage de reliefs et de virtuosité.

Cette nouvelle scène est intimiste avec un confort homogène. En effet, la jauge est plutôt faible au regard de la production consistante qui est offerte. Le tout avec un grand orchestre pour une scène large mais pas trop haute.

Le public relativement populaire est de tous horizons et de tous âge. Il n’hésite pas à applaudir de manière spontanée lors des premières apparitions. Seul endroit où j’ai croisé des français lors de mon voyage. Publique assez expressif. La fosse dont l’ouverture est profonde permet un véritable « curtain call ». L’allée centrale laissée libre permet au public de s’avancer et d’applaudir à deux mètres le couple du soir très gâté par les fleurs. Fleurs qu’il est interdit de jeter sur la scène, mais plutôt confiées à un service dédié qui les remet aux solistes lors des saluts dans le style d’une remise de médaille aux JO.

Selon l’agréable programme riche en contenus divers, il y est indiqué qu’il s’agit de la 203ème performance de La Sylphide au Bolchoï depuis 1994, je suis curieux de voir une date aussi tardive pour un ballet datant de 1832.

La soirée terminée, les belles femmes russes sur des talons de 10 cm repartent en berline teintée pour un restaurant sans doute copieux. En bravant les rafales glacées d’un hiver sans fin, les intellos pourront toujours aller visiter certains musées qui peuvent fermer jusqu’à 22h.

Le Ballet ne peut s’envisager dans le futur sans cette institution grâce à laquelle j’ai pu, avec le ballet de Vienne, multiplier cette année mes sensations chorégraphiques classique.

C’pas si bas, l’Bolchoï.

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Техникум (Tehnikum)

Ulitsa Bol’shaya Dmitrovka, 7/5с2, Moskva, Russie, 125009

Pub gastronomique idéal pour un avant ou après Bolchoï. Cadre agréable pour un Borsht qui ne reste pas longtemps dans l’assiette. A 200m de la salle. (Au moins il y a pleins de bons restau autour de cet opéra)

 

Мари Vanna (Mari Vanna)

Spiridon’yevskiy Pereulok, 10a, Moskva, Russie, 123104

Petit cocon merveilleux et chaleureux surveillé par un chat imperturbable à l’entrée, malgré un enfant qui joue de la trompette dans les oreilles de sa mère plutôt que de terminer son jus de groseille. Adresse très bonne et clairement incontournable.

Новодевичье кладбище (Cimetière de Novodevitchi)

Luzhnetskiy Proyezd, 2, Moskva, Russie, 119048

N’hésitez pas à vous perdre dans ce cimetière ou repose un grand nombre d’artistes ou personnalités Russes tel que Chostakovitch, Prokofiev, Galina Oulanova ou encore Anton Tchekhov. Accolé à un superbe couvent, un ballade poétique se dessine sous la neige ou l’ombre des imposantes pierres tombales.

 

Государственный музей изобразительных искусств имени А.С. Пушкина (Musée des beaux-arts Pouchkine)

Ulitsa Volkhonka, 12, Moskva, Russie, 119019

Beaucoup de musées à Moscou, en plus des plus importants comme le Kremlin ou Tretriakov, n’oubliez pas celui des Beaux-arts Pouchkine. Vaste collection avec finalement assez peu d’œuvres russes mais malgré tout un joli feu d’artifice artistique.

 

 

« La Sylphide » à la nouvelle scène du théâtre du Bolchoï à Moscou le 31 Mars 2018.

 

Play ?

Play, jouer en français dans le texte. Jouer à quoi ? Jouer à la balle, jouer au spationaute, jouer sur scène, jouer aux animaux, jouer au chef d’orchestre, jouer à être amoureux, jouer à se déguiser, jouer sa vie, jouer à être un adulte, jouer, juste pour jouer. Le jeu de séduction, le jeu de l’oie, le jeu de la vie. Qui joue ? Ça veut dire quoi jouer ? Peut-on jouer quand on est un adulte ? Et si le jeu n’était qu’un divertissement, donc un leurre ? Il ne faudrait donc pas arrêter de jouer ?

Beaucoup de questions, peu de réponses. Ou toutes faites. Alexander Ekman m’a déçu plus que plu. Ce Play m’a laissée assez indifférente, avec beaucoup de frustrations. Le premier sentiment, vient de la « non-surprise » de la création. De ne pas être à la première était sans doute une erreur, voilà donc quinze jours que mon instagram est rempli d’images de Play. Il faut dire que la pièce est fortement « instagramesque ». Plus qu’un chorégraphe Ekman est un créateur d’images. C’est joli, ça fonctionne, ça fait de belles photos. Mais le plateau très (trop ?) grand est finalement peu exploité, et quand les danseurs vont se nicher dans les coins profond du côté cour, on ne voit plus rien. A croire que les chorégraphes et metteurs en scène en oublient la salle en fer à cheval (est-ce que ce n’est pas une contrainte intéressante ?). Les images d’Ekman sont très belles : on retiendra particulièrement Aurélien Houette en immense robe blanche, le joli duo Vincent Chaillet/Sylvia Saint-Martin, le défilé de rennes, et la pluie de balles vertes formant peu à peu une piscine à balles dans la fosse d’orchestre. Les danseurs commencent ce diaporama avec une succession de jeux, habillés comme de jeunes bambins en culottes courtes. Regarder des gens jouer, cela me laisse assez indifférente. Je ne ris pas à voir les danseurs plonger dans la piscine (à vous dire vrai cela me provoque la même frustration que lorsque que je vais à Ikéa et que je passe dans l’espace enfant…). Ce jeu, enfantin, c’est ce qu’Ekman appelle le mode « on ». Au milieu de cette foule de joueurs, il y a the « off lady », incarnée par Caroline Osmont. Tailleur gris, chignon tiré, petites lunettes et escarpins. Elle est la maitresse, l’adulte, celle qui range, qui gronde, celle qui ne joue pas.

Passé ce mode « on » on passe en « off ». Les danseurs sont donc tous en tailleur gris, avec cheveux grisonnants et lunettes. Ils miment des gestes de travail, qu’ils répètent inlassablement. Heureusement, on s’accroche à la musique, qui est vraiment merveilleuse tout au long de la pièce. Puis Ekman nous livre un discours surtitré le long de la fosse (sérieusement ? et la visibilité ?) dont on se serait bien passé. Il nous explique à quel point nous courrons après un succès hypothétique et que lorsque nous y parvenons, nous ne savons pas en jouir. Il continue avec un discours sur la nécessité qui serait une illusion, y compris dans la danse et la musique…Là j’ai atteint le summum de l’agacement (je vous passe mes pensées intérieures qui ressemblaient à « mec sérieux va lire Spinoza… ou Meillassoux, peut être que tu trouveras une définition de la nécessité qui a du sens et par la même occasion celle de la contingence… Je m’excuse auprès de Félix qui a subi toute la démonstration avec beaucoup de patience et de sourire. J’ai des amis formidables !). Avait-on vraiment besoin d’un discours ?! On n’est pas non plus à la FIAC on n’a pas besoin du déroulé du processus de création. Dans la tension qui naissait du haut de ma colonne vertébrale jusqu’au coccyx, l’apaisement est arrivé avec la séance qui me semble vraiment être le beau moment du ballet. La danse sur les cubes m’a rappelé le très beau Cacti. Redoutablement efficace, cette contrainte du cube pousse la créativité d’Ekman et on se réveille enfin un peu. Le mode off se termine avec un public un peu endormi.

Après les saluts, le dernier chant ouvre la place pour transformer Garnier en espace de jeu. Enfin Garnier, c’est vite dit. Le parterre en somme. De gros ballons sont lancés, les danseurs lancent des balles jaunes dans le public, les danseurs jouent au ruban sur scène… Vous vouliez jouer ? On vous donne deux minutes de divertissement. On vous fait jouer. Enfin on vous lance la baballe. En rentrant de Play on a envie d’ouvrir Pascal pour se rappeler ce qu’est le divertissement.

Don Quichotte pour la première fois !

Evidemment je suis taquine. Je ne vois pas Don Quichotte pour la première fois. Je ne me souvenais plus de la première fois que je l’avais vu, alors je suis allée dans ma bibliothèque ou plutôt l’un de mes étagères – mon appartement est un petit cafarnaüm où les livres ont plus de place que le reste – pour chercher programme et anciennes distributions de Don Quichotte. Voilà la première fois que j’ai vu Don Quichotte c’était en 1998.

La première fois que j’ai été confrontée à Don Quichotte c’était surtout en le dansant. J’ai une professeure de danse qui est une personne formidable. On s’est toujours éclaté sur scène grâce à elle car elle n’avait jamais peur de nous faire danser des ballets énormes. J’ai donc découvert les variations de Don Quichotte en les dansant. J’ai dansé la variation Kitri acte I (castagnettes), appris la reine des dryades (pas dansé, ce n’est pas mon truc), l’adage et la variation de la demoiselle d’honneur à l’acte trois, plus toutes les parties collectives. Don Quichotte c’est long et c’est difficile.

Je ne suis pas une grande fan de ce ballet, qui passe parfois pour une suite de prouesses techniques et ce n’est pas franchement ce qui me touche dans la danse. Je suis touchée par l’âme que mettent les danseurs en scène, ce avec quoi ils viennent sur le plateau, ce qu’ils décident de donner ou non au public.

Jeudi 14 décembre, 4 h de sommeil la nuit d’avant, la journée de boulot dans les pattes. J’en suis sortie complètement émerveillée. C’est la force du classique magnifiquement dansé. A l’instar de certaines musiques tonales, la danse classique, quand on la connaît bien, n’apporte pas de surprises. Elle est bien ordonnée, on sait parfaitement ce qui vient après. C’est comme un gâteau bien ordonné. Adage, variation du garçon, variation de la fille, coda. Divertissement, pantomime, variation soliste, pantomime, etc. Passage en tutus où la ballerine principale est multipliée par le corps de ballet, souvent dans une forme féérique. Bref, à moins qu’on ne découvre le ballet classique dans sa forme du XIXème, on sait parfaitement comment va se dérouler le ballet quelque soit l’histoire. On ne fait donc pas beaucoup d’efforts d’attention, il y a une forme de confort en tant que spectateur dans cette forme classique.

C’est là que viennent vous réveiller Mathias Heymann et Ludmila Pagliero. Leur maitrise technique incroyable de la danse parfois si difficile de Noureev, leur laisse une liberté d’interprétation des personnages. Ils proposent un couple complice à la fois drôliques et élégants. Ludmila Pagliero montre de grandes qualités : elle sait jouer de la séduction jusque dans la fermeture de ses 5ème. Les fouettés faits avec l’éventail captent le public que cette belle Kitri ne quitte pas du regard. Mathias Heymann est à son plus haut niveau : il brille à tous les moments. Le public ne s’y trompe pas et s’enthousiasme pour ce couple de toutes beauté. Une représentation qui atteint son apogée grâce aux rôles secondaires exéctués sur la même longueur d’ondes. Amandine Albisson est une reine des Dryades impériales (quelle musicalité !) et Dorothée Gilbert n’a plus à démontrer sa finesse en Cupidon.

J’ai été éblouie ce soir là. J’ai ressenti ce que j’avais ressenti les premières fois, quand j’ai vu les classiques comme Don Quichotte. De la féérie et du rêve à Noël, quoi de mieux ?

Dans la grosse pomme, pas de pépins pour le Cygne Noir

Des milliers de personnes arrivent chaque jour à NY avec leur propre vision de cette ville et leur propre envie. Lorsque vous descendez de l’avion et que vous attendez au « Custom & Border Protection », vous y croisez des touristes, des rabbins, des galeristes assoiffés d’art, des golfeurs, des familles cubaines qui viennent voir la famille, bref chacun y cherche un but précis ou un rêve. Moi je descends de l’avion pour y voir « Swan Lake » de Peter Martins par le New York City Ballet.

New York, New York avec ses quartiers si différents un peu à l’image de Paris où l’on change d’atmosphère en changeant de rue. L’excès est omniprésent dans cette ville avec les sirènes hurlantes, la démesure des bâtiments ou encore l’équipement étouffant et sophistiqué des landaus poussés par les jeunes couples à central Park. Sans oublier Madame en leggings obligatoire, monsieur avec le gilet de trailer et pour les deux, la gourde de café à la main. Concernant le spectacle vivant ou la danse, NYC est tout de même la ville parmi les mieux loties du monde. Combien de concerts, pièces, musicals et spectacles de danse en tout genre par soir ? Sans doute énormément rien qu’à Manhattan.

A peine descendu de l’avion, je rejoins un appartement situé à la 68 ème rue entre Columbus et Central Park ouest pour la modeste somme de 40USD la nuit. Modeste car ce « flat » est idéalement placé à 5 minutes à pied de Central Park ou du Lincoln Center. Une bonne douche et je rejoins des amis chez Patsy’s, l’histoire de m’achever de fatigue. Les serveurs italiens y dansent avec un Ossobuco dans une main et une escalope milanaise dans l’autre. Et les New-Yorkais, ils dansent où ?

Le Ballet (« Balèèèyyye » en New-Yorkaise) par une grande compagnie? Il n’y a qu’à deux endroits que l’on peut en trouver. Par l’American Ballet Theater ou le NYCB. Pour ce début de saison durant le « Fall season » la version de « Swan Lake » de Peter Martins datant de 1996 est reprise par cette importante compagnie. Essentiellement née par les dons privés, le NYCB ne possède pas véritablement de théâtre bien qu’il soit associé durablement avec le David H Koch Theatre. Le Lincoln Center dans lequel se situe le David H Koch Theatre ainsi que le MET et le Geffen Hall, perpétue cette tradition de campus à l’américaine. Sorte de ville dans la ville qui vit au rythme des répétitions des leçons et des représentations. Une version condensée et coincée dans les buildings de notre Parc de la Villette à Paris. La salle est assez belle avec peu de place en angle mort. J’ai déboursé un équivalant d’un 2nd rang de 2ème  loge n°23 à Garnier pour 70USD (Très bonne visibilité). L’atmosphère du David Koch Theatre est assez épurée mais néanmoins légèrement tape-à-l’œil avec son plafond à 18 carats et ses œuvres de Kobaschi dans le foyer. La boutique est minimaliste en taille mais pas dans les prix, 25USD le Tote bag NYCB tout de même. Nous sommes samedi soir, il y règne une ambiance familiale et les jeunes couples New Yorkais, très pimpants se prennent en selfie devant les célèbres jets- d’eau du Revson Fountain, «Eummayyyyzing! » crie la dulcinée. Pendant la soirée, le publique parfois très expressif, menacera d’applaudir en cadence lors de certaines scènes mais ne manquera pas de crier des « Hii Haaa » lors des prouesses techniques de Siegfried. Ballet ou Jazz, il s’agit toujours et avant tout d’un « Show ».

Cette version de Peter Martins créée 1996 au Danemark (son pays natal) reprend la partition originale de Tchaïkovski avec notamment la « Danse Russe » qui de mon point de vue manque à la version Noureev. J’ignore d’ailleurs pourquoi Rudolf ne l’avait pas intégré dans sa version de l’ONP, s’est-il posé la question ? Cette variation russe reste aussi efficacement dans la tête que le thème principal du Lac et la chorégraphie ponctue agréablement cette scène du « ballroom ». « So swouiiiite » hurle ma voisine.

Ici aussi la mise en scène est assez épurée mais plutôt riante. Dans l’acte I, on retrouve un peu l’ambiance de Notre-Dame de Paris de Roland Petit au niveau des costumes. Miss Sara Mearns, principal du NYCB retrouve son rôle d’Odette / Odile de prédilection qu’elle porte depuis 2006. Ballerine tenace au visage clair et mystérieux. Elle me laissera une grande impression pour son Odile, grande force dans le regard et bouche fatale font pousser également des griffes à ce cygne noir. Une grande féline en somme.

Toute la gaité sera mise en avant par un éclatant et enivrant « Jester» dansé par Troy Schumacher. Ce dernier guidera la fougue et la joie des élèves de l’American Ballet qui forment un très beau corps de ballet junior. A l’entracte, la foule se presse sur la loggia, je m’y fais aborder par une New Yorkaise. Déjà séduit par Sara Mearns, il lui aurait fallu quelques plumes en plus et quelques grammes d’alcool en plus dans mon sang.

L’Acte II sera en revanche plutôt mécanique et précipité et manquera à mon goût de dramatisme. Ce qui me frappe dans la manière d’aborder cet Acte II, est la recherche de la performance technique. Les variations des quatre petits cygnes en est une bonne illustration, le tempo est forte et rapide et la danse précise mais avec petit manque de charme et de fragilité. Les ensembles de 20 cygnes après la scène du bal relèvent d’une bonne maîtrise mais la chorégraphie reste trop téléphonée à la musique et n’offre que peu de verticalité sur l’aspect romantique ou spirituel. PUMA, le sponsor principale du NYCB et équipementier sportif ne s’était peut-être donc pas trompé.

Le NYCB a les moyens de proposer de grandes productions classiques mais ne m’a pas donné cette étincelle et ce mystère que j’aime ressentir dans le Lac ou Giselle. Cette version de Peter Martins possède pourtant beaucoup de qualités visuelles ainsi qu’en termes de rythme.

Le spectacle se termine à 10:00pm soit 4h du matin pour moi, difficile de rester debout. Le lendemain une bonne journée paisible se déroule au grès des visites. Une sieste à Central Park puis, il est temps de reprendre l’avion à JFK ce dimanche soir. Le lendemain à 8h, j’étais frais au boulot à Orly avec une bonne céphalo-phono-manie du Lac.
En plus des Indiens et des tricheurs au Poker, les Cygnes du NYCB ont bel et bien leur place en Amérique parmi ceux qui portent fièrement des plumes.

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Coté Manhattan :

Zabar’s
2245 Broadway au niveau de la 80 ème rue.
Le Delicatessen le plus bordélique et le plus fourni en très bon produits. Etape indispensable pour y choisir sa salade ou son plat avant d’aller pique-niquer à Central Park. On y fait ses course sur de la musique classique et surtout on ne résiste pas aux cookies Raisin/Cannelle pour le reste il est très difficile de ne pas résister. N’oublier de jeter un œil à travers les portes pour admirer les cuisines.

Julliard School

Lincoln Center à gauche du Tully Hall. L’une des plus grandes écoles de musique de NY avec la « Manhattan School ». On y enseigne aussi la danse (oui oui !) Ce bâtiment tout neuf abrite près de 800 élèves. De nombreux masters class et concerts donnés par les étudiants y sont donnés gratuitement. A gauche en entrant dans le hall, un écran liste les performances accessibles.

Central Park

En attendant son Ballet au Lincoln Center ou bien avant de reprendre l’avion, ce luxuriant parc est un havre de paix au milieu de Manhattan. Mon endroit privilégié est le « Sheep Meadow », un vaste gazon avec la SkyLine qui surgit des arbres. Endroit parfait pour un apéro au soleil couchant après une bonne balade dans le « Ramble » jouxtant le lac.

National Museum of the American Indian

1 Bowling Green.

Palais assez unique proposant un bel espace pour y admirer de ravissants costumes d’indien d’Amérique. Vestes en cuir ou poncho tressé sans oublier les couronnes de plumes ! Accès libre.

Strand Bookstore

828 Broadway au niveau de la 12ème rue.
L’une des plus envoutantes librairies de NY. On s’y perd dans les nombreux ouvrages, posters ou cartes de vœux. Son parquet ciré et les étroits rayonnages sauront vous captivez de longues dizaines de minutes. Très importante offre de livre d’occasion !

Patsy’s

236 W 56th St, New York.
Ce restaurant tenu par la famille italienne Scognamillo depuis 1944 provoque un voyage dans le temps. Une multitude de serveurs en blazer blanc avec gallons vous servent non sans quelques pitreries. Lieu idéal pour vivre une scène digne de « L’honneur des Prizzi ». Cuisine excellente qui se termine par l’hypnotique charrette de desserts. Je n’imagine pas combien de têtes ou d’affaires se sont négociées ici.

Le Metropolitan Museum of Art, évidemment…

1000 5th Ave, Central Park Est.
Incontournable musée avec une collection pléthorique d’œuvres pour tous les goûts. Prévoir au minimum une grosse journée. Les balletomanes pourront y trouver l’un des célèbres répliques de la Danseuse de 14 ans de Degas. Possibilité de combiner avec Cloisters l’abbaye reconstituée au nord de Manhattan.

Frick collection

1 E 70th St, Central Park Est.
Discret et idéalement placé, cet hôtel particulier digne de ceux que l’on trouve dans le Marais abrite une très belle collection ou une bonne exposition temporaire. A taille humaine on s’y ressource et repose un peu avant de retourner dans le brouhaha de la 5ème avenue. Son salon accueil parfois des concerts de musique de chambre en fin d’après-midi.

One World Observatory

1 WTC 285 Fulton St.
Le ciel est dégagé ? L’hélicoptère est trop cher ? Engagez-vous dans le One World Observatory au sommet de WTC 1 pour une vue imprenable sur DownTown et la rade de New York. Le film déroulant dans l’ascenseur projette un historique animé de la ville à 360°, une expérience assez geek et enrichissante. Privilégiez la première benne à 9:00am.

Hors Cadre : François Alu rocks the ballet !

Au théâtre Antoine, le public a beaucoup ri cette après-midi. Il faut dire que François Alu sait y faire. Avec ces cinq compères – Lydie Vareilhes, Clémence Gross, Hugo Vigliotti, Takeru Coste et Simon Le Borgne – ils ont régalé le public de virtuosités et de sketchs dansants.

Ne jamais se prendre au sérieux. On pourrait mettre ce mantra en légende du spectacle de François Alu. Le spectacle est à l’image de ceux proposés par 3ème étage, la personnalité de François Alu en bonus. Il fait le show pendant près de deux heures. Pas de deux, solo, trio, le tout multipliant les difficultés techniques. On se joue de la danse, on en rit, on en dénonce certains aspects, mais non sans un certain humour : tout le monde en prend pour son grade à commencer par ce cher Louis XIV qui un jour eut l’idée de codifier la danse classique. Viennent ensuite les chorégraphes contemporains prétentieux, les professeurs méprisants et farfelus, les maitres chanteurs (vous savez ces chorégraphes qui s’approchent un peu trop des danseuses…). Ils sont caricaturés, dénoncés, le tout en dansant avec beaucoup de talent. On adore découvrir Lydie Vareilhes en chorégraphe déjantée à la recherche de SA création ou encore Hugo Vigliotti en obsédé du 4ème temps (oui désolé les musiciens, mais en danse, il y a toujours huit temps !).

Le spectacle reprend des passages connus des fidèles spectateurs de 3ème étage comme le désormais très célèbre Me 2 de Samuel Murez ou encore le concours de technique des garçons (et avec Hugo Vigliotti et Simon Le Borgne en rivaux de François Alu on n’est pas déçu du voyage). A cette machine qui fonctionne très bien, François Alu a su y glisser sa patte. La variation de Basilio pour le rôle fétiche, celle des Bourgeois pour montrer une autre facette de son talent. C’est bien cela que le public vient voir aujourd’hui. Un danseur qui sort du cadre pour nous montrer l’envers du décor, pour dire ce qu’il a à dire sur le monde du ballet classique aujourd’hui, et pour nous dévoiler toutes les facettes de sa personnalité artistique. En partageant la scène avec 5 superbes danseurs, on ne peut que sortir ravis de ce spectacle. A voir assurément.

Pour voir Hors Cadre au Théâtre Antoine c’est le samedi 14 octobre.